Un jeune homme sur une plage en train de tenir un coquillage

Quentin Albert, 27 ans, influenceur star en Chine et maître du marketing

Plutôt que de galérer sur YouTube, ce Frenchie qui vit en Californie a décidé d’investir les plateformes sociales de l’Empire du Milieu il y a 4 ans. 15 millions d’abonnés plus tard, il nous explique comment y fonctionne le business de l’influence.

Quentin Albert est un influenceur et ça se voit. Avec ses vidéos filmées entre potes dans sa villa de Los Angeles, ce jeune Français de 27 ans ressemble à une version sans stéroïdes de Logan Paul. Pourtant, il est totalement inconnu chez nous ou aux États-Unis. La raison ? Les vidéos de Quentin sont en mandarin.

L'influenceur français qui a conquis la Chine

Sur YouTube, sa chaîne Xinshidandan qu’il anime avec son ami américain Ben Thomas cumule 1,71 million d’abonnés pour plus de 150 millions de vues. Mais il ne s’agit que d’un petit à-côté pour lui. Sa véritable audience se trouve sur les plateformes chinoises comme Weibo ou BiliBili. Il y cumule plus de 15 millions d’abonnés pour plus de 3 milliards de vues. L’une de ses vidéos les plus virales, dans laquelle il loue les mérites de l’application nationale Wechat, a même cumulé 1 milliard de vues en quelques semaines. Pas mal pour une activité démarrée il y a seulement quatre ans.

Pour rappel, le marché chinois est composé de 800 millions d’internautes. Et ces derniers sont plutôt friands des Occidentaux qui parlent leur langue. Une population qui ne court pas (encore) les rues...

En mode « test and learn »

« Au début on faisait pas mal de vidéos humoristiques sur les différences culturelles entre la France et la Chine, explique-t-il. Et puis on a rapidement changé de modèle pour aller vers des contenus plus viraux qui parlent à notre audience. » À savoir : de jeunes adultes de classe moyenne. Un coup d’œil sur sa chaîne YouTube suffit pour comprendre ce qui fonctionne. On peut y voir le jeune homme partir en stage de survie en Australie ou en Nouvelle-Calédonie, jouer à un jeu vidéo au fond d’une piscine ou encore cuire un homard sur le moteur d’une Lamborghini.

Aider les marques occidentales à pénétrer le marché chinois

Pas de politique ou de vulgarisation, le contenu de Xinshidandan est entièrement tourné vers le divertissement. Et rien n'est laissé au hasard. Car à bien l’écouter, Quentin Albert est bien loin de l’archétype du vidéaste qu’on a tous en tête. Oubliez les Cyprien ou les Norman qui ont commencé à faire des vidéos dans leur chambre pour rigoler et qui terminent influenceurs un peu par chance.

Notre Français s’est lancé dans le business de l’influence immédiatement avec un MBA (maîtrise en administration des affaires) obtenu en Chine. Il a parfaitement intégré les relations qu’il faut entretenir avec les marques et gère sa chaîne comme une véritable petite entreprise. « Notre approche consiste à aider les marques françaises ou américaines à intégrer le marché chinois, explique-t-il. On travaille pas mal avec l’univers de la Tech, des jeux vidéo, des marques de vêtements comme Nike ou Vans ou bien encore les offices de tourisme de Paris ou Los Angeles. On s’adresse à des millions de Chinois qui ont les moyens de se payer des loisirs ou de partir à l’étranger ». 

L'Influence en Chine : un vrai Far West

Il se fait discret sur son chiffre d'affaires, mais Quentin explique volontiers comment fonctionne le système de l’influence en Chine. « Les plateformes sur lesquelles on travaille comme BiliBili font un peu de monétisation, mais ce n’est vraiment pas ça qui nous permet de vivre, explique-t-il. C’est pour ça que l’on compte surtout sur des collaborations avec des marques, notamment occidentales. Elles ne connaissent pas très bien le marché chinois et on incarne une bonne porte d’entrée pour elles. Finalement, on est un vecteur de communication très "safe" pour elles. Elles savent qu’on va bien faire notre travail sans commettre d’impairs vis-à-vis des Chinois. »

À cause de la barrière de la langue et du fameux « Grand Firewall » qui isole le pays d’un point de vue numérique, la Chine est encore entourée d’un brouillard de mystère. Le business de l’influence y est d’ailleurs très neuf et ressemble plus à un Far West qu’autre chose. « Sur Weibo, l’une des plateformes les plus connues, c’est aux influenceurs de payer pour pouvoir diffuser leur contenu, poursuit Quentin. C’est aussi un écosystème vérolé qui contient de nombreux faux comptes. De petits malins y créent de faux profils, achètent des vues et des abonnés et piègent les marques comme ça. »

Même du côté des marques chinoises, les mentalités peinent à évoluer. « En dehors de Tencent (la plus grosse entreprise Tech du pays), les marques chinoises n’ont pas encore vraiment compris le business de l’influence indique-t-il. Elles viennent nous voir pour nous demander de faire de la publicité classique, ce qui ne peut pas marcher avec nous ».

Influenceur en liberté conditionnelle

Quand on le compare avec les autres influenceurs qui tentent leur chance en Chine, on a vraiment l’impression que Quentin Albert a fait le bon calcul. En étant basé en Californie et en travaillant avec des marques occidentales, il estime bénéficier d’une liberté qu’il ne pourrait pas avoir là-bas. « La plupart des influenceurs travaillent au sein de gigantesques agences qui les mettent en rapport avec les marques et imposent plus ou moins leurs contenus. » C'est par exemple le cas de Bart Baker, un ancien youtubeur américain qui connaît une deuxième carrière en Chine. Mais cet influenceur est surtout réduit à jouer le jeu de la propagande nationale en chantant des tubes patriotiques traduits à la va-vite. « Le fait d’être en-dehors du pays me permet d’être beaucoup plus libre et m’évite aussi d’avoir à être confronté avec ma notoriété sur place. Je n’aimerais pas être un Norman en Chine ».

 

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David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.
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