
Tendance la plus étonnante de l'année : des dizaines de millions de personnes se sont lancées en Bourse. Un chiffre record qui souligne combien notre rapport à l'argent est en train de profondément changer. Interview de Yoann Lopez.
Yoann Lopez, ancien directeur marketing d’une startup, s’est reconverti pour lancer début 2020 Snowball, une newsletter didactique et accessible sur les finances personnelles. Pour lui, la démocratisation de l’investissement sur les réseaux sociaux est à double tranchant, c’est un premier pas vers une meilleure connaissance du monde financier, mais aussi la porte ouverte à des arnaques et à de faux espoirs. Entretien.
Pourquoi militez-vous pour une démocratisation de la finance ?
Yoann Lopez : Il y a deux sujets qui impactent vraiment notre vie : la santé et la finance. Et ce sont pourtant deux univers pour lesquels les gens manquent souvent de motivation pour s’y intéresser. Tout l’enjeu est de rendre la finance – qui peut être un sujet ennuyeux – attrayante et accessible, de montrer que c’est non seulement important, mais intéressant. Le tout sans aller jusqu’à la « gamification » façon application Robinhood, qui simplifie au maximum l’investissement, et affichait même des petits confettis quand on achetait une action (l’application a finalement retiré cette fonctionnalité après une vague de critiques, ndlr).
L’ennui du confinement, les booms des cryptos en début d’année, ont poussé de nouveaux investisseurs à se lancer. Faut-il s’en réjouir ou s’en inquiéter ?
Y. L. : Il y a des dizaines de millions de personnes qui se sont lancées en Bourse en 2020-2021, un chiffre record. Tout le monde se prend pour Warren Buffett. J’estime que mon rôle, et celui des éducateurs de la finance en général, c’est justement de montrer que le risque est réel, que l’on ne va pas vivre tout le temps des périodes d’euphorie comme celle-ci avec des marchés haussiers. C’est aussi de rappeler que le but n’est pas forcément de devenir riche rapidement, mais de placer à long terme.
Beaucoup de « money gourous » apparaissent sur TikTok et les autres réseaux sociaux, comment percevez-vous cette tendance ?
Y. L. : Effectivement, en France, la tendance de la démocratisation de la finance s’accélère depuis le début d’année, et elle a commencé plus tôt aux États-Unis. Je dirais qu’il y a deux catégories. Il y a le côté éducation, pédagogie, parfois fait en moins d’une minute sur TikTok par exemple. Et certains le font très bien. C’est un bon premier pied dans la finance pour des personnes qui n’ont pas l’envie, ni l’énergie de prendre le temps de lire une newsletter comme la mienne. Et il y a un côté moins sain – qui malheureusement prend plus de place – de personnes qui se targuent d’avoir gagné des milliers en investissant dans telle ou telle crypto. Il y a aussi des arnaques. J’ai souvent des messages de personnes de ma communauté me demandant ce que je pense de telle ou telle vidéo sur YouTube. Ce sont souvent des schémas d’arnaque pyramidale classique, de multi-level marketing, où il faut recruter d’autres personnes pour être accepté dans une communauté. C’est le côté noir de la chose.
Votre newsletter fonctionne comme une communauté. Quelle est-elle et comment l’animez-vous ?
Y. L. : J’ai 14 000 abonnés, dont 2 550 payants, qui reçoivent des « Snowflakes », des sortes d’actions qui leur permettent d’obtenir des dividendes en fin d’année. Mes lecteurs sont majoritairement des urbains entre 25 et 35 ans, beaucoup d’hommes, et souvent issus du milieu des startups. Sur ma newsletter gratuite, je décrypte des concepts économiques et financiers. Sur ma newsletter payante et sur WhatsApp au quotidien, je reviens sur des actualités : une entreprise qui entre en Bourse, les chiffres de l’inflation… J’ai aussi mis en place un forum pour que les membres de ma communauté échangent entre eux. Et là je commence à réfléchir à d’autres services en plus du contenu. Pourquoi pas une application qui permettrait à des particuliers de poser des questions via un tchat à des conseillers en gestion financière, un peu comme l’application Alan le fait avec des médecins. L’autre application que j’envisage est une plateforme d’investissement, avec un côté pédagogique. Je trouve que les applications actuelles comme eToro manquent de transparence, et incitent trop les utilisateurs à aller vers des produits financiers dangereux.
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