deux personnes en t-shirt blanc font des gestes de victoire sur fond bleu et rose

Slack : comment les entreprises se donnent une image cool

© master1305 via Getty Images

Slack connaît un succès fulgurant. Pour le cabinet de conseil Fabernovel, c'est dû au design intuitif de l'application, mais aussi à la culture du cool qu’elle véhicule.

Ouvrir Slack en arrivant au bureau : c’est devenu la routine de millions de salariés dans le monde. En cinq ans, la messagerie professionnelle s’est imposée comme un outil de travail et a relégué les mails internes au statut d’has-been. Les recettes de son succès sont décryptées dans l’étude « Slack, the future workplace »  de Fabernovel publiée mercredi 3 avril.

« Le plus sexy des outils pros »

Créée en 2014, l’entreprise californienne a décroché son statut de licorne (start-up valorisée à plus d’un milliard de dollars) en un temps record : 8 mois. Sa prouesse ? Réussir à convertir 38 % de ses utilisateurs à son mode payant. 

Un service pro qui excite autant ses investisseurs et ses utilisateurs... ce n'est pas courant. Qui s’est emballé pour Onenote ou Teams de Microsoft, qui proposent plus ou moins les mêmes fonctionnalités ? On peut l'affirmer : personne.

Design minimaliste et émojis personnalisables 

Le secret de cet emballement réside d’abord dans son design. « Slack est le plus sexy des outils BtoB », va jusqu’à dire Fabernovel dans son étude. La messagerie, est, il est vrai, agréable à utiliser. Un design minimaliste. Une organisation des conversations par « channels » (chaînes). La possibilité d’envoyer des messages individuels, à des petits groupes ou à une plus grande communauté (qui peut inclure des personnes extérieures à l’entreprise). Une chaîne « random » pour les sujets non-pro créée automatiquement. Et des fonctionnalités inspirées des messageries persos : les émojis (qui peuvent être personnalisés) et les bruits rigolos quand on reçoit un message entre autres exemples.

Mais Slack se distingue aussi par son ouverture aux services tiers. En effet, il est possible d’intégrer et d’utiliser d’autres applications sur la messagerie, qui se mue alors en véritable plate-forme de travail collaboratif.

« Leur design est devenu tellement apprécié que, comme Facebook, il leur sera très difficile d'en changer », résume Pauline Thomas, UX designer et fondatrice de l’espace de co-working The Laptop, qui s’est converti à l’appli californienne.  

Pour beaucoup, Slack c'est un moyen d'avoir l'air cool

L’autre raison du succès de Slack est l’image que l’entreprise véhicule. Slack ne se définit pas que comme une vulgaire messagerie, mais comme un moyen de transformer les entreprises (en plus cool évidemment). Certains peuvent être lassés par cette astuce de com' si chère à la Valley, « mais pour beaucoup d’entreprises, utiliser Slack est effectivement un moyen d’avoir l’air cool, nous dit Guillaume Gombert, leader strategist de Fabernovel. C’est le package du millennial worker. » L’appli californienne a réussi à créer une identité. Le mot « slack » est même devenu un verbe aux États-Unis. « Dire qu’on est sur Slack aujourd’hui, ça fait bien. C’est un peu comme avoir une adresse Gmail il y a quelques années », estime Stéphane Distinguin, PDG de Fabernovel. Aujourd’hui, héberger ses emails chez Google est tout sauf différenciant, mais dans les années 2000, il fallait être parrainé pour obtenir un compte.

N’importe qui peut se connecter à Slack, mais souvent la messagerie est d’abord adoptée par un groupe d’initiés, qui va ensuite la conseiller aux autres salariés. « Il y a aussi un effet excluant lorsqu’une personne n’utilise pas Slack », note Pauline Thomas.  

Slack importe la culture geek

Slack est aussi perçu comme branché car l'outil « importe la culture geek chez les entreprises classiques », estime Cyril Vart, vice-président de Fabernovel.

Une image geek qui vient peut-être de l’origine de la messagerie. En 2014, Stewart Butterfield, PDG de l’entreprise développe le jeu vidéo Glitch. Sa commercialisation est un échec, mais l’entrepreneur s’inspirera du design de Glitch pour créer Slack. Le jeu vidéo comprenait une colonne de chat où il était possible d’avoir des discussions de groupe.

La start-up est aussi proche du milieu des développeurs. 40 % des utilisateurs de Slack sont des techniciens, explique Fabernovel. L’entreprise partage publiquement sa feuille de route technique. Et il est possible de customiser Slack en y ajoutant des outils développés en interne. Fabernovel a par exemple créé un bot baptisé « Marvin ». Tous les matins il invite deux salariés de la boîte, qui ne sont pas forcément proches, à prendre un café ensemble. Depuis mars 2019, Slack invite les développeurs qui créent de nouveaux outils sur Slack à se connecter via une plate-forme et à se rencontrer pour de vrai.  

Des cool kids au Boy’s club, il n’y a qu’un pas

Problème : cette image cool peut brouiller les lignes entre travail et vie perso. « Les tâches des salariés deviennent des conversations permanentes. Pour certains salariés, c’est perçu comme du flicage », précise Pauline Thomas.

Autre souci : la messagerie devient parfois le lieu de conversations que les salariés n’oseraient pas avoir dans un open space. « L’application use tous les ressorts d’un service B to C, mais ce qu’il s’y passe concerne l’entreprise », pointe Cyril Vart. Les utilisateurs sont généralement connectés sur la messagerie 10 heures par jour en moyenne. Et parfois les conversations continuent même le week-end.

Un brouillage des lignes qui donne parfois lieu à de violents dérapages. Dans les récents cas d’harcèlement moral et sexiste en entreprise, la messagerie est souvent citée comme le lieu de tous les dérapages. Même s’il n’y a pas eu besoin d’attendre Slack pour voir se propager des contenus haineux : Twitter, les mails et la bonne vieille machine à café sont aussi le théâtre de propos sexistes et racistes. En témoignent la ligue du Lol et les cas de harcèlements dans les agences de pub

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Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
commentaires

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  1. Avatar Christophe dit :

    Le problème de Slack est que tout est hébergé aux US. Il n'y a pas de version "on premise". Quand vous travaillez dans la donnée vous êtes de fait en contravention avec le Rgpd et les directives sécurité des grands groupes français. C'est LA raison pour laquelle, à regret, l'entreprise pour laquelle je travaille n'a pas adopté Slack.

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