Se battre et s'indigner sur les réseaux sociaux ne sert à rien ! C'est ce que nous démontre le philosophe Laurent de Sutter dans son livre Indignation Totale.
Si vous êtes un fervent utilisateur de Twitter ou de Facebook, il est fort à parier qu’il ne se passe pas une journée sans que vous assistiez à l'explosion d'un scandale ou d'une indignation généralisée. Greta Thunberg, Ligue du LoL, MeToo, Donald Trump ou la forêt amazonienne... tous les sujets deviennent matière à coup de gueule. Est-ce que la défense de grandes causes ou la critique de personnalités fait avancer le débat démocratique ? Le philosophe Laurent de Sutter n’est pas de cet avis.
Pourquoi aimons-nous nous indigner ?
Dans son livre Indignation Totale (aux Éditions de l'Observatoire), sorti en août 2019, Laurent de Sutter invite ses lecteurs à questionner les mécanismes de cette indignation permanente. Pourquoi sommes-nous prêts à nous scandaliser pour un oui ou pour un non dans les débats qui animent notre société ? Tout simplement parce que nous sommes victimes de rouages qui touchent notamment la construction de notre identité et la sensation d’appartenance à un groupe.
Lorsque l’on s’indigne, par exemple, contre les propos anti-Greta Thunberg tenus par Michel Onfray, Laurent Alexandre ou Alain Finkielkraut, il s’agit moins de défendre la cause de la militante suédoise que d’affirmer sa propre identité au travers d’un principe que l’on partage avec d’autres. L’indignation tend à disqualifier tout ce qui est étranger au groupe « d’indignés » auquel on appartient. Ceux qui ne sont pas d’accord avec nous ont forcément tort et aucun consensus n’est possible, et il n'est pas le but recherché. Rien à voir avec un débat d'idées ou l'envie de s'enrichir de la pensée de l'autre. Nous cherchons uniquement à prouver combien nous avons raison à tout prix et déployons des trésors d’argumentations et de théories pour le prouver.
L'indignation, une machine à diviser
Loin d’être conscients, ces mécanismes sont, d’après l’auteur, contenus dans notre logiciel de pensée qui est basé sur notre goût immodéré pour la critique et la raison. Dans le scandale, notre véritable motivation reste la jouissance de trouver les arguments qui font mouche, la démonstration efficace. On n'est évidemment pas là pour écouter la parole discordante, on est là pour la démonter. L'énergie déployée se met au service d'un seul objectif : nourrir le procès à charge.
L’indignation sur les réseaux entraîne automatiquement la constitution de camps qui s'opposent. On accuse (à tort ou à raison) le glyphosate de provoquer le cancer et aussitôt, des militants se réclamant de la science viendront s’opposer à cette opinion en indiquant que le produit est inoffensif selon les standards actuels. On défend les conclusions du GIEC ou l’action de Greta Thunberg et aussitôt on voit sortir du bois des critiques qui dénoncent un dogmatisme idéologique ou une déification de la jeune fille. On ne traite pas le fond du sujet, on se maintient juste à sa surface... quitte à desservir la cause.
Dans son livre, Laurent de Sutter utilise aussi l’exemple de MeToo et Balance ton porc qui dans la foulée, a donné naissance à la tribune des femmes qui « défendent le droit de se faire importuner dans la rue ». En d’autres termes, l’indignation produit automatiquement ce contre quoi elle se soulève et donne naissance à une succession de parties de ping-pong argumentatif interminables et sans issue. Chacun restant fermement campé sur ses positions premières.
Comment sortir de l'indignation constante ?
Plutôt que de participer à des indignations perpétuelles et vaines, Laurent de Sutter propose quelques pistes de réflexion. Pour le philosophe, il faudrait arrêter de s’identifier à des causes, aussi nobles soient-elles. Il s'agit-là de retrouver sa liberté de penser, et de refuser de se faire le soldat d'une pensée unique.
Il nous enjoint également à arrêter de vouloir avoir raison afin d'avoir accès à la complexité des savoirs plutôt qu'à la polarisation des opinions tranchées.
Enfin, le philosophe rappelle qu’il n’est pas nécessaire de se substituer à la justice lorsqu’on est confronté aux excès des échanges sur les réseaux, car rien ne nous oblige à participer aux déchaînements de la meute.
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