Luxe, selfie et volupté... Ou comment 2022 marque le retour d'un hédonisme bling et débridé.
Si de jeunes cadres fatigués se réconfortent avec d'onéreux matcha latte et enchaînent les « salutations au soleil » pour se délasser après le boulot, d'autres ne supportent plus l'ambiance cocooning et les injonctions au self-care. En réponse, elles réinvestissent la nuit, les sequins, les étoffes précieuses et les talons hauts. Au minimalisme et à « la slow life », les nouvelles it girls préfèrent le maximalisme : elles adoubent l'excès et l'outrance, et n'ont rien contre « looking expensive » (avoir l'air riche), à base de (faux ? ) colliers de perles, sceptres et diadèmes brillants façon Royalcore. Commencerait-on à fatiguer de l'esthétique casanière cottagecore, des pulls en laine et du pain au levain ? Oui, et les nouvelles it girls nous le font savoir sur les réseaux.
L'hédonisme revient en force sur les réseaux
« Plutôt que des matcha lattes, elle poste des martinis. Les toasts à l'avocat ont été remplacés par des huîtres, les açaï bowl par du steak. Au lieu de la tenue Lululemon de son yoga du matin, elle affiche robe en soie, sac à main en strass et talons pointus éblouissants pour sortir. Vous ne verrez probablement pas sa morning routine, mais une expédition nocturne chez Lucien se glissera certainement dans son feed. » Elle, c'est la it girl du jour, celle qui suscite l'attention d'internautes avides d'air frais. C'est ce qu'observe Glossy au sujet d'une nouvelle clique d'influenceuses, une clique qui cultive une aura faste et somptueuse anti-green smoothies d'Instagram.
Et c'est sur TikTok (évidemment) que cela se passe. Ici, moins de 1 000 vidéos agrémentées du #hedonism cumulent déjà 7 millions de vues. Mais là où la tendance s’observe le mieux, c'est sous le #nightluxe, avec 16 millions de vues, ou encore #darkluxuryaesthetic, avec près de 6 millions de vues. Au programme : lumières tamisées, bouteilles de champagne, parfums capiteux et sacs Chanel. Le symptôme est clair. Il traduit notre aspiration à un mode de vie libéré des dilemmes moraux complexes et omniprésents (vaut-il mieux acheter des produits enveloppés de plastique MAIS bio ? Vaut-il mieux acheter un t-shirt labellisé Oeko-Tex fabriqué près de chez nous ou de la seconde main qui vient de loin ? ), un mode de vie où il s'agit de renouer avec une joyeuse effervescence, une vision fantasmée des Années folles.
Night luxe, ou l'anti-that girl
Portée entre autres par le grand retour de la Tumblr Girl, la tendance fait écho à la popularité de l'esthétique indie sleaze ou soft grunge, qui met en scène des mascaras dégoulinants et des collants troués indiquant des nuits arrosées. La mouvance #NightLuxe prend donc le contre-pied de l'ethos incarné par la figure dominante de that girl, « reine des morning routines et de la productivité saine et ordonnée », qui organise sa vie et sa consommation de graines de chia avec toute la discipline d’une entrepreneuse. Ici, plus question de se lever à 4 h du matin pour méditer, il s'agit plutôt de filer comme le vent en décapotable à la sortie d'une boîte de nuit. De rejeter des modes de vie trop rigides, donc.
Et les marques sont déjà prêtes à s'emparer de la tendance. « De nouvelles enseignes renversent cette conception du bien-être. (...) Cela implique de rester éveillé toute la nuit, de manger de la nourriture pas saine... Un bon exemple du phénomène est la marque 4am, qui admet s'inspirer de la "night life" et propose des routines facile pour les retour chez soi à quatre heure du matin. La marque de skincare d'Emma Chamberlain (ndlr : une influenceuse américaine) baptisée Bad Habits a une approche similaire. Elle joue avec l'idée que le skincare coexiste avec nos mauvaises habitudes, comme stalker des gens sur Instagram et manger des chips pour le petit-déjeuner », souligne la tiktokeuse The Digital Fairy. Alors, la tendance night luxe enterrera-t-elle that girl, cette fille parfaite sur les réseaux qu'on adore détester ? Pas sûr. D'après Spate, spécialiste de la prédiction de tendance, les recherches Google liées à that girl auraient augmenté de 65 % lors de la dernière année. N'en déplaise à tous les réfractaires aux routines beauté en 178 gestes du personnage de Cassie dans Euphoria, that girl est sans doute (malheureusement) loin d'avoir utilisé son dernier rouleau de jade.
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