
En lisant le New York Times sur TikTok, Kelsey Russel, 23 ans, veut redonner à la GenZ le goût des journaux. Et ça fonctionne.
Chaque jour, souvent devant un copieux petit-déjeuner, Kelsey Russel fait son compte rendu du New York Times sur TikTok. La mise en scène n’a rien d’extraordinaire. La jeune Américaine synthétise un ou deux articles de son choix, souvent armée d’un surligneur. Elle agrémente son résumé de commentaires allant d’un simple « pas cool, les mecs » au sujet de la politique américaine vis-à-vis de l'Équateur, à des ajouts de ses propres connaissances sur le sujet.
Pourtant, ces vidéos simples et efficaces collectent jusqu’à un million de vues. La jeune femme, suivie par plus de 70 000 abonnés, explique avoir reçu un abonnement au prestigieux journal américain pour ses 23 ans, en août 2023. Depuis, elle s’est donné pour mission de réconcilier la GenZ avec la presse écrite. Cette étudiante en sociologie estime que lire un journal permet de s’extraire des multiples distractions du quotidien offertes par les écrans et de mieux réguler ses émotions.
Lire le journal pour réguler ses émotions
Elle regrette que ses pairs évitent les infos dérangeantes par peur d’être encore plus angoissés qu’ils ne le sont déjà. Un écueil lié au fait que toute information se consomme sur téléphone, selon elle, et qu’entre les vacances d’une connaissance à Ibiza et un mème, personne n’est prêt psychologiquement à s’intéresser à la situation en Ukraine. « Il faut que vous appreniez à vous blinder, pour que ses informations ne ruinent pas votre journée », explique-t-elle dans l'une de ses vidéos. Et pour elle, se poser et lire un journal écrit permet de justement de créer un safe space (un endroit en sécurité), nécessaire pour s’informer. En tout cas la recette semble prendre. Outre les vues que ses vidéos génèrent, Kelsey reçoit de nombreux commentaires d’utilisateurs déclarant s’être abonnés grâce à elle.
Notons que Kelsey cumulait déjà plusieurs dizaines milliers de vues sur ses vidéos (souvent des shopping hauls, ou des conseils à la communauté noire de Boston...) avant de commencer ses lectures.
Son nouveau gimmick plaît évidemment au New York Times, qui l’a invitée à visiter ses locaux. Mais aussi à la concurrence. Le Washington Post l’a sollicitée et lui envoie désormais son journal gratuitement, elle y a consacré deux vidéos.
En commentaires, on trouve aussi de nombreux journalistes qui saluent son travail, la remercient de « sauver leur métier » et parfois lui réclament de lire un de leurs articles. D’autres encore s’inspirent de ses vidéos pour mettre en avant des contenus journalistiques, comme cette reporter de The Verge.
Communicante pour journalistes
Dans une interview accordée à la newsletter Embedded, Kelsey Russel explique qu’elle est ravie de faire ce travail (bénévole) de communication auprès des journalistes. « De nombreux auteurs (de la presse écrite) ont de très bonnes informations, mais ils ne veulent pas être présents en ligne. Je pense que c'est là que je peux intervenir, car j'aime être devant une caméra. J'aime communiquer les choses de manière amusante pour que les gens les comprennent. (…) Je veux soutenir les journalistes dans cette voie. »
Pour les médias classiques, trouver le bon ton sur les réseaux sociaux, en particulier TikTok, n'a rien d'évident. Souvent même si les formats sont plutôt réussis on trouve toujours un léger décalage avec les contenus existants sur la plateforme, hormis quelques exceptions comme le média canadien Urbania. Passer par des créateurs indépendants et déjà installés sur le réseau comme Kelsey Russel pour promouvoir les articles pourrait donc s'avérer une bonne stratégie.
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