L’école, puis le monde professionnel, nous ont imposé un rythme quotidien universel. Tout le monde se réveille, mange et travaille à peu près aux mêmes horaires. Et c’est un vrai problème.
Soraya Khireddine est une entrepreneuse accomplie. Co-fondatrice de MinuteBuzz, elle a lancé sa société, un magazine, écrit un livre et se fixe 12 objectifs par an. Impressionnant. Quand on l’écoute, on a du mal à se dire qu’on pourrait en faire autant. Sa recette ? Écouter son corps pour trouver son rythme. « Les bouquins type Miracle Morning, non merci. J’ai trouvé le rythme qui me correspond. Je ne suis pas sûre qu’en me levant tous les matins à 5 heures comme Richard Branson, je serais plus efficace. Si je ne suis pas fatiguée, je vais travailler la nuit, quitte à rentrer dormir une heure pendant la journée si j’en ressens le besoin. » Il lui arrive de ne pas travailler en semaine, de ne pas mettre de réveil, ou de carburer tout un week-end. « Mes journées n’ont pas de format imposé. »
Ça paraît dingue, tant nos modes de travail traditionnels sont structurés, chronométrés, mesurés. Pour elle, c’est pourtant une évidence. « Tout le monde n’a pas le même rythme, le même fuseau horaire. Les gens doivent trouver les leurs. Sinon, ils risquent d’être jetlaggés. »
Ou pire : de devenir des terreurs. C’est en tout cas le résultat d’une étude menée par des chercheurs de différentes universités aux États-Unis, et le point de départ d’une requête très sérieuse formulée par la journaliste scientifique Linda Geddes : les entreprises doivent introduire une forme de « flexi-travail » pour que les différents chronotypes puissent s’y épanouir.
Nous sommes 40% à être des hiboux
Le chronotype, c’est ce qui définit la préférence d’une personne pour des activités matinales ou nocturnes, notamment l’heure du lever et du coucher. L’étude identifie deux groupes majeurs : les « alouettes » (ceux qui sont plus productifs en début de journée) et les « hiboux » (ceux qui, au contraire, préfèrent se lever tard et travailler tard).
Pas la peine de faire un dessin. On nous l’a répété (et imposé) depuis des générations : l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Ce ne sont pas les gourous 2.0 qui diront le contraire : les morning routines pullulent, et nous offrent une petite dose de culpabilisation au passage.
Cette doctrine est appliquée à la lettre par les entreprises et laisse peu de place aux hiboux – qui représentent pourtant 40% de la population. « C’est un problème », explique Linda Geddes dans les colonnes du Guardian. « Si votre boss est une alouette et que vous êtes un hibou, il risque de juger que vous êtes peu performant. Les managers-alouettes ont tendance à percevoir les salariés-hiboux qui arrivent plus tard le matin comme moins compétents. »
Se caler sur un chronotype qui n’est pas le sien rend méchant
Et ce n’est pas tout : en plus d’être mal perçu par le management, un chronotype « déphasé » va adopter des comportements jugés déviants par les chercheurs de l’étude. « Vous aurez tendance à adopter une attitude peu éthique, poursuit Linda Geddes. Vous pouvez devenir méchant, maltraiter vos collègues et même falsifier des documents. » C’est valable pour tout le monde : les hiboux si on les force à travailler tôt, les alouettes si on les force à travailler tard.
Adopter le flexi-travail
La solution pour Linda Geddes réside dans l’adoption du « flexi-travail ». Elle détaille le concept dans son livre, Chasing the sun. Selon elle, le flexi-travail permettrait de « booster la productivité sur le lieu de travail, et améliorer la santé et le bonheur des salariés ».
Dans certains pays, c’est culturel – aux États-Unis ou en Australie, le télétravail est entré dans les mœurs depuis une vingtaine d’années. Ailleurs, c’est carrément formalisé. Au Royaume-Uni, par exemple, il existe un « droit au flexi-travail » depuis 2014. Celui-ci favorise l’adaptation d’une organisation aux besoins des salariés. Pas besoin de justifier d’une condition familiale particulière : il suffit d'être en poste depuis au moins 6 mois et de demander à son employeur de travailler à distance, d’avoir des horaires plus souples ou de faire du temps partiel pour y accéder. Bien entendu, la société a le droit de refuser, mais il faut absolument justifier la décision – au risque de se retrouver devant les tribunaux.
Le modèle est tentant, mais difficile à adapter à toutes les entreprises et à tous les modèles. Pourtant, ce pourrait être la solution aux demandes des nouvelles générations, qui veulent allier la stabilité du CDI à des horaires flexibles.
En attendant de s’y mettre, on installe des salles de sieste ? Selon une étude Nextdoor et OpinionWay, de tels espaces sont jugés fondamentaux pour 52% des Français !
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je suis un hibou ... nyctalope faite pour le flexi
ce texte apaise mon estime de soi ... il suffirait qu on me donne les moyens de m'accomplir dans mon chronotype... donc
quelle belle révolution, plus sensée que les 37 ou 39 ou 48 h hebdomadaires ...