Des personas masculins

Femboy, himbo, baby girl, incel : cartographie des nouvelles masculinités

Décryptage des micro-populations masculines qui hantent les réseaux. (Et parfois la vraie vie.)

Pour savoir si vous avez à faire à un Tesla bro, un hegan ou un looksmaxxer, suivez le guide des 6 grandes familles de personas masculins du Web.

1. Les sapés comme jamais

L’identité se porte comme une banderole, un soin pour la peau ou une impeccable plaquette d'abdos.

Le looksmaxxer

Sur les réseaux, le looksmaxxer partage ses astuces pour muscler ses larges épaules, redessiner son menton grâce au mewing, peaufiner sa routine gommage-exfoliation, coiffer sa chevelure et « prendre de la masse » à la salle. Selon le degré d’intensité de sa démarche, le looksmaxxer sera tantôt softmaxxer (à base de crèmes hydratantes et de masques antirides) ou hardmaxxer (il s’attaque à la forme de sa mâchoire au marteau). Et ce n'est pas vraiment une coïncidence si le #looksmaxxer vous conduira chez les coachs en cryptomonnaies : le terme est né chez les gamers et a été récupéré par les forums incels et les masculinistes adeptes de l’optimisation de soi. Où les trouver : sous les 3,3 milliards de vues du #looksmaxxing sur TikTok.

Le soft boy

Dans sa version la plus extra, on le repère à ses chemisiers amples à fleurs, son collier de perles et son vernis pastel. Facétieux et agréable, le soft boy (1,4 milliard de vues de vues sur TikTok) s'est affranchi des stéréotypes de genre. (En tout cas, c'est ce qu'il croit.) Il affichera une silhouette plus androgyne, une sensibilité élégante, parfois même une sexualité fluide. Pensez Timothée Chalamet fusionné à Harry Styles. À noter : par certains aspects, le soft boy ne serait pour certains qu’une version plus sophistiquée du fuck boy, ce manipulateur qui mène les filles en bateau pour coucher avec elles. « Sous ses airs de Seth Cohen (Newport Beach), le soft boy est en réalité un Chuck Bass (Gossip Girl) », affirme Comospolitan.

Le femboy

Cousin du soft boy, il ne déteste pas les jupes et le maquillage outrancier (pensez au personnage de Roman dans la série Sex Education ou à Jacob Tobia sur Instagram), il retourne les codes et entretient l’ambiguïté. Aussi bien hétéro, gay, bisexuel ou pansexuel, il est le pire ennemi de la manosphère qui voit en lui le symbole de la binarité de genre déchue.

2. Les (gentils) émos

Ils ont des émotions, et ils nous le font savoir.

Le manic pixie dream boyfriend

« C'est le mec qui s'est convaincu d'être un esprit libre, et qui est bien résolu à rendre votre vie magique alors que vous ne lui avez rien demandé », écrit la journaliste Anna Breslaw. Avec ses romans allemands et son allure décontractée, il attire les femmes ayant besoin de se changer les idées auprès d’un joueur de guitare ou propriétaire d’un van franchement débarqué d’un long périple en Islande. En deux mots, le MPDB est le pendant féminin de la Manic Pixie Dream Girl. Comme elle, le MPDB est solaire, fantasque et indépendant. Si le persona est d'abord apparu dans les films et séries (Jack dans Titanic ou Gus de la romcom The Fault in our Stars), le MPDB fait son apparition IRL sous la forme d'hommes arborant tatouages et jeans déchirés.

Le himbo

Une bimbo mais au masculin. Optimiste, joyeux et de bonne composition, le himbo a un seul objectif : rendre la vie agréable à sa compagne. Certains le pensent un peu bêta, il est surtout honnête et pas compliqué. Loin de lui l’idée d’attendre trois jours avant de rappeler ou de draguer la meilleure amie de sa copine afin d'attirer son attention. Pour le trouver : il fait du bénévolat à la SPA ou zone au skatepark où il est pote avec tout le monde. À l’écran : Chris Hemsworth dans le Ghostbusters de 2016.

Le sad boy ou sadboi

On le reconnaît à sa mine alanguie, ses yeux cernés, sa position prostrée. C’est un garçon (souvent un ado) triste, avec des goûts musicaux bien à lui. Tout le désespère, des feux de forêt en Australie à l’annulation de sa soirée de samedi. Face à la pluie qui tombe, il écoute du cloud rap et du vaporwave, vêtu de bobs de designers et de t-shirts noirs et blancs. Pour une raison ou une autre, les Internets ont décidé que le sad boy buvait des décalitres d’Arizona Iced Tea. En bref, le sad boy est à la GenZ ce que les émos étaient aux millennials, rock et musique screamo en moins.

Le baby girl

Le sad boy dans sa version adulte. Le terme serait apparu sur Wattpad en 2017 mais s'est démocratisé en 2021 pour caractériser certains personnages de films ou séries aux contours mal définis. Les baby girls sont tantôt timides, vulnérables et enjoués (l’acteur Pedro Pascal), tantôt maussades, agressifs et torturés (son personnage dans The Last of Us). Pour les réseaux, le roi des baby girls est Kendall Roy, personnage de la série Succession. Récemment, c'est l'acteur Jacob Elordi (Felix dans le film Saltburn) Ne pas hésiter à utiliser l'expression baby girl comme adjectif, en disant tendrement d'un homme : « il est trop baby girl. »

3. Material boys

« J’achète donc je suis. » Et il a toute la panoplie.

Le hustle bro

Il tient son surnom de la hustle culture, la culture du travail acharné. Prise de risque, effort et résilience sont ses mots d’ordre, l'argent facile son horizon. À sa communauté de crédules, il vend un principe de vie : devenir riche, et vite, grâce à l’IA. Il sévit principalement sur YouTube, où il publie des vidéos aux titres racoleurs : « Comment j’ai réussi à générer 500 euros de revenus passifs par jour » ou « 5 conseils de business pour se lancer avec ChatGPT ». Où le trouver : sur Amazon’s Kindle Direct Publishing où il s’est auto-publié.

Le sigma crypo bro

Hustle bro qui se veut intello. Entre deux séances de muscu, les cryptos bros s’adonnent à leur passion : cryptomonnaies et NFT. En soirée, il tentera de vous convaincre d’investir dans la dernière série à la mode et de ponctuer votre quotidien de douche glacée, réveil à quatre heures du matin, jus d’épinard et podcasts de Joe Rogan. Dans sa variante sigma, appellation forgée par l'activiste d'extrême droite américain Theodore Robert Beale, le crypto bro se voit comme un rebelle visionnaire, un loup solitaire nietzschéen. Sa place : au sommet de la pyramide, devant les alphas leaders de meute et les bêtas, pauvres larbins efféminés. Lui est d'ailleurs tellement évolué qu'il a cessé de se masturber. À l’écran : le fils spirituel de John Wick.

Le Tesla bro ou Tesbro

Cousin éloigné du crypto bro, il ne jure que par sa voiture électrique produite par le milliardaire le plus à la ramasse. « Comme Iron Man, l'homme Tesla combine un individualisme robuste, un esprit entrepreneurial dynamique et une foi apparemment inébranlable dans les marchés et la technologie combinée à un souci sensible de la nature, de la planète et des générations futures », écrit Markus Giesler. Sur la route, il n’y a de place que pour lui, et c’est bien normal, il sauve la planète en roulant à 180 km sur l’autoroute pour se rendre au dernier point de son CA. Où les trouver : sous le compte X d’Elon Musk.

Le PP manga 

Il aime les mangas et le montre avec ses photos de profil (PP). Dans ces dernières, il n’est pas rare de retrouver les personnages de Vegeta de Dragon Ball Z ou Monkey D. Luffy de One Piece. Gentils geeks fans de bandes dessinées japonaises, ils se muent parfois en masculinistes énervés et trolls d’extrême droite. Pour les rencontrer, scroller sous les comptes Twitter de féministes en vue, où les PP mangas aiment entre deux parties de Minecraft à harceler en meutes et sur le forum 18-25 de jeux-vidéo.com.

4. Les anti(viandards)

Dis-moi ce que tu manges, je te dirais quel mec tu es.

Le hegan

Le surnom vient de la fusion de « he », il, et « vegan ». Comme le cuisinier Bradley Jimenez sur Instagram, les hegans partagent leur recette favorite de gratin de courgettes et affichent leur passion pour les légumes crus et les salades printanières. Enrobés ou extra-gaulés (#vegangains, #veganaf), les hegans clament haut et fort leur amour de la planète et des animaux mignons. Trop woke pour la droite, cette dernière les qualifie volontiers de « soy boys », garçon soja, fades et mous comme du tofu.

Le go muscu

Ils bouffent de la protéine matin, midi et soir, vont à la salle 6 fois par semaine, et échangeraient père et mère contre la promesse d’un corps bien dessiné. Avant et après le boulot, ils migrent vers leur vélo elliptique, rameur et surtout lourdes haltères pour parfaire leurs pectoraux, quadriceps, dos et fessiers. Une bonne journée est une journée qui les a fait suer. Les retrouver sur TikTok sous le #benchpress.

5. Les wannabe séducteurs

La virilité se mesure à l'aune de la séduction, c'est comme ça.

L’incel

Jeune, blanc et hétéro, l'incel est convaincu que trouver l'amour et/ou une partenaire sexuelle est hors de sa portée. En cause : la biologie, le néocapitalisme et la superficialité innée des femmes attirées par les fameux mâles alpha. Dans sa version hard, il devient terroriste. Dans sa version soft, les mascu le voient comme un « simp », un mec prêt à tout pour s’attirer la sympathie d’une fille, notamment en la recouvrant de pognon lors de lives sur Twitch.

Le PUA

Le pick-up-artist (PUA) est passé maître dans l’art de « lever des filles » en les accostant dans la rue ou un bar tamisé. Grâce à son assurance indéfectible, sa verve et ses tactiques dignes de L’art de la guerre de Sun Tzu, il pense être capable de séduire à peu près qui. Persuadé que sa virilité se mesure au nombre de ses conquêtes, il dispense ses conseils à une petite clique d’adeptes prête à payer (cher) pour profiter de ses lumières. Le PUA est pénible, mais il donne du grain à moudre aux humoristes, c'est déjà ça.

6. Les animaux politiques

Donner dans la politique n'empêche pas de faire des selfies et de transformer sa vie en publie reportage. Démonstration.

L'hotep

Homophobe friand de théories du complot, l’hotep se construit autour de deux solides piliers : misogynie et afrocentrisme. On le reconnaît à sa barbe sans moustache, sa copie de la lettre de Willie Lynch et son attaché-case dans lequel transporter des documents déclassés par la CIA. À l’écran : le crush de Joelle dans la série Dear White People disponible sur Netflix.

Les MRA

Droit de la famille, éducation des enfants, école, santé, armée… Dans le sillon de MeToo et des mouvements d’émancipation des femmes, les MRA (Men's rights movement) s’inquiètent pour leurs droits et militent pour les faire respecter, notamment lorsqu’il s’agit de partager la garde des enfants en cas de divorce. IRL : le psychologue clinicien canadien Jordan Peterson. À noter : certains MRA sont des femmes, à l'instar de la youtubeuse Karen Straughan.

Les MGTOW

Les descendants à bout de nerfs des MRA. Leur nom provient de l’acronyme Men going their own way, les hommes qui partent de leur côté, car cohabiter avec des femmes qui leur prennent tout n’est plus tenable. Le mouvement serait né au début des années 2000 aux États-Unis, sous la houlette de deux hommes, Solaris et Ragna, qui publient en 2003 un premier manifeste théorisant leur « philosophie ». En ligne de mire : rétablissement de « l’ordre naturel », celui où les hommes dominent. Leur héros : l’inventeur de génie Nikola Tesla, antiféministe notoire.

Le profem 

« Pro-féministe », il se veut l’allié des femmes mais avoisine plutôt le relou désireux d’impressionner ses amies en citant Simone de Beauvoir, Beyoncé et Chimamanda Ngozie Adichie. Paternaliste et condescendant, malgré ses connaissances superficielles. Dans le fond, il entend surtout avoir l’air cool, ou peut-être pécho, on ne sait pas. En apéro, il coupera la parole pour donner son point de vue sur le manspreading et l’absence de femmes aux CAC40. Pour le trouver, se rendre en manifs ou en AG d’association militantes.

Laure Coromines

Laure Coromines

Je parle des choses que les gens font sur Internet et dans la vraie vie. Fan de mumblecore movies, de jolies montagnes et de lolcats.

Discutez en temps réel, anonymement et en privé, avec une autre personne inspirée par cet article.

Viens on en parle !
commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire