Ça n’aura échappé à personne : la pandémie de Covid-19 bouleverse quelque peu l’organisation du travail. On fait le point sur les secteurs les plus touchés, ceux qui bénéficient de la pandémie, et la façon dont les entreprises peuvent s’organiser.
Les économistes et financiers ne mâchent pas leurs mots quand il s’agit de qualifier le Covid-19. « Cygne noir » pour les investisseurs en capital-risque du fonds Sequoia, « chute libre » pour l’économiste – connu pour ses prédictions pessimistes – Nouriel Roubini… les prévisions ne sont pas au beau fixe. De fait, de nombreux secteurs subissent de plein fouet la pandémie. À chaque phénomène sa contre-tendance : d’autres activités semblent plutôt en bénéficier.
On fait le point.
Les secteurs et métiers les plus touchés
Transports
Assez naturellement, le secteur du transport subit de plein fouet la crise sanitaire. Sur le site de Reuters, on peut retrouver la liste des compagnies aériennes qui ont modifié (ou annulé) leurs trajets habituels. Bertrand Chovet, Directeur général et co-fondateur de Brand Finance, rappelle qu’Air France peut prévoir une baisse de trafic de 25% sur l’Europe, 13% pour ses vols longs courriers, et 17% pour ses vols domestiques. « C’est un choc assez important, suffisamment pour que des mesures soient prises sur l’abandon des créneaux des couloirs aériens. » Il rappelle que l’impact va au-delà des seules compagnies et des personnels navigants : c’est toute la chaîne de valeur qui est touchée. Les personnes en charge de l’entretien, des livraisons de kérosène, des plateaux repas, des douanes, des services d’accompagnement des voyageurs et voyageuses sont aussi directement concernées.
Les avions ne sont évidemment pas les seuls à être concernés. L’industrie ferroviaire est également concernée par la baisse du tourisme et les restrictions imposées. Par ailleurs, l’annonce de la fermeture des écoles a un effet assez fort sur les autocaristes. Alliance autocar annonce que 80% des réservations de transport ont été annulées pour le moins de mars, et une baisse de 74% des réservations. 400 sorties scolaires prévues dans les deux semaines à venir ont été annulées.
Tourisme
Le corolaire direct, c’est l’impact sur le tourisme – hôtellerie, restauration, établissements culturels… « Il y a un aspect B2B et un aspect B2C, constate Bertrand Chovet. Toute une tranche de consommateurs se retrouve en incapacité d’accéder à ses habitudes de consommation, traditionnelles ou exceptionnelles. »
Les mesures de confinement de la population en Chine ont provoqué une chute brutale de la fréquentation touristique chinoise en France et en Europe. Par ailleurs, l’annulation de nombreux événements et salons est également responsable d’une chute de fréquentation d’établissements touristiques.
Les livreurs et livreuses
Avec l’augmentation de l’utilisation des services de livraison, les livreurs et livreuses sont en prise directe avec le virus en étant au contact permanent d’une clientèle de plus en plus nombreuse. Wired explique que les travailleurs et travailleuses de la gig economy sont exposés aux risques en première ligne. Par ailleurs, leur statut particulier pose des questions quant aux arrêts éventuels de travail.
Plus surprenant : le divertissement à domicile
Alors que de nombreuses personnes sont invitées à rester chez elles dans la mesure du possible, on pourrait s’attendre à ce que des acteurs comme Netflix profitent de la pandémie. Forbes annonce pourtant le contraire. La raison principale ? En temps de disette, le streaming apparaît comme un luxe. Alors nos abonnements Netflix survivront-ils au chômage partiel ou aux autres mesures de restriction ?
Récap’
Promise Consulting, en partenariat avec Alliance Berstein, publie les résultats de l’impact économique, social et culturel de la crise en France, pour la semaine du 9 au 15 mars 2020.
Zoom sur l’événementiel
Recode a demandé aux équipes de PredictHQ quelques chiffres concernant le secteur événementiel. Verdict ? Une augmentation de 500% des annulations et reports des gros événements. En ce qui concerne les événements de la tech, PredictHQ estime que les pertes liées à l’organisation s’élèvent à plus d’un milliard de dollars. Il faut dire que tout le monde est concerné : Facebook avec sa conférence F8, Google I/O le Mobile World Congress (qui enregistre la plus grosse perte : 480 millions de dollars), SXSW (350 millions de dollars), et la référence en matière de jeux vidéo, l’E3 (75 millions de dollars).
Un nombre déjà élevé qui n’intègre pas les pertes liées à ce que les entreprises auraient pu gagner lors de ces événements.
À noter : le Council on Foreign Relations a annulé sa table ronde intitulée « Business Under Coronavirus » … à cause du coronavirus. Pas de bol.
Les secteurs qui en profitent
La livraison à domicile
Le contexte n’est pas propice aux livreurs et livreuses, mais pour les sociétés qui font appel à leurs services, c’est tout bénef. Korii analyse dans un article que pour limiter au maximum les sorties et contacts extérieurs, de nombreuses personnes se font livrer leurs repas. En Chine, les dépenses pour la livraison de repas a augmenté de 20% en janvier par rapport à l’année précédente. Market Watch note d’ailleurs l’usage en hausse d’une fonctionnalité : le zéro contact. En clair, on vous dépose votre repas sur le palier. Histoire de se parer à toute éventualité.
Une étude Nielsen montre que dès fin février, la distribution alimentaire a bénéficié du vent de panique. Les magasins physiques ont connu de très bons scores, mais le e-commerce a été encore plus dynamique avec des pics d’augmentation à plus de 15%.
Semaine spectaculaire pour la distribution alimentaire, avec une forte croissance des ventes lors du week-end dernier. pic.twitter.com/5N85FsTmH6
— Nielsen France (@NielsenFrance) March 6, 2020
Les denrées non périssables
Et qu’est-ce qu’on achète en ligne ? Beaucoup de biens non périssables. Tout le monde a en tête les rayons vidés de leurs stocks de riz et de pâtes. Mais attention : dans un parallèle avec une célèbre marque de soupes américaines, le Wall Street Journal rappelle que les hausses des ventes lors de crises n’avaient pas d’impact conséquent sur le moyen ou long terme.
Le business de la survie
L’Express s’est penché sur le cas du business de la survie. Une entreprise de nourriture lyophilisée enregistre des ruptures de stock sans précédent, une autre qui vend du matériel de survie enregistre déjà une année record avec plus de ventes en janvier 2020 que sur toutes l’année 2019… Les survivalistes avaient-ils tout compris avant tout le monde ?
Les sextoys
La pandémie fait aussi exploser les ventes de sextoys. En Italie, les équipes de Womanizer notent que les ventes depuis le 1er janvier sont supérieures de 60% aux prévisions de la marque. À Hong-Kong, on constate une hausse de 71% entre janvier et février 2020. Du côté des États-Unis, qui ont fermé leurs frontières aux personnes venant de l’Union Européenne, on enregistre une augmentation de 75%. Et en France ? 40%. C’est plus timide mais déjà pas mal.
Les jeux vidéo
Confinement oblige, les loisirs « à la maison » ont le vent en poupe. Sciences et Avenir dévoile ainsi que les ventes du jeu vidéo Ring Fit Adventure ont quadruplé en Chine entre le 5 et le 20 février 2020.
Les solutions dématérialisées
Côté B2B, on mise sur les solutions dématérialisées pour que nos vies pros ne soient pas trop chamboulées. Maÿlis travaille dans l’événementiel et nous explique que son entreprise propose des solutions pour tout faire à distance. « Le virus est une opportunité pour démocratiser notre solution, confie-t-elle. Ça va nous aider à faire changer les mentalités. »
On privilégie aussi les solutions de travail à distance – comme Slack – pour rester en contact avec ses équipes.
Comment les entreprises s’organisent
Télétravail
La première mesure à privilégier, évidemment, c’est le télétravail. Pour celles et ceux qui ne savent pas comment s’y prendre : voici un petit récap’ des bonnes pratiques.
Moins de déplacements
À l’instar d’Amazon, les entreprises incitent leurs équipes à limiter leurs déplacements, notamment à l’international.
Cas particuliers et questions précises
Toutes les professions ne peuvent pas s’exercer à distance. Le site du Ministère du Travail répond à de nombreuses questions et explique notamment comment il est possible de bénéficier d’un arrêt de travail dans le cas où un parent ne peut se rendre sur son lieu de travail pour s’occuper de son enfant, par exemple. En outre, sans arrêt de travail, un employeur qui impose à ses équipes de ne pas se rendre sur leur lieu de travail ne peut pas suspendre leur rémunération. Les entreprises peuvent aussi faire des demandes de chômage partiel. Celles-ci prennent du temps habituellement, mais devraient être traitées plus rapidement en ces temps troublés. Cela signifie que le contrat de travail est suspendu, mais que les individus concernés touchent une indemnité compensatrice équivalente à 70% (au moins) de leur rémunération brute.
Bertrand Chovet rappelle que les secteurs qui bénéficient de la pandémie concernent une économie de niche. « Les solutions désintermédiées, les jets privés… ça ne concerne évidemment pas tous les quotidiens, ni tous les continents. On est assez loin des masses critiques qui peuvent entraîner une reprise de l’économie. » Par ailleurs, il met en garde les entreprises : attention à ne pas tomber dans l’opportunisme cynique qui vise à repenser toute son activité en fonction de la pandémie. On a ainsi vu certains acteurs se mettre à soudainement fabriquer des masques médicaux.
« Il y a une forte tension, conclut-il. Entre économie durable et responsabilité vis-à-vis de la planète, il faudra retenir les perspectives pour demain. Nous pouvons encore sortir grandis de la crise. Elle devrait aussi pouvoir mettre en avant les progrès permis par l’entraide internationale et l’innovation. »
Affaire à suivre…
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