Entre deux séries TV made in Seoul, ils écoutent en boucle des tubes de BTS, se badigeonnent de crème Holika Holika et se mitonnent un bon japchae. Et apprennent le Coréen au passage.
En quelques mois, Alicia*, Victor, Jane* et Lantou sont devenus accros aux produits sud-coréens et à la pop-culture du pays. Ils nous expliquent pourquoi.
« J’absorbe beaucoup de choses de la culture coréenne »
Pour Alicia*, cela a commencé avec les K-dramas, ces séries TV coréennes qu’elle regarde dorénavant avec Sylvie.* Au fil de ses coups de cœur, cette cadre trentenaire a converti sa mère, professeur de Français en classe prépa à Marseille... « On parle pendant des heures de Crash Landing On you ou Something in the rain comme avant on parlait d’Alfred de Musset ou de Victor Hugo… Ce qui nous plaît dans ces romances, c'est qu'elles sont traitées de manière très poétique. Elles arrivent à rendre la puissance amoureuse et l’intensité de la passion par le regard, les effleurements et les silences qui rythment parfois un début de relation, sans aller dans le démonstratif. Jamais rien de plus qu'un baiser ! » Bien sûr, Alicia s’est précipitée à l’exposition « Corée Korea, Cubically Imagined » au Centre culturel coréen de Paris pour s’immerger dans la pop-culture sud-coréenne. Régulièrement, elle dépense des fortunes chez K-Mart, une épicerie spécialisée du premier arrondissement de Paris. « J’ai aussi claqué 300 euros en cosmétiques coréens », admet la jeune femme, un peu gênée…
La passion dévorante d’Alice pour la Corée est loin d’être un cas isolé. Valentine*, lyonnaise de 33 ans, vit aussi intégralement imprégnée de culture coréenne. Pour cette friande de dessin et d’architecture, cela a commencé avec les mangas. De fil en aiguille, elle bifurque vers les manhwas, la version coréenne des célèbres bande-dessinées japonaises, avant de tomber dans la marmite de la K-pop et des séries TV : « Je regarde un peu tous les genres, des policiers et des thrillers comme Voice ou Healer. Cela tranche avec les séries américaines, la photographie y est très soignée, l'ambiance tout autre… Les romances aussi sont différentes. Les femmes sont moins exposées et la représentation des hommes change nettement de ce qu’on a l’habitude de voir : ils sont moins musclés, plus androgynes... Les relations sont plus délicates aussi. Une grande place est attribuée au respect des ainées et de la connaissance. C'est très exotique pour moi, et même si la société est encore patriarcale, je m’y retrouve. D’ailleurs, je ne regarde plus rien d’américain », explique-t-elle en grattouillant la tête de son petit chat, baptisé Raoonah, « joli » en coréen.
Coup de foudre à Séoul
« En fait, j’absorbe sans m’en rendre compte beaucoup de choses de la culture coréenne. Ma mère à qui j’ai récemment montré mes séries préférées m’a fait réaliser que j’avais adopté certains comportements et gestuelles typiquement coréens, comme le fait de saluer avec la tête plutôt qu’avec la main… »
Étudiante, Valentine est partie deux mois découvrir Séoul, et cela a été le coup de foudre. De retour en France, elle a appris les rudiments de la langue avant d'aller travailler cinq ans plus tard dans une guest-house de Hongdae, quartier branché de la capitale sud-coréenne. Elle retournera en Corée encore deux fois, dont un séjour d’un an lors duquel elle perfectionne son apprentissage linguistique. Aujourd’hui, Valentine est devenue experte dans l’art de cuisiner doenjang-jjigae, kimchi et banshan. Et n’attend qu’une chose : repartir en Corée.
« Ma vie est immergée dans la Corée »
De son côté, Lantou, 48 ans, est tombée dans le bain coréen au travers de la cuisine dont raffole sa fille. Dès 2013, Lantou découvre BTS, l'iconique boys band. « Je les suis depuis le début », affirme avec une certaine fierté cette ex-manager reconvertie en coach. « Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de Jungkook, le golden maknae du groupe (ndlr : le plus plus jeune), tout le monde est en effervescence », confesse Lantou. « Tout le monde », ce sont les MARMYS, le groupe de mamans et mamies fans de BTS qu’a rejoint Lantou, baptisé ainsi en hommage aux ARMYS, fandom officiel du groupe. Pour fêter l’évènement, les MARMYS se réunissent à Paris ce soir. Elles seront 25, certaines venues de province pour l’occasion. Au programme : balade et dîner dans le quartier coréen près d’Opéra, virée dans le 13ème pour se fournir en CD et DVD du groupe, puis boisson chaude à l'aloé au Kayo Coffee, QG parisien des fans de K-pop. « Ce qui m’a plu dès le début, c’était les textes revendicatifs qui parlaient de problèmes de société et des rêves brisés de la jeunesse coréenne, à qui un rythme effréné est imposé, des titres comme Born Singer et No more dream. Puis ils ont fait leur propre chemin, se sont affranchis de tout ça, ils sont partis sur le chemin du self-love… Ils ont une approche qui me parle, qui soigne les gens. »
Admirative de la culture de l'excellence qui infuse tout le pays, Lantou qui a aujourd'hui lancé l'association BTS Family, ne jure dorénavant plus que par la Corée. Quand elle ne binge pas The Devil Judge sur Viki, pendant asiatique de Netflix, Lantou écume les restaurants (elle mange Coréen tous les jours), se rend au Centre culturel emprunter des livres et suit avec assiduité des cours de langue particuliers pour profiter de ses séries favorites en VO. Sa passion l’a même conduite à participer à un concours lancé aux fans de k-dramas par le Centre culturel coréen, durant lequel elle rejoue une scène culte de la série Itaewon Class. « J’ai fait un plongeon immersif dans tout le pays, toute ma vie est immergée. Je suis devenue accro aux k-dramas, à leur esthétique toute particulière. La photographie est très travaillée, les couleurs saturées. Les réalisateurs coréens savent aller jusqu’au bout : de la folie, de la passion, de la violence... Seul le sexe reste encore très tabou... Mais ils savent nous rendre addict ! »
« Avant je trouvais ça ringard. Maintenant j'adore ! »
Addict, Victor l’est aussi, la hallyu ne l'a pas épargné... Passionné de danse, ce médiateur dans un Centre culturel de Tours regarde en boucle les clips de ses boys band favoris. « Avant de connaître, je trouvais la K-pop un peu ringarde, j’en avais une image assez négative. Et puis pendant le confinement je suis tombé sur un clip de Blackpink (ndlr : un girls band coréen), et j’ai été subjugué. » Très sensible à la culture de l’image, le trentenaire est particulièrement impressionné par la manière dont les Coréens se sont emparés d’un concept américain, pour le dépoussiérer et le pimper à leur sauce. Mais autre chose a séduit Victor : « J’adore la complicité qu’il y a chez BTS, leurs chorégraphies impeccables, hyper léchées, leur look incroyable à base de bijoux et de maquillage, et surtout cette symbiose entre eux... On les sent liés par une amitié forte. J’aime aussi qu’ils incarnent autre chose de la masculinité. Ils se font des câlins, se teignent les cheveux en rose… Ils n’ont pas besoin d’être virils et froids comme les boys band des années 90, ils assument ce qu’ils sont. Je les trouve hyper inspirants, tout comme le lifestyle coréen d’ailleurs ! »
« Cela m’a carrément libéré ! »
Ce ne sont pas les copines de Lantou qui diront le contraire. Par une journée pluvieuse, Cheyenne, Aurélie et Nathalie se sont retrouvées au Kayo Coffee. « Le truc de BTS, c’est que cela parle à différents niveaux, raconte Aurélie, maman de deux enfants, lunettes fines sur le nez et voix qui part dans les aigus. Moi, cela m’a carrément libérée, cela m’a permis de sortir de ma zone de confort, de faire plus de choses, d’oser. » Sur son téléphone, elle désigne fièrement un selfie où elle arbore une coupe un carré plongeant. Aujourd’hui blonds, ses cheveux sont rose fushia sur la photo. « Avant j’étais plus timide, j’osais moins. J’ai toujours eu peur de prendre l’avion mais maintenant, pour aller les voir en concert en Corée, je suis prête à tout. Maintenant je me dis que la vie est courte, et le regard des autres m’importe moins… » Dans le cœur de Cheyenne aussi BTS tient une place particulière. Elle qui a vécu un épisode dépressif durant le confinement avoue avoir retrouvé la joie de vivre grâce à BTS : « Leur joie de vivre, leur énergie, leur message dans la chanson On, cela m’a nourri », explique la jeune fille aux multiples tatouages en retirant son perfecto.
À sa droite, Nathalie, la cinquantaine, queue de cheval, yeux pétillants et épais sweater bleue marine, assume parfaitement la groupie qui est en elle. Avec sa fille, elle guète via les réseaux le passage des « garçons », comme les appelle avec une tendresse toute maternelle, pour espérer les apercevoir à la sortie de leur hôtel. « Mais ce n’est pas ça le plus important avec BTS. Ce qui nous embarque toutes, c’est eux, leurs valeurs, l’exigence qu’ils ont envers eux-mêmes, et la complexité de leurs créations. » En tant qu’artistes, BTS ne se résume pas à des vêtements pailletés, des clips colorés et des chansons acidulées. Sous leur allure légère, « les garçons » sont engagés et cachent dans leurs chansons des références à la psychanalyse jungienne avec l’album Map of the soul 7 ou à la nouvelle de science-fiction The Ones Who Walk Away from Omelas avec la chanson Spring Day… C’est ce pan-là de BTS aussi qui a séduit Bamby, intello hédoniste aux cheveux courts et aux grandes boucles d’oreilles dorées : « C’est très riche, il y a de tout. Découvrir leur musique, c’est comme tomber dans le trou du lapin », souligne-t-elle en donnant un coup de fourchette dans son soe galbijim…
À 66 ans, Jane*, comprend bien l’inclination de Victor. « À propos de la Corée, j’aime beaucoup… tout », dit-elle en sirotant un cappuccino au Kayo Coffee, là où elle se sent « le mieux. » Initiée par sa petite fille, elle découvre d’abord BTS, avant de devenir fan de Enhypen, Stray Kids, et des K-dramas traitant de chroniques familiales et de drames historiques. Fascinée, elle rejoint les Dramy's, groupe de fans de séries coréennes, avant de tomber dans les cosmétiques et la cuisine : « Et maintenant, même mon mari aussi est devenu fan de bibimbap », se réjouit-elle. « Il y a de la Corée dans ma vie tous les jours, mais maintenant, je veux découvrir la vraie Corée, au-delà du verni des séries. J’aimerais me rendre sur place et tout aspirer du pays. »
*Le prénom a été changé
Enfin un article magnifique qui décrit parfaitement l'engouement de personnes de tous âges pour la culture coréenne.
J'ai 40 ans et je suis tombée amoureuse de la Corée après un road trip en Asie il y a 10 ans. J'ai visité la Chine, le Japon, et d'autres pays, mais il n'y a rien de comparable à la Corée du Sud où j'ai rencontré des personnes géniales qui sont encore aujourd'hui des amies.
De retour en France, je me suis passionnée pour la cuisine et la langue coréennes, ainsi que les k-dramas que j'ai fait découvrir à mes nièces. A leur tour, elles m'ont fait découvrir la K-pop et plus particulièrement les groupes GOT7, SHINee et BTS.
Depuis, je suis une MARMY (maman et Army fan de BTS) et je n'ai pas honte de l'être.
Je me reconnais dans toutes les raisons que Victor a évoqué pour expliquer son engouement pour les BTS et j'en rajouterai une autre : leur incroyable discographie de plus de 200 titres, dont une grande partie est écrite, composé ou produite par des membres du groupe. Chacun des sept membres apportant ses influences musicales, vous y trouverez de la pop/electro, du hip-hop, du jazz, du RnB, du blues, de la soul, du pure rap, des ballades, du rock et même de la musique latine... Bref, même si vous n'aimez pas "Dynamique", si vous vous intéressez sans préjugés à la discographie des BTS, vous serez agréablement surpris.
Au final, tout ce qu'il faut pour plonger dans la vague coréenne quelque soit l'âge, c'est de mettre de côté les idées reçues et faire preuve curiosité... Et vous serez agréablement surpris de constater comment ce petit pays arrive à sublimer tous les concepts qu'il touche.
Merci Nadia pour ce commentaire hyper intéressant !!! Contactez-nous pour nous en dire plus.
Vous avez aussi certainement remarqué au delà des jeunes pianistes classiques comme hyuk Lee, Jonathan Lim qui a gagné Cliburn il y a ausdu le Nijinsky du 21 ème siècle sue Benjamin Millepied avait fait venir fin 2015 pour La Bayadère à l opéra.Capable de convertir n importe qui zu ballet tellement breathtaking