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Calm, l'appli qui veut donner du bonheur aux salariés

© Brooke Cagle via Unsplash

u00ab Mindful Mondayu00a0u00bb, u00ab Feel good daysu00a0u00bb, cours de mu00e9ditation... Une appli peut-elle amu00e9liorer la santu00e9 mentale des salariu00e9s ? C'est en tout cas la promesse de Calm. Enquu00eate.

Tous les lundis, chez Heinz Benelux, c’est Mindful Monday (lundi pleine conscience). Une petite vingtaine de salariés assidus ne rateraient pour rien au monde ce rendez-vous. Ils sont accompagnés de quelques autres collègues, un peu moins fidèles. « La première session, en mai 2021, a attiré plus de 80 personnes, se félicite Myra van Oven Koperdraat, chargée de la communication interne. On a eu une introduction sur l’importance de la santé mentale, puis une séance de méditation de dix minutes. Maintenant, on commence directement par la méditation », explique la jeune cadre coiffée d’une sage queue-de-cheval. Les sessions n’étaient programmées que sur un mois. Mais le groupe des accros a insisté pour qu’elles se poursuivent. Depuis fin 2020, les salariés du fabricant de ketchup ont le droit à un abonnement premium sur l’application Calm. À eux l’accès gratuit aux méditations guidées, histoires pour dormir susurrées par Matthew McConaughey, et bruits de jungle apaisants.

« Calm fait partie d’une approche holistique de la santé mentale de nos salariés », raconte Myra van Oven de son bureau d’Amsterdam. Depuis le début de la pandémie et des confinements, l’entreprise s’intéresse de plus près à tous ces sujets. « Le nombre de personnes souffrant de troubles mentaux est en forte croissance, nous avions besoin de mettre en place des actions courageuses, justifie Joris Veger, le directeur « People et Performance » de Heinz Benelux. Des groupes de travail ont été constitués pour s’intéresser aux situations de chacun : les parents qui travaillaient avec leurs enfants, les plus jeunes en manque d’interactions sociales... Dans chaque département, une personne a été formée au rôle de « mental helper » afin d’identifier les premiers symptômes de stress. En parallèle, les équipes RH fournissent des ressources en libre-service, dans lesquelles les salariés peuvent piocher des idées sur comment s’occuper pendant les vacances en temps de Covid, par exemple.

New year, new you

Calm fait donc partie de ces ressources proposées en accès libre. Et les salariés semblent plutôt réceptifs : 64 %, soit 258 personnes, ont demandé un code d’activation, et 86 % d’entre eux sont actifs sur l’application. Mais la responsable communication reconnaît qu’elle met en place diverses opérations pour inciter ses collègues à l’utiliser. Début 2021, elle les a par exemple invités au programme New Year, New You. Il s’agissait que chacun profite de la nouvelle année pour adopter de bonnes habitudes – dont la méditation. Pour l’occasion, quelqu'un de Calm est venu – virtuellement – expliquer aux salariés les différentes fonctionnalités de l’appli. Pas à tous les salariés, cependant, car Calm n’est proposé qu’aux cols blancs. « Les travailleurs des usines n’ont pas tous un smartphone », se justifie Myra, un peu gênée.

La startup américaine fournit également à Heinz, comme à ses quelques mille autres clients pros, des fiches pour aider les managers. « Ce sont des conseils pour mieux écouter les salariés, mieux prendre en considération leurs demandes », explicite Myra van Oven Koperdraat. Plus qu’une simple appli, Calm devient un partenaire RH de l’entreprise.

Avantages sur App Store

Dans la Silicon Valley, où la méditation s’est introduite dans les bureaux il y a vingt ans déjà, les applis bien-être en tout genre sont forcément très prisées. Le Covid n’a fait que conforter cette tendance. « C’est assez logique que des entreprises de la tech utilisent des applications pour toutes sortes d’activités, dont le bien-être », souligne Markita Jack, directrice de la diversité, de l’équité et de l’inclusion chez Iterable. Cette entreprise éditrice de logiciels marketing installée à San Francisco a adopté Calm dès 2017.

Chez Iterable, Calm appartient à un package d’applications d’e-santé mis à disposition des « Iterators », petit nom donné aux salariés. « Nous avons aussi un abonnement à une application pour aider ceux qui le souhaitent à arrêter une addiction : fumer, boireune autre qui vous conseille des soins en santé mentale adaptés à vos besoins, une autre encore pour gérer vos rendez-vous chez le médecin... », énumère Markita, elle-même amatrice des histoires pour dormir de Calm et des sessions de méditation à base de bruits d’eau.

En France, la tendance fait mouche aussi. En particulier depuis le début de la crise sanitaire. Petit Bambou, un autre champion de la méditation numérisée, s’invite en entreprise. L’application a notamment été adoptée par Doctolib depuis mai 2020. Quelques 250 salariés ont été intéressés par l’offre sur les 1 800.

L’entreprise, déjà très attentive à la santé mentale de ses équipes depuis plusieurs années, a intensifié ses efforts en la matière avec l’arrivée début 2020 d’une ex de GitHub, Pamela Corbin-Audoux, placée à la tête d’une équipe « People engagement ». C’est cette dernière qui y a répliqué les semaines Feel Good Day. « Il y en a déjà eu trois », précise la responsable. Pendant une semaine, les salariés se relaxent lors de siestes sonores en écoutant les harmonies de bols tibétains, se marrent en cours de rigologie desquels on ressort « en pleurs », dixit Pamela, participent à des ateliers de détox digitale, se font masser, et méditent, bien sûr, grâce à des sessions collectives animées par des représentants de Petit Bambou. Les salariés sont très friands de ces semaines spéciales, assure la cheffe d’équipe. « Ces ateliers sont l’occasion de rencontrer de nouveaux collègues, mais aussi de passer un moment agréable sur ses heures de travail. »

Le moral, c’est bon pour l’efficacité

Mais si ces sessions bien-être assurent l’entretien du bon moral des troupes, il en est de même pour leur efficacité. « L’une de nos missions est de créer une équipe d’entrepreneurs. Pour cela, l’important est d’avoir des gens motivés, qui soient dans les meilleures conditions possibles pour réaliser le meilleur travail possible. Il faut avoir des personnes capables de gérer leur santé physique et mentale », explique clairement Pamela Corbin-Audoux.  

« Oui ! bien sûr, le bien-être mental augmente l’efficacité », s’emballe Markita Jack, de son appartement californien. « Vous imaginez bien à quel point le fait de se dégager l’esprit, de respirer, d’être plus au clair… est utile pour travailler plus efficacement ! » Elle-même est convaincue que ses sessions quotidiennes de Calm dynamisent sa créativité. « Quand je suis fatiguée d’enchaîner les réunions Zoom, je pars promener mon chien en écoutant une session Calm. Tout de suite la voix douce de la narratrice m’apaise. À la fin de la méditation, en rentrant chez moi, j’ai souvent une idée qui me vient en tête. C’est un peu comme quand vous vous réveillez à 3 heures du matin en ayant un éclair de génie. Votre cerveau est bien plus créatif et déverrouille certains problèmes parce qu’il s’est reposé. La méditation produit le même effet », explique la quarantenaire. 

La santé mentale fait d’ailleurs partie des indicateurs que les entreprises mesurent désormais régulièrement. Doctolib utilise par exemple l’outil de sondage Peakon. Toutes les deux semaines, tous les salariés doivent répondre à des questions concernant leur charge de travail, leur engagement et leur bien-être... « Au total, il y a une centaine de questions, certaines portent spécifiquement sur la santé mentale », expose Pamela Corbin-Audoux. De quoi avoir un baromètre précis de l’humeur et de la motivation des équipes. « Concernant le bien-être, nous obtenons une note moyenne stable autour de 8,1/10. Ce qui nous place dans la moyenne du secteur de la tech. »

Chez Heinz, la santé mentale fait partie intégrante de la stratégie de l’entreprise depuis quelques mois, affirme Joris Veger. Et le directeur RH se félicite de ce virage. « Nous avons augmenté notre engagement de 7 %, c’est un bond énorme, car ce sont généralement des indicateurs très difficiles à augmenter ». Le manager se réjouit aussi d’un taux de turnover très bas, et d’une légère croissance du chiffre d’affaires malgré la crise. 

Grâce à l’utilisation de Calm, le fabricant de ketchup a aussi accès à de nouveaux indicateurs moins couramment suivis par les employeurs. L’appli américaine lui fournit des rapports de connexion assez détaillés. Certains graphiques montrent ce qu’écoutent les employés sur l’application et à quelle heure. « La musique est la fonctionnalité la plus plébiscitée, notamment celle qui aide à la concentration. Mais on voit un pic de connexion pour la fonctionnalité méditation le soir », rapporte Myra van Oven Koperdraat.

À quoi servent ces informations ? « Planifier nos actions en matière de bien-être au travail en allant vers leurs préférences ou au contraire en suggérant certaines fonctionnalités qui sont peu utilisées », répond la responsable communication interne. Mais l’entreprise assure n’avoir aucune donnée individuelle. « Nous ne savons pas qui utilise l’appli ou non, qui écoute telle chanson pour s’endormir parce qu’il ou elle a des problèmes de sommeil… Cela serait aller trop loin », précise Joris Veger. 

Pamela Corbin-Audoux se dit aussi consciente de la limite à ne pas franchir entre prise de pouls du moral des salariés et violation de la vie privée. Doctolib assure n’avoir accès à aucune des données collectées par Petit Bambou. Mais la cadre reste convaincue que l’entreprise a bien un rôle à jouer en matière de bien-être individuel. « D’abord parce que c’est l’endroit où nous passons les trois quarts de notre temps. Ensuite, les mœurs évoluent : aujourd’hui, avoir accès à des ressources pour leur santé mentale est une demande de nos collaborateurs. Or l’intérêt porté aux collaborateurs est l’une de nos principales valeurs. Nous ne serions pas alignés avec celles-ci si nous ne nous intéressions pas à leur santé mentale de la même manière qu’à leur bien-être physique, en faisant attention au confort de nos locaux, par exemple », explique-t-elle. Une tendance de management qui commence à s’imposer, selon la responsable ressources humaines, dans tous types d’organisations. Et dans un contexte où les entreprises délaissent leurs bureaux, s’assurer du bon mental des troupes pourrait bien devenir encore plus crucial…

Cet article est paru dans le numéro 28 de la revue de L'ADN : Let's doudou it ! Vous pouvez vous procurer votre exemplaire ici.

Notre dossier en ligne sur Calm et la société du bien-être, à découvrir ici.

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