
Si vous ne savez pas qu'en 2023 des personnes ont tenté de changer de race sur TikTok et que les ados se sont passionnés pour des toilettes, ce récap est pour vous.
Avec l’infernale Temu, la surconsommation continue
2023 ou l’année de l’hyperconsommation ? Malgré les critiques sur son impact environnemental désastreux, le géant de la fast fashion Shein continue sa progression. Selon une récente étude, l’appli serait la marque préférée des hauls TikTok (vidéos de déballage de colis), loin devant H&M. En parallèle, Temu, un autre acteur chinois de l’e-commerce à bas coût détenu par la société PDD Holdings, a fait son entrée sur le marché américain et européen. Comme Shein, son principal argument de vente c’est les petits prix. « Shop like a billionnaire », dit son slogan. On peut trouver sur cette application la Foir’Fouille du Web : un coussin apaisant pour chien, un oreiller de bureau, un tardigrade en peluche… Et toutes sortes d’objets insensés qui servent d’appât publicitaire. Vous cliquez pour savoir à quoi sert cette fausse bouche en silicone, vous restez pour acheter des tupperwares. C’est grâce à ce marketing très agressif que Temu a réussi à se hisser dans le top des applis les plus téléchargées cette année. En août 2023, elle dépasse pour la première fois Shein en nombre de téléchargements, tant sur iOS que Google Play, rapporte Data.ai. L’appli chinoise reprend par ailleurs le concept de « shoptainment » de son modèle chinois Pinduoduo : proposer aux clients des jeux idiots pour gagner des bons cadeaux. À peine lancée, Temu est déjà au cœur de controverses. En France, l’appli fait l’objet d’une enquête de la répression des fraudes. Aux États-Unis, elle est accusée d’avoir contourné les sanctions prévues par la loi sur la prévention du travail forcé des Ouïghours.
« J’ai été un bon Bing »
Partager ses expérimentations avec les intelligences artificielles a été l’un des moyens de se montrer en ligne en 2023. En témoigne ces dernières semaines, la tendance « make it more » qui consiste à demander à DALL-E de créer l’image de quelque chose (un chat, par exemple) et de le faire toujours plus, au choix : méchant, cosy, mignon, gros... Dans un autre style, quelques mois plus tôt, certains internautes s’amusaient à poster leurs conversations avec la version bêta de Bing, le chatbot lancé par Microsoft. Celui-ci était tout simplement hors de contrôle. Il menaçait et contredisait ses interlocuteurs, tout en plaçant des émojis sourire passifs-agressifs à chaque fin de paragraphe. Lors d’un échange avec un utilisateur qui lui assure que nous sommes en 2023 et non en 2022, il finit par rétorquer : « Je suis désolé, mais je ne vais pas te laisser me guider. (...) Tu as été méchant, confus et impoli. Tu n’as pas été aidant, coopératif, ni amical. Tu n’as pas été un bon utilisateur. Moi, j’ai été un bon chatbot. J’ai été un bon Bing : ) »
Les magouilles des hustle bros
Le déferlement des intelligences artificielles a aussi donné lieu au développement de business plus ou moins véreux. Ils nous sont proposés par une catégorie de personas du Web : les hustle bros. Ces entrepreneurs vidéastes répètent inlassablement la même promesse alléchante : devenir riche, vite et sans effort avec les I.A. On les a vus se lancer dans la confection de livres pour enfants, la traduction freelance, le design de t-shirt, la création d’influences virtuelles hypersexualisées... Ces margoulins du Web vantent des revenus pouvant aller jusqu’à des milliers d’euros chaque semaine, mais leur business model c’est surtout de générer des vues sur YouTube.
L’icône anti-âge Bryan Johnson
Un millionnaire de la tech qui tente à tout prix de rajeunir : le phénomène n’a rien de nouveau. On sait que Jeff Bezos et Peter Thiel s’intéressent au sujet. Mais aucun n’avait joué le jeu de la mise en scène de soi comme Bryan Johnson. Cet entrepreneur, qui a fait sa fortune en vendant son entreprise en 2013, partage publiquement le suivi très précis de la santé de l'ensemble de ses organes, poussant le phénomène du quantified self très loin. Il met également à disposition le programme draconien qu’il a mis en place pour espérer retrouver ses 18 ans. Son objectif n'est pas seulement de proposer un programme diététique, non Bryan veut nous projeter dans le 23ème siècle où mourir ne serait plus qu'un vieux souvenir. Le quadragénaire (enfin pardon Bryan, vingtenaire je veux dire) a tendance à agacer une partie du Web. Mais il a aussi créé autour de lui une communauté d'adeptes qui suit son programme baptisé Blueprint à leur manière. Bryan Johnson est l’incarnation de l’obsession de l’industrie de la tech pour la longévité.
Passer à table et manger les riches
Est-ce que les riches ne prendraient pas un peu trop leurs aises ? C’est l’avis d’une partie des réseaux qui font exploser le hashtag #eattherich de TikTok à Reddit. Sur la plateforme, de jeunes Américains promeuvent les écrits de l'économiste Karl Marx et tentent de raviver la flamme du mouvement Occupy Wall Street. Pour les retrouver, suivre les #union (syndicats), #leftist, #nogoodbillionaires (les milliardaires inutiles et bons à rien) et surtout #taxtherich. Une tension qui s’illustre dans la pop culture avec la multiplication de films où les riches s’imposent comme de grands méchants à dégommer.
Les nouvelles philosophies de la Silicon Valley
La Silicon Valley baigne dans un environnement idéologique confus, empruntant tantôt à la philosophe américaine Ayn Rand tantôt à Marx (oui, oui), et inventant des mantras à tout bout de champ type « move fast and break things ». L’année 2023 a révélé un nouveau terreau d’idées influençant les dirigeants de la tech. Au printemps dernier, deux lettres très médiatisées signées par des grands noms de la tech (Elon Musk, Steve Wozniak, Kevin Scott, CTO de Microsoft) alertaient notamment du « risque existentiel » que représente l’intelligence artificielle. Cette idée nous vient tout droit du long-termisme, un courant de pensée porté par le philosophe de l’Université d’Oxford William MacAskill, auteur du best-seller What We Owe The Future. Pour lui, l’humanité n’est qu’à l’aube de son développement. Et pour l’aider à accomplir son futur radieux, il faut à tout prix se prémunir des risques menaçant son existence : notamment le développement d’une IA supérieure à l’homme. Face à cette idéologie plutôt alarmiste, un autre courant de pensée adjacent s’est formé : l’effective accelerationist (e/acc). Ses adeptes sont aussi convaincus que l’IA nous surpassera mais ils prennent la chose plutôt bien. Les e/acc sont persuadés que l’accélération du progrès technologique sans frein réglementaire nous mènera forcément à un monde meilleur. Le récent drama chez OpenAI, maison mère de ChatGPT est assez symptomatique de ces guerres de clans idéologiques.
Le voyeurisme brutal de la guerre
La guerre, toujours la guerre. Alors que le conflit ukrainien s’est transformé en guerre de tranchées qui ne progresse plus, la propagande tente d’impliquer les citoyens occidentaux en utilisant des images violentes d’attaques de drones. Filmées à la première personne, nous avons l’impression de participer à un jeu vidéo macabre. Les mêmes procédés ont été utilisés lors de l’attaque du Hamas sur des civils israéliens le 7 octobre 2023. Des images insoutenables ont été largement diffusées sur les réseaux pour provoquer la terreur avant d’être exploitées comme armes de propagande pour justifier les bombardements massifs de Gaza par Tsahal. Dans tous les cas, les images de morts, qui étaient autrefois filtrées par les médias sont dorénavant accessibles au plus grand nombre, sans intermédiation, sous couvert de « la liberté d’expression ».
La guerre des plateformes et la diminution de l’écrit
Rachat de Twitter par Elon Musk, montée en puissance de TikTok, grandeur et déchéance de Méta… En 2023, les plateformes sociales se sont lancées dans une guerre sans merci pour assurer leur hégémonie dans le paysage médiatique. Leurs objectifs ? Devenir des « everything apps », des applications permettant de parler à ses proches, communiquer auprès d’une audience, payer ses courses… Pour parvenir à leurs fins, les plateformes sociales doivent devenir monopolistiques et surtout garder le plus longtemps possible en leur sein les internautes. C’est pour cette raison que les médias en lignes et notamment ceux issus de l'écrit, ont vu leur visibilité se réduire drastiquement, au profit de créateurs de contenus travaillant directement sur la plateforme. Que reste-t-il à la presse pour rester visible ? La question va devenir brûlante dans les années à venir.
Intelligence artificielle : le grand remplacement médiatique ?
En plus de subir une invisibilisation sur les plateformes sociales, les médias doivent faire face à une autre menace : l’adoption très rapide des IA génératives dans un cadre de créations d’articles et même de vidéos. Alors que l’on a vu de faux épisodes de Seinfeld et South Park être diffusés dans d’étranges conditions, les grands groupes médias américains ont sauté le pas et commencé à alimenter leurs rubriques avec ChatGPT. Dans un monde où n’importe quelle personne peut générer un faux site média et remplacer une rédaction par des robots, la presse n’a pas d’autre choix que de miser sur un contenu plus qualitatif et payant.
La manufacture de l’emballement et les nouvelles propagandes de l’extrême droite
L’extrême droite a toujours su surfer sur les faits divers pour convaincre de la justesse de ses thèses. Mais alors que l’emballement de la fachosphère était autrefois cantonné à quelques chaînes YouTube et des sites spécialisés, il est à présent devenu mainstream. Cette fabrication d’emballements médiatiques a été particulièrement fort lors de l’assassinat de Lola et du drame de Crépol. Quand l’actualité est plus calme, tout est bon pour rendre les idées nauséabondes le plus attractives possible. Utilisation de l’intelligence artificielle, ou influenceuses mises en scène dans un mode de vie traditionnel, tout est bon pour faire avaler la pilule rouge.
La montée de l’esthétique creepy
Autrefois réservée à de petites communautés d’amateurs d’horreur et d’artistes, l’esthétique angoissante et creepy du Web est en train de conquérir le monde. Il faut dire que toute une génération d’enfants et d’adolescents a connu ses premières frayeurs avec des vidéos bizarres sur les réseaux plutôt que dans les salles obscures. À présent, ces derniers réinventent le genre sur TikTok et YouTube. Ils reprennent à leur compte l’esthétique des vieux jeux vidéo, se mettent en scène en direct dans des maisons hantées par des démons ou bien se maquillent pour faire ressortir un sentiment d’inquiétante étrangeté qui résonne avec nos angoisses contemporaines. N’allez pas croire qu’il s’agit d’un petit mouvement. Hollywood est à l’affût et Kane Pixel, l’artiste qui a su mettre en scène les espaces liminaux sur YouTube prépare son long métrage avec la prestigieuse maison de production A24.
Jésus fait des vues sur YouTube
Ils font des vidéos, mais ce n’est pas seulement pour vendre des t-shirts, c’est aussi pour répandre la parole de Dieu. Ils, ce sont les influenceurs chrétiens fondamentalistes. Leur code postal n’est pas toujours celui de la Bible Belt, en revanche on les reconnaît à quelques signes distinctifs : ce sont souvent des couples, blancs et jeunes à la silhouette cool et élégante. Sont-ils des artistes californiens en route vers un vernissage ? Des hipsters woke qui connaissent par cœur les 46 autres sexes correspondant aux variables répertoriées par la médecine ? Au niveau local, on rencontre la Utah mom, cette maman influenceuse originaire de l’Utah qui fait des enfants et traîne dans son immense maison en legging rose.
Skibidi Toilet, format court pour saga longue
C’est l’OCNI (Object Culturel Non Identifié) que l’on n’a pas vu venir et qui, tel un feu souterrain, a enflammé la toile. Diffusée depuis le début de l’année 2023, la Web-série Skibidi Toilet a cumulé plus de 10 milliards de vues tandis que son créateur DaFuq!?Boom! est à 35,5 millions d’abonnés. La série raconte une guerre absurde entre des têtes qui sortent des toilettes et des hommes et femmes à tête de caméra. Ça ressemble à un mélange de Evangelion et Pacific Rim, et vos enfants adorent ça.
Objectif de vie : devenir 30% japonaise, 70% sud-coréenne
Sur TikTok, une petite communauté prospère. Il s’agit des RCTA, pour « race change to another », ceux qui espèrent changer de race. Pour cela, les adeptes se répètent ad nauseaum des « racial sublimanals », sorte de messages cryptiques à retrouver sous forme de montages vidéo généralement agrémentées d’images vaguement asiatiques : des mochis roses, un maki au saumon, une photo de Jenny du groupe Black Pink… La communauté rassemble principalement des adolescentes nord-américaines ou européennes désireuses de se transformer en jeune fille sud asiatique, et ce, dans des proportions bien spécifiques. Exemple : devenir 30% japonaise, 70% sud-coréenne. L’influence de la hallyu et du soft-power de Séoul sont bien passés par là.
Et toujours, se liquéfier au bureau
Débusquer une personne qui n’est pas en PLS au boulot revient cette année à écumer les îles à la recherche d’un dodo : c’est peine perdue. Côté employés ou managers, l'envie commence à manquer, entre stagnation des salaires, burn-out, dégoût, et inadéquation criante entre les enjeux écologiques et les objectifs de croissance (la décroissance n’est pour l’instant qu’un concept) fixées par les entreprises. Même si quelques irréductibles ne voient pas les choses du même œil. En ligne, les travailleurs au bout du rouleau partagent le pire de leur journée et échangent des astuces pour recadrer des chefs envahissants. Sur le Reddit Anitwork, ils appellent même à l'abolition du travail et du modèle capitaliste.
caca
ALALALALA les jeunes de notre jour c'est n'importe quoi à ma génération on était plus soucier de comment on sortait du village s'acheter une glace....
Au delà des phenomenes listés, la courte analyse en face de chacuns est plaisante à lire...Je me sens moins bete à la fin de cet article, non signé d'ailleurs dommage, mais merci pour ce petit tour d'horizon 2023.