Une fille de dos devant les montagnes

Ces pratiques cool et écolos à importer d'Europe pour vivre mieux

Cela se passe juste à côté : des concepts et traditions à promouvoir pour une existence plus sobre et heureuse.

Jólabókaflóð, friluftsliv, logom, allemannsretten et FKK... Alors que l'on s'échine à faire naître le fameux « monde d'après », quelques pratiques salvatrices à piocher chez nos voisins européens pour s'immerger en toute quiétude dans la nature et embrasser la slow life dont nous avons grandement besoin.

La FKK allemand : la culture du corps libre

L'acronyme provient de l'expression Freikörperkultur, la culture du corps libre. Trop souvent réduite au nudisme, la FKK s'apparente plutôt à une forme de rapprochement avec la nature. Le mouvement émerge en Allemagne au début du 19ème siècle, entre les effluves de feu de charbon de la Révolution Industrielle et les mouvances contestataires portées par la Jugendbewegung, mouvement culturel né en 1896. Insurgés contre les excès de la pollution et du productivisme, les sympathisants socialistes et anarchistes militent alors pour la promotion d'un rapport sain et apaisé à la nature. En 1903, Heinrich Pudor, sociologue hygiéniste, invente le terme Nacktkultur (culture du nu) et prône les bienfaits de la nudité sociale désexualisée. La même année, le premier centre gymnique, le Freilichtpark (parc de plein air), est créé à Lübeck pour expérimenter la nudité de manière collective. (À peu près à la même époque en France, les médecins Montennes et Pascault posent les bases d'une médecine de la nature alliant naturisme, alimentation saine et cures d'air, d'eau et de soleil.)

En 1918, le terme Freikörperkultur est adopté massivement. Avec l'émergence de la république de Weimar, les velléités d'émancipation prennent le pas, notamment au sein de la bourgeoise, et la FKK se répand à travers le pays et dans les pays nordiques. Après 1945, la FKK trouve un écho particulièrement fort en RDA. (Pourquoi ? Les théories varient : la popularité de la FKK pourrait aussi bien découler de l'envie des citoyens d'expérimenter un dernier espace de liberté que d'une volonté du gouvernement de traduire le communisme par un usage qui mettrait littéralement tout le monde à nu devant l’État.) Après la réunification de l’Allemagne, la pratique se perd, surtout chez les jeunes. En cause : la mondialisation qui importe un rapport au corps plus pudique et la multiplication des complexes alimentés par les médias et les réseaux sociaux. Aujourd'hui, la FKK se pratique encore, principalement dans de parcs de grandes villes comme Berlin, le long de la rivière Isar qui traverse Munich ou sur les plages de Rügen, île de la mer Baltique.

Le allemannsretten suédois : le droit d'accès à la nature

Montagnes brumeuses, fjords et cascades cristallines... Face à la beauté de la nature, plusieurs pays nordiques comme la Suède et la Norvège ont formulé une idée dans le respect de la tradition du pays : le allemannsretten. Le principe est simple : le « droit de tout un chacun de profiter de la nature » (sous certaines conditions). Le allemannsretten doit pouvoir s’exercer malgré les droits de propriété et sans l'accord préalable du propriétaire concerné (sauf si le séjour excède deux nuits). Ainsi, la Suède promeut l'accès à ses espaces naturels sans aucune restriction ou presque. La seule consigne : ne laisser aucune trace de son passage et rester à 150 mètres des habitations lorsqu'on plante sa tente. Le allemannsretten concerne donc la majorité des marais, forêts, landes, rivières, lacs, rivages et montagnes.

Au 21ème siècle, l’allemansrätt a notamment servi de cadre juridique aux aficionados de randonnées et de tourisme écolo pour développer ces activités. Par conséquent, il est aujourd'hui possible en Norvège, où il existe plus de 1 000 campings, de randonner un peu partout. Notons qu'on parle aussi d'allemansrätten en Suède, de jokamiehenoikeus en Finlande, d'almannaréttur en Islande, ou encore de igaüheõigus en Estonie. Depuis 1957 en Norvège, le allemannsretten est inscrit dans la loi régissant les loisirs en plein air. Ce droit concerne les espaces naturels qualifiés de « terres non clôturées », c'est-à-dire non cultivées.

Le jólabókaflóð islandais : la lecture sous le sapin

Le jólabókaflóð se traduit littéralement par « déluge de livres à Noël ». Il fait référence à l'arrivée des nouveaux livres publiés en novembre et par la suite souvent offerts lors du réveillon du 24 décembre. Avant les fêtes, les Islandais reçoivent un catalogue appelé « Bokatidindi » édité par l’association des éditeurs islandais Jolabokaflod CIC. Celle-ci cartographie l’ensemble des nouvelles sorties afin que chacun puisse faire son marché et le plein de livres pour se préparer à affronter le long et rude hiver qui s’annonce. Chez les Islandais qui raffolent de Noël, il n’est pas rare de passer la soirée du 24 plongé entre les pages d'un livre. En résumé, on se régale d’un copieux dîner (porridge, saumon et perdrix, pommes au caramel) avant de se retrouver en famille près du poêle avec un bouquin. En Islande, Noël rime donc avec sobriété, loin du déballage de cadeaux high-tech ou de produits de luxe.

Pour comprendre les origines de la pratique, il faut revenir en 1944. L'Islande obtient son indépendance du Danemark et souffre économiquement. Afin d'éviter l'endettement, le pays suspend l’importation de nombreux biens de consommation. Le papier demeure toutefois très bon marché, ce qui contribue à faire fleurir le domaine de l’édition. Les livres s'imposent alors comme un cadeau peu onéreux à offrir aux enfants durant les fêtes. D'année en année, la tradition du jólabókaflóð nourrit fortement l’amour des Islandais pour les livres. Aujourd’hui en Islande, sept personnes sur dix offrent des livres à leurs proches pour les fêtes. La moitié des Islandais lisent plus de 8 livres par an, un record battu uniquement par les Suédois et Finlandais, et un Islandais sur dix a déjà publié un livre.

Le friluftsliv norvégien : l'art de vivre au grand air

Trek sur la crête des célèbres îles Lofoten, balade en forêt en quête de champignons, séance de yoga dans un parc, petite heure passée à trottiner avec son chien le long d'un fjord ou pique-nique dans le jardin : c'est bien de « friluftsliv » que l'on parle, ou « vie au grand air » dans la langue scandinave. Plus qu'un style de vie, c'est toute une philosophie qu'encapsule ce terme né sous la plume du dramaturge Henrik Ibsen, qui l'utilise dans un poème au 19ème siècle pour désigner « la valeur qu’il accordait au temps passé à l'écart du monde, pour son bien-être spirituel et physique. » Une notion qui irrigue la culture norvégienne. « Aujourd'hui, neuf Norvégiens sur dix sont sensibles à la friluftsliv », explique Bente Lier, secrétaire générale de Norsk Friluftsliv, une organisation qui promeut la vie au contact de la nature. Dans le pays, l'amour du vivant se traduit juridiquement. La loi friluftsloven, pendant norvégien du allemannsretten, établit depuis 1957 le droit d'accès à la nature. Et comme le souligne le site VisitNorway, la friluftsloven n'est pas une simple posture législative, puisque tout le pays respire le grand air. Grâce aux « Fritidsbanken » , il est possible d'emprunter gratuitement du matériel pour faire du sport ou partir camper, et dans les garderies friluftsbarnehager, les enfants passent 80% de leur temps en extérieur. Pour Helga Synnevåg Løvoll, professeure de friluftsliv à la Volda University College, les avantages de la friluftsliv sont indéniables, entre vertus méditatives et bienfaits physiques. « Ce qui se produit, lorsqu’on observe la nature, c’est qu’on détache son attention de soi-même. »

Le Lagom suédois : le ni trop peu, ni pas assez

Adverbe suédois supposément intraduisible, lagom encapsule une notion à mi-chemin entre la philosophie et l'art de vivre. Selon le contexte, il peut se traduire par « moyen », « suffisamment », « optimal », « ni trop peu, ni pas assez » (pour une quantité par exemple) ou encore « dans la mesure qu'il convient »... Le terme suédois pourrait bien être le mantra de la slow life américaine car il s'applique à tous les volets de la vie quotidienne. Une idée traverse l'adverbe lagom : le fait de vivre plus lentement et pleinement, au rythme des saisons et de la nature sans en épuiser les ressources. En somme, une sorte de minimalisme confortable, qui englobe la consommation de seconde main, l’alimentation locale et le respect de l’environnement. Le lagom suédois, c'est un peu le cousin du hygge danois, déclinaison du vieux norvégien pour signifier à l'époque « bien-être ». Le hygge décrit un moment douillet, chaleureux et réconfortant ayant généralement pour cadre la maison, tandis que lagom définit plus généralement une manière de vivre. Dans les deux cas, l'idée est de se recentrer sur l'essentiel.

Laure Coromines

Laure Coromines

Je parle des choses que les gens font sur Internet et dans la vraie vie. Fan de mumblecore movies, de jolies montagnes et de lolcats.

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