Sur Internet, les pick up artists au féminin existent aussi, et c'est bien gênant.
Produit de la sphère masculiniste, les PUA (les pick up artists), ces hommes censés être maîtres dans l'art de la séduction, avaient déjà encombré les réseaux de leurs vidéos YouTube terriblement embarrassantes et misogynes. Aujourd'hui, les femmes prennent la relève sur TikTok. Et ce n'est pas non plus beau à voir.
Qui sont ces femmes qui veulent nous aider à séduire ?
Certes, elles ne revendiquent pas forcément l’étiquette désormais collectivement moquée de pick up artist, mais le programme reste identique : déployer dans la durée des techniques grotesques pour provoquer le désir chez l'objet de leur affection. La proposition est ambitieuse : adopter des gestes qui fonctionneraient inéluctablement sur l'ensemble de la population masculine. Loin de l'attitude condescendante des PUA masculins, @saharooo, @ask_kimberly ou encore @annabellegesson se la jouent grande sœur bienveillante et bonne copine à la rescousse de leurs amies un peu gourdes : le ton est confidentiel, les mots encourageants et rassurants. Sahar conseille à toutes de « prendre des notes », et Kimberley rappelle régulièrement que ses conseils reposent sur « des vérités scientifiques. »
Sans surprise, les conseils dispensés sont aussi peu perspicaces (lui toucher le bras, répéter à tout va « Dis m'en plus...», porter du rouge...) que féministes (rire de ses blagues même lorsqu'elles ne sont pas drôles). Annabelle invite à être « imprévisible et incohérente », et Kimberly, que sa bio décrit comme « experte des relations amoureuses et des rencontres », invite à « mélanger peine et plaisir pour développer un attachement psychologique ». D'un air un peu gêné, elle rit, et admet que c'est « un peu toxique », mais que « cela marche ». Ces conseils en or ne sont pas toujours gratuits : certaines des créatrices vendent évidemment leur expertise via leur plateforme (prix disponibles sur demande). Bref, le tout donne l'impression d'ouvrir un magazine pour ado des années 1990-2000 type Jeune et Jolie, lorsque l'expression male gaze (cette culture qui impose une perspective d’homme hétérosexuel) n'avait pas encore été popularisée. (Pour rappel, quelques titres de l'époque : « C'est quoi pour eux une bombe sexuelle ? Ils s'expliquent » ; « 30 pages d’accessoires pour être super craquantes »... ) Ce qui n'empêche pas Kimberley et consœurs de faire des millions de vues, soutenues par de jeunes internautes qui boivent leurs paroles et les encensent de commentaires admiratifs.
L'amour en ligne : ce grand foutoir
Sur les réseaux, les relations amoureuses sont devenues un grand n'importe quoi. En plus des pick up artists, il faut aussi composer avec les delulu girls, ces jeunes femmes qui ont érigé au rang d'art de vivre l'entretien d'illusions amoureuses et de fantasmes irréalisables. Avant cela, il y avait aussi ceux qui proposaient de s'en remettre aux prières cosmiques et à la manifestation pour rencontrer son âme sœur ou séduire enfin Jérémie du bureau. Face à cette grande pagaille en ligne, une petite grappe de trentenaires a préféré opter pour la détox numérique. Après avoir déserté les applications de rencontres, ils élaborent des petites annonces par le biais de Notion ou Google Doc, ambiance courrier du cœur. Le mot d'ordre ici : pas de stratégie amoureuses digne d'une comédie romantique ringarde ou d'un épisode de House of Cards. Une alternative délicieusement low-tech.
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