Qui se cache derrière l'album u003cemu003eMelancholeu003c/emu003e, devenu l'hymne de milliers d'ados déprimés sur internet ? Eh bien, c'est Salvia Palth, un ado de 15 ans, qui n'a jamais eu envie de profiter de sa notoriété.
Si vous ne connaissez pas l’album culte Melanchole de Salvia Palth, c’est probablement une bonne nouvelle : vous avez dépassé le stade du spleen post-pubère. Toutefois, vous auriez tort de passer à côté de cette étrange histoire où il est question d’un jeune compositeur pas du tout prêt à exploiter le filon de son succès aussi tardif qu’inattendu.
Cet article est tiré de la nouvelle revue n°28, disponible ici !
Un phénomène de niche... devenu viral !
Tout démarre dans une chambre, d’ado donc. Salvia Palth, Daniel Johann de son vrai nom, n’a que 15 ans, et il est d’humeur bedroom rock – sur son versant le plus planant et cafardeux. Sans grande conviction, Daniel partage gratuitement treize morceaux de sa composition sur Bandcamp, une plateforme alternative pour artistes très indépendants. Ses chansons ne font pas dans le comique troupier : Post-traumatic all-night-long, I don’t want to ask your father or anything (4 minutes 21, tout de même), en passant par un très épuré Like you know, I get old…
On est en 2013, il y a déjà huit ans, et à ce stade l’album Melanchole n’est qu’un projet obscur, perdu parmi des milliers d’autres projets obscurs. Pourquoi, en 2018, les Internets s’embrasent pour les créations de Salvia Palth ? Franchement, on ne sait pas. Mais sur YouTube, de nombreuses reprises des morceaux de l’album apparaissent. Elles viennent d’Espagne, d’Oregon, de France, d’Afrique du Sud… et certaines affichent jusqu’à 500 000 vues. Des forums entièrement dédiés à Salvia Palth et à son œuvre sont créés. Un label s’empare de l’aubaine et édite des versions vinyles et CD des 13 morceaux. Tout est sold out en quelques jours.
Pas de succès, pas de problèmes !
Et tandis que le succès monte, l’artiste reste mutique. Salvia Palth a disparu des réseaux, et Daniel Johann semble désinvesti de son projet d’adolescent. Une posture qui ne fait qu’exciter la curiosité sur les forums. D’entêtantes questions font tourner toutes les hypothèses : qui se cache « vraiment » derrière le pseudo de Salvia Palth ? Est-il possible de produire une œuvre pareille à seulement 15 ans ? Et surtout, surtout, pourquoi ce silence ? Quel drame cache-t-il ?
Enfin, l’artiste a daigné s’exprimer. D’une très timide voix. Il s’étonne de cet emballement pour son vieux projet, sa « carabine à air déprimé » qu’il n’a jamais mise en avant. Pour Daniel, c’est juste une question de tempo. Le temps de Salvia Palth est révolu, et relancer son existence, plus de huit ans après, n’a aucun sens pour lui. À ce public qu’il n’a pas choisi, Daniel a finalement donné les derniers bouts de morceaux qu’il avait gardés de cette époque. L’a-t-il fait par envie ou pour qu’on lui foute la paix ? Difficile de le savoir. Mais il ne faut pas que les fans de Melanchole en attendent davantage. Daniel assure que tout le reste a été perdu dans l’incendie de sa maison.
Dans cette affaire, la pop music a sans doute perdu l’occasion d’accrocher une nouvelle star à son firmament. Mais des milliers d’ados émus par ses mélodies tristes y ont pris une leçon à contretemps de notre temps : que certains artistes ne sont pas prêts à tout pour décrocher leurs quinze minutes de gloire, et que certaines mélancolies ne sont pas faites pour durer.
Participer à la conversation