
Le doute scientifique dont les climatosceptiques se revendiquent est un leurre, selon Jérémie Wainstain, directeur de Carbon Maps. Il résulte d'une incompréhension profonde de la manière dont la science avance et valide ses savoirs et serait surtout nuisible.
Le climatoscepticisme continue de progresser, soit 37 %, + 6 points en trois ans, dans presque tous les pays, et de façon particulièrement marquée en France (37 %, + 8 points en un an) (source : le rapport Obs'COP 2022 – Observatoire international Climat et Opinions Publiques). Comment expliquer ce climat de doute ? Selon Jérémie Wainstain (PhD), le directeur scientifique de Carbon Maps, plateforme de pilotage opérationnelle de l’empreinte environnementale de l’industrie agroalimentaire, si le doute ébranle aujourd'hui le consensus scientifique cela s’explique en partie par une incompréhension profonde de la science et de la façon dont se fabrique une vérité scientifique. Au-delà, en ne prétextant que « le droit au doute » sans proposer d’alternative valable, les climatosceptiques ne font qu’attaquer la vérité scientifique et ses modes de production. Un véritable fléau face aux défis climatiques, à tel point que Jérémie Wainstain se demande si « le droit au doute » n’est pas devenu « un droit à nuire ».
Qu'est-ce qui caractérise les marchands de doute sur la question du climat ?
Jérémie Wainstain : Avec la démultiplication des catastrophes causées par le réchauffement climatique, on assiste paradoxalement à un accroissement du scepticisme sur ses causes anthropiques, et ceci malgré un consensus scientifique qui n’a jamais été aussi total. Ce paradoxe s’explique sans doute par une incompréhension profonde du fonctionnement de la science et de la façon dont se fabrique la « vérité scientifique ». La plupart des climatosceptiques revendiquent en effet leur « droit au doute » , sur la base d’un argument qui semble, à première vue, imparable : une théorie scientifique, comme son nom l’indique, n’étant jamais qu’une « théorie ». Il serait légitime et même sain pour la vie démocratique, d’en douter. Ils se posent ainsi à la fois en héros du doute, défenseurs de la liberté d’opinion face à un supposé totalitarisme scientifique aveugle, et aiguillons d’une science qui ne progresserait que grâce au doute systématique.
La science évolue, les découvertes se succèdent, les interprétations peuvent varier... La science n'est-elle pas propice au doute ?
J. W. : Cette posture est un leurre. Contrairement aux idées reçues, le doute seul n’a jamais fait avancer la science. On ne peut pas juste douter d'une théorie : soit on l'adapte à de nouvelles données, soit on la remplace par une autre. La théorie atomiste a par exemple expliqué pendant des dizaines d’années les comportements de la matière grâce aux atomes, avant d’être remplacée par la théorie des quarks dans les années 1960, qui elle-même risque un jour d’être remplacée par la théorie des cordes. Les théories scientifiques se succèdent et ne se ressemblent pas, l’une englobant l’autre, chacune plus précise que la précédente, en fonction des observations disponibles. Dans un autre registre, douter de l'existence des virus n'est-il pas absurde si l'on est incapable de proposer en retour une théorie alternative permettant d'expliquer la propagation de maladies ? Pourtant c’est précisément ce que font les climatosceptiques lorsqu'ils exercent sur les plateaux de télévision ou dans des ouvrages à sensation leur « droit au doute » sur les théories climatiques actuelles. Selon eux jamais assez précises, jamais assez crédibles, ils n’ont de cesse de pointer leurs failles, leurs limites ou leur caractère arbitraire sans pour autant proposer de théorie alternative crédible. Cette posture est dangereuse pour l’information des citoyens comme pour la prise de décision collective.
Face à cette incompréhension profonde de la science et de la façon dont se fabrique une vérité scientifique, l'enseignement scientifique est-il à la hauteur ?
J. W. : On enseigne la science à l'école comme une mythologie. Une succession de héros qui ont découvert des théories tous seuls dans leur garage. Ça véhicule une image de la science qui est exactement l'inverse de la façon dont se fabrique la science. La théorie de la gravitation de Newton est une loi collective, fruit d'une collaboration entre scientifiques, et qui a conduit finalement à un consensus. Même chose pour Darwin. L'épistémologie n'est pas enseignée à l'école. On nous apprend une science de vainqueurs avec des figures tutélaires qui s'imposent comme des génies. Les scientifiques n'ont pas vu venir le coup, les programmes n'ont pas évolué. On a cru qu'on allait pouvoir continuer à présenter des résultats scientifiques sans avoir à expliquer leur mode de production, leur évolution et leur caractère temporaire. Une théorie a toujours vocation à être remplacée par une autre théorie. Nous avons besoin de cours qui expliquent comment se fabriquent les mathématiques et la physique plutôt que des cours abstraits et théoriques. Si on veut réenchanter le point de vue de la science Il faut repartir des bases d'un point de vue éducatif. À quelles questions répond la science, le contexte dans lequel les théories ont été élaborées, à quel problème elles répondent. On a eu le tort de croire que l'autorité scientifique allait exister sans se remettre en question.
Comment rectifier notre rapport à la méthode scientifique ?
J. W. : Le seul moyen est d'enseigner comment se construit une vérité scientifique. C'est de faire de l'épistémologie. Le consensus est au cœur même de la vérité scientifique. La vérité scientifique est même uniquement un consensus, il n'y a pas d'autre définition. Affirmer que « la Terre est ronde » est le constat d'un consensus de la communauté scientifique sur le fait que la Terre est ronde. Il est issu de publications scientifiques, de congrès, de colloques, au sein desquels cette vérité scientifique a émergé, s'est construite et s'est installée dans la durée. Rien de plus, rien de moins. Ainsi, en discréditant le GIEC et le processus de consensus mis en place depuis 30 ans au sein de la communauté scientifique mondiale, les climatosceptiques attaquent les fondements mêmes de la vérité scientifique et de ses modes de production. Ils font croire qu'il existerait une vérité alternative sans jamais nommer réellement cette vérité. On ne sait pas d'où ils parlent.
Le doute est-il une posture paresseuse ?
J. W. : Oui. Le doute en tant que posture intellectuelle est facile. C'est une posture de cancre. Tout le monde peut douter, cela ne demande aucun effort, ne nécessite pas d'argument. Il n'est pas constructif. Des gens qui donnent leur avis sur des sujets sur lesquels ils n'ont aucune légitimité, ni compétences, ni connaissance, et sans aucune humilité. Ils remettent en question des théories scientifiques en étant convaincus de faire avancer la démocratie. C'est très pervers car le doute a une image très positive. On a l'impression d'être courageux quand on doute. Alors que c'est complètement l'inverse. Il y a une imposture sur le doute.
Quelle place jouent les réseaux sociaux ?
J. W. : Propulsés par la puissance virale des réseaux sociaux, les idées et fantasmes des climatosceptiques prennent chaque jour un peu plus d'ampleur. Jamais la démarche scientifique n'a été aussi mal comprise, mal perçue, et instrumentalisée, jusque dans la sphère politique. Véritables armes de manipulation et de désinformation massive face aux catastrophes à venir, les réseaux sociaux n’ont plus grand-chose à voir avec des médias libres : le « droit au doute » s’est peu à peu transformé en « droit de nuire ». Mais les réseaux sociaux vont au-delà du sujet du climatoscepticisme. C'est la destruction de la science et de la démarche scientifique. On crie à la liberté d'expression alors qu'on est en dehors du cadre du droit. Ce sont des armes de décérébration aux conséquences difficilement prévisibles.
Ne faut-il pas alors appeler les choses par leur nom et s’interroger sur la légitimité de ces droits ?
J. W. : Il ne s'agit plus ici de défendre une liberté d'opinion, mais bien de protéger la société contre des technologies de manipulation mentales à très grande échelle. Face aux catastrophes climatiques à venir, la question d'une réponse pénale à la propagation de ces fumisteries est devenue urgente à débattre. Loin d’une « libre pensée », il est peut-être à nous, société, de les condamner avant qu’elles ne condamnent les générations futures.
Le GIEC n’est pas forcément le seul à avoir raison surtout quand on sait qu’ils ne font parler les données qu’à partir de 1850 (fin du jamais contesté petit âge glaciaire) alors que les « sceptiques » eux remontent à plusieurs milliers d’années 😉 au moyen âge le Groenland était vert comme son nom l’indique ! Personne n’en n’est mort dans d’atroces souffrances, alors que de fait les températures étaient bcp plus élevées qu’actuellement… bref vérifiez ce que vous publiez auprès de vrais scientismes, pas auprès du GIEC qui est un lobby d’états pour un des buts économiques. Merci à vous
Je précise qu’il faut bien entendu lutter contre la pollution
Pourquoi perdre son temps à parler des climatosceptiques ?
Cela ne sert à rien, juste à alimenter un pseudo conflit avec des climatosceptiques, conflit qui n'existe pas puisqu'on ne les entend jamais parler.
En effet, ils n'ont aucune audience vu qu'ils ne sont jamais invités dans des débats contradictoires correctement animés et de longue durée.
Seuls ces débats contradictoires entre scientifiques permettraient de clarifier un certain nombre de positions, et cela ne se produit nulle part, ni dans les médias ni au cœur des instances paragouvernementales.
En conséquence, les climatosceptiques n'ont aucune chance de réussite car ils ne bénéficient d'aucune représentation dans le débat public.
Donc pourquoi se préoccuper des climatosceptiques ?
Pourquoi gaspiller autant d'énergie à les critiquer alors qu'ils n'ont aucune influence ?
Que veut dire cette grande énergie consacrée à combattre des climatosceptiques, ce minuscule groupe sans influence ?
Cela est un véritable sujet de sociologie et de journalisme à mettre dans vos colonnes !
Bien plus intéressant que la guéguerre avec les climatosceptiques.
Une "réponse pénale" à des propose tenus sur les réseaux sociaux ???
Bon courage
Les scientifiques du GIEC travaillent sérieusement et leurs résultats sont inquiétants : ça se réchauffe.
Mais les responsables du GIEC se disqualifient eux-mêmes par leur exagération dans les synthèses destinées aux politiques.
L'accord de Paris repose sur une imposture scientifique : faire croire que l'on peut prévoir l'évolution future des températures au demi-degré près en fonction de l'évolution des rejets carbone mondiaux alors que les mesures de températures de référence du début du siècle dernier se faisaient avec une incertitude de plus ou moins un degré et que les bilans carbones ont une marge d'erreur comprise entre 10 et 30% !
Les chiffres après la virgule ne sont pas significatifs et au journal météo on nous parle en ce moment d'évolutions mesurées au centième de degré près !!!
Comment pouvez-vous publier un article autant anti-scientifique ? La science n'est que théorie. Jusqu'à ce que cette théorie soit vérifiée par des faits... qu'une nouvelle théorie remettra en cause. Les faits... ne sont donc pas des vérités puisqu'ils sont remis en cause par la science à chaque nouvelle génération de scientifiques, pas plus que les théories. Qui ne sont que des théories, pas des vérités. Pénaliser les climato-sceptiques c'est agir comme ceux qui ont condamné au bucher Giordano Bruno : c'est de l'inquisition, de la politique obscurantiste totalitaire. Pas de la science, ni de l'épistémologie. La controverse oblige à travailler, à réfléchir, à avancer, à corriger.
La "vérité" scientifique d'aujourd'hui est une théorie dépassée de demain et la science a toujours fonctionné comme cela. Dès lors, se poser la question de mettre en place une réponse pénale au doute est particulièrement absurde et dangereux. Quid de la liberté de penser et d'expression ?
@eric, "Erik partit pour coloniser le pays qu’il avait découvert et qu’il appelait le “Pays vert”, parce que, disait-il, les gens auraient grande envie de venir dans un pays qui avait un si beau nom" - Saga d’Erik Le Rouge, fondateur de la première colonie viking au Groenland, autour de 985. C'est donc du marketing avant l'heure de l'un de tes homonymes. Et après tu demandes aux autres de vérifier leurs sources...🤡
Le doute et le scepticisme sont l’objet de débats philosophiques depuis toujours (écouter par exemple le récent : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-david-hume-le-monstre-sceptique)
Avec le « climat », ces débats prennent une tournure politique et hautement financière.
Ceux qui doutent sont tout naturellement des Rebelles, mais qui peuvent devenir des Conquérants s’ils sont récupérés par des Régnants. Voir https://www.beaubiophilo.com/2019/06/01.conquerants-et-regnants.une-histoire-de-l-humanite.html
Jean-Pierre FORESTIER
https://www.beaubiophilo.com/
Il me semble que le débat sur le climat reste encore largement dans la sphère émotionnelle. Dans ce cas condamner les climatosceptiques serait juste contre-productif.