Une femme et un homme assis sur un canapé en train de boire de la bière

NLOG, cool girls, pick me girls : ces figures du net complices du patriarcat

© Friends With Benefits

Les plus cools des plus cools de tes copines diffusent sur leur passage un imaginaire toxique.

De tous les archétypes féminins qui imprègnent la pop culture (girl boss, that girl, coastal grandmother...), les NLOG (not like other girls) et consœurs sont peut-être les plus nocives. Après avoir longtemps irrigué l'imaginaire, elles sont aujourd'hui considérées comme toxiques. Présentation de filles « pas comme les autres » qu'il est devenu (trop ? ) facile de moquer sur les réseaux.

Qui sont les NLOG ?

La NLOG se vante de n'avoir que des amis mecs (elle fait partie du boys' club) et prétend ne pas savoir à quoi sert le mascara (elle préfère rester « naturelle. » ) Elle traîne en gros pull de sport (qui découvre négligemment une épaule souple et bronzée), enchaîne les blagues qui font hurler de rire ses potes (qui veulent tous coucher avec elle), mange de la pizza et boit de la bière sans compter les calories (la NLOG est au-dessus de ces considérations bassement superficielles). Son régime alimentaire ne l'empêche pas de maintenir une taille 36 et un ventre très plat qu'elle affiche dans des vêtements négligemment affriolants. (Vêtements plus ou moins sexy selon qu'elle soit Megan Fox dans Transformers, Mila Kunis dans Friends With Benefits ou Cobie Smulders dans How I Met Your Mother.) Sa coolitude s'accompagne souvent d'une fausse dépréciation d'elle-même. Exemple de phrase prononcée par la NLOG : « Je ne sais même pas me maquiller, ahah, je suis vraiment trop bizarre, je suis comme ça ». La NLOG n'écoute pas de musique mainstream (Billie Eilish ? Harry Styles ? Connais pas), préfère les livres aux chaussures, et prétend ne jamais faire de sport si ce n'est pour s'amuser. Dans la comédie romantique qui se passe au lycée, elle n'est pas la capitaine des cheerleaders, plutôt celle qui chante dans le groupe de rock indé, ce qui ne l'empêche pas d'être ultra-populaire. Mais surtout, elle ne se prend pas la tête (elle est trop cool pour ça). Elle n'ira donc jamais enquiquiner son mec en lui demandant de définir leur relation ou en flippant car le type avec qui elle vient de coucher ne la rappelle pas le lendemain.

Comment repérer une NLOG ? Elle se débrouillera toujours pour rappeler qu'elle est différente des filles dites normales, basic ou average. Comprendre les filles « girly », celles qui aiment le maquillage et les fringues, ne connaissent rien en informatique ou en littérature russe, boivent des cocktails fleuris, ne mangent que des salades, adorent sortir et mettent des heures à se préparer. En deux mots, celles qui exhibent les attributs d'une féminité dite traditionnelle. En clair, la NLOG est une fiction écrite par des hommes pour les hommes (#writtenbymen), et dont certaines femmes (ou peut-être toutes les femmes, à un moment donné de leur vie) se sont emparé pour doper leur quotient de désirabilité social. En cela, la NLOG n'est pas sans rappeler la manic pixie dream girl, solaire, indépendante et excentrique, dont la seule fonction narrative est de ramener à la vie le héros neurasthénique d'un film mumble core. (Pensez à Natalie Portman dans Garden State.)

Au commencement était la cool girl

Avant que le terme NLOG n'émerge, on évoquait de la cool girl. Dans le monologue désormais culte du thriller Les Apparences (Gone Girl au cinéma), l'américaine Gillian Flynn étiquette et décrit pour la première fois le paradigme avec justesse. Dans le roman, le personnage d'Amy déconstruit le personnage qu'elle s'était astreinte à incarner pour séduire son mari : « Je m'épilais le maillot à mort, je buvais des bières en cannette devant les films d'Adam Sandler, je mangeais de la pizza et gardais une taille fine. » Être définie comme une « fille cool », une fille « sexy, sympa, qui ne s'énerve pas contre son mec », c'est « le plus beau compliment » donné par un homme à une femme.

Pick me girls : les complices du patriarcat

Pour les NLOG, se déclarer différentes signifie surtout se présenter comme supérieure dans le cadre d'une hiérarchie visant à obtenir l'approbation des hommes. Avec le temps, les NLOG se sont muées en ligne en pick me girls (littéralement « les filles qui veulent être choisies » ), une expression forgée sur le Black Twitter. Le terme décrit les femmes qui se disputent l'attention des hommes et considèrent par défaut leurs consœurs comme des rivales. Le Urban Dictionary en propose la définition suivante : « Une fille qui fait tout ce qu'elle peut pour impressionner les garçons et leur notifier qu'elle n'est pas comme les autres filles (...) et se moque des filles en recherche d'attention, un peu la version féminine d'un simp. » (Dans le lexique des masculinistes, un simp – diminutif de « simpleton » (simplet) – est un homme sentimental et mollasson prêt à se laisser marcher dessus pour tenter de séduire les femmes...). La pick me girl est version tellement hypertrophiée de la cool girl qu'elle devient parfaitement risible. » Dans sa version politique et radicalisée, la pick me girl peut aussi prendre les traits de la tradwife, allié des hommes et défenseuse d'un système à leur service. Dans la vie : Thaïs d'Escufon, porte-parole du groupe Génération identitaire. À l'écran : Serena Joy dans La servante écarlate.

Internet adore détester les NLOG et pick me girls

Depuis quelques années, tout Internet ne peut s'empêcher de rire de ces complices implicites du patriarcat. Surtout depuis qu'on a remarqué que les attributs censés les distinguer (préférer passer sa soirée sur Netflix plutôt que sortir, aimer les burgers, etc.) sont on ne peut plus communs. Sur Instagram, on like les mèmes des années 2010 montrant les supposées différences entre « les autres filles » et les NLOG ; sur TikTok, des humoristes singent les pick me girls ; sur YouTube, des adeptes de pop culture décortiquent les représentations de genre ; sur Tweeter, le #TweetLikeAPickMe sert à publier des pastiches de posts publiés par des femmes avides d'attention masculine, et sur Reddit, un canal né en 2017 suivi par plus de 700 000 « individus uniques » parodie les cool girls : « Vous pensez que tout le monde est trop nul ? Vous pensez être la personne la plus unique sur la planète ? Avez-vous le besoin constant de rabaisser les autres pour vous définir ? Si oui, vous êtes ici chez vous. Ce groupe est fait pour les personnes qui essaient d'être uniques en se définissant comme "en dehors de la norme." »

Dans l'émission Saturday Nigt Live, l'actrice Cecily Strong a baptisé l'un de ses personnages : One-dimensional Female Character From a Male Driven Comedy ( « Personnage féminin unidimensionnel dans une comédie écrite par et pour des hommes » ), et voilà ce qu'elle lui fait dire : « Je sais, c'est étonnant hein ? Je suis une fille, mais je suis aussi canon, et j'aime aussi le sport (…), et ce soir je vais marcher devant mon frigo immaculé en portant juste un maillot de sport trop grand et pas de pantalon. (…) Pardon d'être si compliquée. »

Average girls + pick me girls = amour

Essayistes et féministes se sont récemment insurgées contre ces sempiternelles moqueries. NLOG et pick me girls ne seraient que le symptôme d'une misogynie tellement puissante qu'elle serait intériorisée par les femmes elles-mêmes et exacerbée par ces archétypes féminins. Depuis, mèmes et illustrations prêchant la sororité et l'acceptation de soi et des autres ont fleuri aux quatre coins d'Internet. Plus question de se moquer des cool girls ou des filles qui aiment le maquillage, les talons hauts, le rose et les mini-jupes. Dorénavant, les vieux montages juxtaposant « les autres filles » aux cool girls sont supplantés par des mèmes montrant des câlins entre NLOG et average girls, assortis de maximes favorables à la sororité. Il était plus que temps.

Laure Coromines

Laure Coromines

Je parle des choses que les gens font sur Internet et dans la vraie vie. Fan de mumblecore movies, de jolies montagnes et de lolcats.

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commentaires

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  1. Avatar Anonyme dit :

    Rarement lu autant de bêtises à la minute. Cet article et cette tendance prône tout l'inverse de ce qu'elle cherche à condamner. Arrêtons de se comparer les unes aux autres, de se décrédibiliser les unes et les autres. Si une fille se sent différente des autres, libre à elle et encore heureux ! On ne va pas en plus lui reprocher d'être la victime du patriarcat parce elle ne se se considère pas être comme la "majorité" des femmes de son entourage ou de ce qu'elle voit sur les réseaux. Foutez la paix aux femmes, laissez-leur être tout ce qu'elles ont envie d'être - n'en déplaise à certaines - et ça ira déjà bcp mieux

  2. Avatar Lili dit :

    Aaah merci, vous me rassurez. C’est la lecture de ce genre d’article clivant et binaire qui est toxique pour les relations humaines en générale…

  3. Avatar Edouard dit :

    Je suis un homme et suis d’accord avec les messages précédents. Laure, je pense que vous jouez le jeu de ce contre quoi vous pensez lutter. Il est possible de créer autant de stéréotypes qu’il y a de femmes et de les associer au patriarcat. Finalement vous alimentez le système à la manière des tradewifes, certes, cela est certainement involontaire mais particulièrement ironique.

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