Deux jeunes filles en uniforme de lycée privé

Corporate girl summer : cette année, l'été ne sera ni chaud ni sauvage

© Do Revenge

Il ne sera pas question de s'envoyer en l'air, de faire la fête toute la nuit et d'ingérer du Coca pour le petit-déj’. Mais d'émuler la working girl studieuse qui est en vous.

On le sait, les augures et décryptages de microtendances vont bon train sur TikTok. En 2021, des cohortes d'internautes chauffés à blanc avait prédit que l'été serait torride (cela n'a pas été le cas) ; en 2022, on clamait haut et fort que la période estivale serait sauvage (cela se débat). Le dernier pronostic des tiktokeurs sera sans doute tout aussi à côté de la plaque que les deux premiers, mais il n'est peut-être pas anodin. Si l'engouement pour l'esthétique de la corporate girl summer (l'été de la fille corpo) détonne dans un contexte de défiance envers les entreprises et de désamour du travail, il rappelle que chaque tendance produit immanquablement une contre-tendance. Ici, la résurrection de la girl boss que l'on espérait avoir enterré. Triste prédiction.

C'est quoi la corporate girl summer ?

Au lieu d'enchaîner les festivals, les randonnées en Ardèche et le woofing dans une ferme au Danemark, un pan de la génération Z préfère composer en vidéo la parfaite panoplie de bureau. Le résultat qui fait consensus chez les moins de 30 ans : une fusion entre le style quiet luxury et la mode yuppie des années 80 qui revient en force. (Pensez tons crème, coupes amples et androgynes, et ceintures en cuir de crocodile). Dans les vidéos usant des hashtags #summerinternships, #workwearstyle ou encore #summerworkwear, on partage trucs et astuces pour avoir l'air pro (et cool) au bureau. Tout en se vantant d'avoir décroché le stage de ses rêves dans une firme, première étape pour s'élever dans la hiérarchie de l'entreprise. Selon que le stage se déroule dans un prestigieux cabinet d'avocat sur la Cinquième Avenue ou une maison de production à Green Point, on privilégiera tantôt collier de perles ou caban vintage.

Une mouvance à rebours de la doxa du moment, qui plébiscite plutôt la remise en question du travail et du système productiviste. Comme le note l'analyste américaine Casey Lewis : « Il est à noter que #corporategirlies cumule 268 millions de vues sur TikTok ; si des journalistes lisent ceci, il y a une histoire à écrire sur l'adhésion collective des femmes de la GenZ à la culture d'entreprise, en contradiction avec l'idée que tous les Z sont des adeptes anticapitalistes du quiet quitting. » Un avis partagé par Dazed, qui titrait récemment : « C'est officiel : la génération Z est une génération girl boss avides de pouvoir. » (Pour rappel, la girl boss est cet archétype féminin né des travers de la Silicon Valley et popularisée sur les réseaux, qui se lève aux aurores pour faire du business et boire des jus d'épinard, dans le but d'être plus productive, évidemment).

@dressedforthelaw

Where are all my interns at #summerinternships #workwearstyle #workwearfashion #summerworkwear #businesscasualoutfits #businesscasualfashion #businesscasualhaul #greenscreensticker

♬ original sound - Portia

Résurrection de la Girl Boss

Une nouvelle étude internationale menée par le cabinet BCW observe que la génération Z (les personnes nées entre 1997 et 2012) se démarque par sa valorisation du « pouvoir, de la réussite, de l'hédonisme et de la stimulation ». Les résultats de l'étude ont révélé que 44% de la GenZ estimait qu'il était important de réussir et que leurs accomplissements soient reconnus, contre 37% de la génération Y, 23% de la génération X, et 13% des baby-boomers. En outre, 32 % de la génération Z pensent qu'il est important d'être riche, contre seulement 26 % de la génération Y et 16 % de la génération X. L'une des raisons avancées : la prolifération des écrans. « Les jeunes générations ont grandi dans des sociétés hautement numérisées, dans lesquelles les accomplissements des pairs sont diffusés sur les réseaux sociaux, offrant une fenêtre saillante sur la vie des autres », écrit dans le rapport Taylor Saia, directeur de la stratégie chez BCW. Le rapport précise aussi que les Z seraient plus enclins que les générations précédentes à acquérir argent et pouvoir, notamment à cause des difficultés économiques auxquelles ils font face. Ayant grandi dans un contexte économique austère, ils seraient perméables à l'idée que pour rester à flot, ils devront embrasser la « hustle culture », la culture de l'hyperproductivité qui glorifie le surmenage.

Cela n'empêche pas 43 % d'entre eux de penser qu'il est important de faire des choses qui peuvent leur procurer du plaisir et de rechercher « toutes les chances possibles de s'amuser ». Pas forcément en ingurgitant des décalitres d'alcool (encore que...) ou en multipliant les partenaires sexuels, mais en conférant à l'hédonisme des formes nouvelles. « Être hédoniste, c'est peut-être (…) aller se faire un bon jogging avant de rejoindre des amis pour un smoothie », explique Lisa Story, directrice de la stratégie de BCW, au Guardian. Notons que l'étude rappelle bien sûr que les valeurs de la GenZ varient fortement en fonction des catégories socioculturelles. En somme, aucune génération n'est homogène, rappelle Dazed, et les Z ne font pas exception.

Laure Coromines

Laure Coromines

Je parle des choses que les gens font sur Internet et dans la vraie vie. Fan de mumblecore movies, de jolies montagnes et de lolcats.
commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire