Se prendre pour un être exceptionnel et en parler en ligne, voilà la nouvelle norme.
Après avoir confessé son mal-être, exposé ses traumatismes et voué une obsession aux diagnostics souvent erronés de maladies mentales, les réseaux ont un nouveau credo : afficher son god complex (son complexe de Dieu) et assumer pleinement le fait de se déclarer au-dessus de la mêlée.
C'est quoi le god complex ?
Souffrir d'un god complex signifie communément que l'on se perçoit comme un Dieu, à savoir plus intelligent, fort et beau que les autres. En un mot : supérieur. Si le terme est souvent affilié à l'univers de la psychiatrie, le complexe de Dieu n'est toutefois pas un terme clinique puisqu'il ne qualifie pas un trouble diagnostiqué. À ce titre, il n'apparait pas dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM), le manuel de référence recensant l’ensemble des troubles psychiques. Ancré depuis longtemps dans la culture populaire, le terme est toutefois régulièrement utilisé pour décrire les pervers narcissiques (que l'on voyait partout en 2015) ou évoquer le cas de Kanye West et de ses mises en scène christiques.
Jusqu'à présent, dire de quelqu'un qu'il souffrait d'un god complex relavait de l'insulte : ce n'était finalement rien d'autre qu'une manière élégante de dire que Basile du service financier se la racontait depuis qu'il s'était mis à la muscu et était parti en trek dans la Cordillère des Andes. Mais ça, c'était avant.
Le God complex sur les réseaux
« L'auto-critique, c'est fini, des god complex de malade, c'est tout ce qu'on veut voir. Si vous êtes sur le point de vous décrire comme bête ou moche, même pour blaguer, fermez votre putain de gueule. Sinon, je débarque chez vous et je vous casse la figure, arrêtez avec ça ! » Voilà ce que nous raconte avec conviction la tiktokeuse lolaokola dans une vidéo intitulée BE NICE TO URSELF OR ELSE (soyez tendre avec vous-même ou sinon), likée plus de 50 000 fois. Aujourd’hui, le god complex jouit donc d’une aura se voulant hautement aspirationnelle : il s’agit de se montrer bienveillant envers soi et de doper son assurance.
@lolaokola BE NICE TO URSELF OR ELSE 👊🏾 #fyp #fypシ #confidence #selflove #inmydelusionalera
♬ BE NICE 2 URSELF OR ELSE - lola
Sur TikTok, le #godcomplex qui cumule les 211 millions de vues est souvent accompagné de ses corollaires #love, #selflove et surtout #inmydelusionera. Ce dernier hashtag, qui pourrait se traduire par quelque chose comme « en plein dans mon ère délirante », sous-entend que si se vautrer systématiquement dans l'auto-critique est une attitude maladive, se placer sur un piédestal est également le signe d'une psyché instable.
Qu'importe, la démarche volontairement outrancière et semi-ironique séduit. Sur TikTok, les vidéos où l'on met en scène une sortie de dépression tonitruante débouchant sur un sentiment exalté d'amour de soi se multiplient dans la joie et la bonne humeur.
@skyla.lynne And then its all numb #toxic #love #godcomplex
♬ Me.Rager - ✨‼️
Des envies de grandeur
En résumé, si 2021 nous autorisait à rester roulé en boule pour regarder la pluie tomber, 2022 semble vouloir entériner la revanche de l'estime de soi. En effet, les jeunes internautes semblent pris d'envies de grandeur. Pour bien exprimer son god complex, les plus audacieux pourront notamment surfer sur la tendance Royalcore, qui consiste à parader sur les réseaux en tenue de Marie-Antoinette et à arborer les attributs de la royauté. (Pensez sceptres, diadèmes et autres poses régaliennes.) Le Roi, c'est moi, et mon god complex est plus gros que le vôtre.
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