
J'ai trop chillé et maintenant c'est la hess. T'as capté ? Non ? On t'explique !
Si la galère crée de la frustration, elle éveille aussi l’ambition. C'est en tout cas le mantra de la « hess culture » qui tire son origine de la « street culture » et de la « culture hip-hop » populaire chez les moins de 25 ans. En témoignent les textes des chansons des rappeurs Booba (Les vrais savent, on se connaît, anti-hess on se connecte), Nekfeu (J’serai jamais en hess, même au hebs, j’aurai d’quoi cantiner) ou encore de Disiz feat Damso (j’s’rai plus jamais en hess, nan, j’suis Disiz la Peste). Portrait de la « Gen Hess ».
D'un code de classe à un code générationnel
Le mot « hess » est un terme d'argot français issu du mélange du mot arabe « hessd », signifiant « volonté de nuire », et d'un terme algérien « lḥās », qui désigne l’action de lécher un plat pour ne pas en perdre une miette. Chez les jeunes, l'expression « C'est la hess » (ou « C'est la hass » ) signifie « c'est la galère » ou « c'est la misère ». Toutefois, le sens du mot a évolué au fil du temps, se diffusant à toute une génération depuis la classe populaire issue des banlieues et/ou de l'immigration. Désormais largement utilisé par une partie de la GenZ de manière humoristique ou ironique, le terme permet aussi de décrire une situation qui n'est pas nécessairement grave signifiant : « C'est la honte ».
D'après une étude*, le mot « hess » est reconnu et compris par près de 80 % des locuteurs, ce qui selon Luc Biichlé, sociolinguiste et maître de conférences à l’Université d’Avignon, en fait un marqueur générationnel. Un signe témoignant de l'intégration progressive d'un nouvel élément lexical dans la langue. Une évolution linguistique naturelle explique le sociolinguiste : « les langues sont dynamiques, évoluant constamment, empruntant ou échangeant sans cesse des mots et des expressions à d'autres langues ». Élément surprenant : 76,6 % des locuteurs prononcent le [h] aspiré de « hess » ce qui met en évidence l'entrée possible d'un nouveau phonème dans la langue française. Car si en France on ne prononce pas le « h » de hotdog ou de Mohamed, le fait de prononcer le « h » aspiré serait un élément nouveau.
Dépenser pour être vu
Selon l'étude, la « Gen hess » serait singulière, sous-groupe de la Génération Z qui adopte une approche ingénieuse mais erratique de sa consommation, de ses finances et de ses rapports sociaux. Son but : briller plus que les autres et se distinguer. Et pour se démarquer, 39 % d'entre eux déclarent la mode comme leur principale poste de dépense. Si pour 56 % d’entre eux acheter de nouveaux vêtements leur donne « confiance en eux », ils sont 11 % à percevoir le port de vêtement de luxe comme un moyen de distinction sociale (contre 3 % pour les + de 26 ans). Mais si la « Gen hess » cherche la validation à tout prix, l’argent est pour elle un moyen plus qu’une fin. Un mode de vie qui les pousse à toujours être à l’affût des meilleurs plans possibles. Adoptant une approche pragmatique, elle opte pour des marques qui répondent à ses besoins tout en respectant son budget mais aussi ses valeurs. Car si l’étude montre que la Gen hess est moins engagée pour l'écologie que les générations plus âgées, ils sont toutefois 37 % des moins de 26 ans à déclarer avoir déjà manifesté en faveur de l’environnement. Côté consommation, 43 % d'entre eux se déclarent prêts à consommer moins (56 % chez les 26 ans et +), et 66 % pensent que l'engagement écologique devrait être une priorité (72 % chez les 26 ans et +).
La hess culture comme nouvelle façon de consommer
Rebattant les habitudes, cette génération porteuse de nouvelles valeurs (tantôt écologistes, tantôt capitalistes) serait selon l'étude plutôt cigale que fourmi. Si 51 % de leurs aînés épargnent pour faire face aux « dépenses imprévues », ils sont 49 % à économiser pour « se faire plaisir ». Un équilibre subtil entre les dépenses du quotidien et le financement de voyage ou d'achats importants (55 % ont pour objectif d'avoir une grosse voiture). Cependant, leur détermination ne s'arrête pas aux plaisirs de la vie. En effet, 55 % aspirent à une stabilité professionnelle et déclarent avoir choisi leur « orientation professionnelle » dans l’optique d’y faire une longue carrière (+ 8 % que leurs aînés). Une vision long-termiste du travail qui montre que malgré leur propension à changer fréquemment d'entreprise, ils sont en quête de sécurité.
*Étude Glory Paris et Appinio.
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