Comment les expressos en terrasse, les champs de lavande et les marchés sont devenus le comble du cool pour des Américains en quête d'une vie « plus simple. »
Bien sûr, les touristes Américains ont toujours aimé poser devant la Tour Eiffel, flâner dans les pentes de Montmartre et embrasser la dolce vita en Toscane. Mais cette année, la soif d'un ailleurs pittoresque débarrassé des maux du monde moderne (inflation galopante, Joe Rogan...) est à son comble. Et cette soif a un nom : l'Europecore, qui érige l'Europe en parangon d'un art de vivre fait de simplicité et d'authenticité. Ou comme l'explique Nylon : « Pour les créateurs de mode américains, l'Europe est devenue un état d'esprit plus qu'un continent – un endroit où mettre une longue jupe fluide et vivre une vie plus lente. » Avec la hausse des prix et le flygskam (la honte de prendre l'avion) qui se répand, les traversées de l'Atlantique seront sans doute rares cet été. Pour compenser, voilà les réseaux américains inondés de photos qui sentent bon la vieille Europe : une tasse à expresso en céramique sur une table en plastique, un roman de l'écrivaine italienne Natalia Ginzburg négligemment ouvert sur une plage de sable noir volcanique, une jupe à volants soulevée par le vent dans un marché aux fleurs fraîches.
C'est quoi l'Europecore ?
L'Europecore est la dernière esthétique qui capture le désir d'évasion estivale des Américains. « Les manches bouffantes sont encouragées, et lire A Certain Hunger devant la tour Eiffel est le summum du contenu. Participer à la mouvance Europecore consiste à porter le type de vêtements séduisants et frivoles qui vous fait vous sentir à l'aise en vacances mais que vous ne porteriez pas à la maison. C'est la romantisation hyperféminine de votre garde-robe, avec de la dentelle en plus, des volants, des perles et des pièces en soie qui représentent l'idée de vacances européennes plus qu'elles ne reflètent les réelles tendances de mode européenne », analyse le média. Sur TikTok, les internautes annoncent leur envie de vivre « un été italien en Virginie » (en éteignant la climatisation), baptisent un ensemble en soie « tenue européenne », créent des tenues spéciales « été espagnol », et énumèrent ce qu'elles mettraient dans leur valise pour partir en Europe. (À savoir, un mélange de marques de fast fashion et de pièces vintage).
Comme le dit Nylon, l'Europecore « englobe aussi bien le look quiet luxury de Sofia Richie avant son mariage dans le sud de la France que le fait d'acheter une jupe en dentelle chez Urban Outfitters pour prétendre que votre jardin est en Dordogne. » À noter : l'Europe présentée ici n'est jamais les Highlands écossais ou les plages allemandes de la mer Baltique, nous parlons principalement de pays bordant la Méditerranée. Ainsi, l'engouement pour l'Italie donne naissance à un lot de micro tendances au travers de l'Italiancore (pensez Roberto Cavalli, grosses lunettes de soleil et bling milanais) tandis que le Frenchcore invite à contempler le coucher de soleil en portant une petite robe noire. (On relève aussi une sous-catégorie moins populaire, celle des serfs d'Europe de l'est au 19ème siècle, à ne surtout pas confondre avec le cottagecore).
La romantisation de l'Europe
Faute d'être chaud ou sauvage, l'été sera donc européen. Une aspiration saisonnale qui respire l'eau turquoise et les nappes à carreaux et rappelle le Scandi girl autumn de 2022, l'automne de la fille scandinave. Le point commun de ces deux tendances : une forme d'escapism (l'envie de s'échapper pour rejoindre un ailleurs) combinée à la fétichisation de l'Europe. Rien de neuf, sauf que cette année le phénomène va plus loin. « Après des années de troubles politiques doublés d'une sensation de vide de la culture américaine, de nombreux jeunes rejettent le fait d'être américains, ce qui se reflète dans leur façon de s'habiller », analyse Nylon. « Pourquoi la vie en Europe est-elle tellement plus facile qu'aux États-Unis ? », écrit une créatrice sur TikTok. « Planifier des tenues pour mon été européen pour échapper à la réalité actuelle », publie une autre. Au-delà des Birkenstocks et des Spritz sirotés au soleil, l'Europe représente surtout un idéal de vie plus lent et raisonné, la fameuse slow life qui fait de plus en plus d'émules. Et peut-être aussi une sorte de refuge préservé de la privatisation du système du santé et du recul du droit des femmes. En tout cas pour l'instant.
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