Ballon au nom de la marque L'Oreal aux couleurs LGBT+

Mois des fiertés : les ultra conservateurs attaquent les marques trop « woke » pour eux

© Instagram - L'Oréal

Défendre les droits de la communauté LGTBQA+ serait-il devenu une activité à haut risque pour les entreprises américaines ? Depuis le début du mois des fiertés, elles sont nombreuses à être victimes de boycott.

Quel est le point commun entre Budweiser, Target, The North Face, Lego ou encore M&Ms ? Toutes ont été victimes d’un violent boycott anti-LGBTQA+. Des attaques qui leur ont coûté des milliards de dollars en bourse. En toile de fond : une offensive conservatrice qui les accuse de vouloir imposer des valeurs progressistes.

Target victime d'une campagne de boycott LGBTphobes

À l'occasion du mois des fiertés, célébration internationale en faveur des droits LGBTQA+, la chaîne américaine de grands magasins Target a – comme à son habitude – décoré ses magasins aux couleurs arc-en-ciel. Résultats : vendeurs agressés, rayons saccagés, appel au boycott… Le rappeur Forgiato Blow a même dédié un morceau à la marque, Boycott Target, hissé en tête des titres les plus écoutés sur iTunes en quelques jours.

De son côté, Candace Owens, éditorialiste du média conservateur Daily Wire a appelé en direct au boycott de la chaîne : « N’achetez pas chez Target à moins d’être gay ou pervers. Target expose les enfants à cette idéologie néfaste, destinée à les faire prendre de mauvaises décisions, et qui finiront par leur ruiner la vie », a-t-elle lancé lors de son émission.

Une campagne de haine qui a contraint l'enseigne à retirer des rayons les articles les plus controversés. Parmi eux, les produits jugés « satanistes » de la marque Abprallen, qui travaille avec le designer transgenre Erik Carnell. Pour justifier sa décision, Target a indiqué vouloir protéger ses employés : « Depuis l'introduction de la collection de cette année, nous avons subi des menaces affectant le sentiment de sécurité et de bien-être des membres de notre équipe au travail. Compte tenu de ces circonstances, nous apportons des ajustements à nos plans, notamment en supprimant les éléments qui ont été au centre des comportements de confrontation les plus importants. » Une décision qui a provoqué la colère des groupes LGBTQ+ et de leurs soutiens qui ont accusé la marque de céder aux attaques et menaces des ultraconservateurs. Le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, allant même jusqu'à reprocher à Brian Cornell, directeur général de Target, de « sacrifier la communauté LGBT aux extrémistes ». « Réveille-toi, Amérique ! », s'est-il exclamé. Pendant ce temps, panique à Wall Street : la valorisation de Target est tombée à son plus bas niveau en trois ans, une perte évaluée à environ 10 milliards de dollars.

Un bad buzz organisé par le lobby réac

Pour le groupe brassicole belgo-brésilien Anheuser-Busch, c'est un partenariat avec Dylan Mulvaney, influenceuse trans star sur TikTok, tenant une canette de bière Bud Light, qui a allumé la mèche. Le chanteur Kid Rock a posté une vidéo dans laquelle il tire sur des canettes de bière Bud Light avec une arme semi-automatique. Le chanteur country Travis Tritt a déclaré qu'il interdirait la distribution de la marque lors de sa prochaine tournée. Des membres républicains du Congrès comme Marjorie Taylor Greene (proche de Donald Trump) et Dan Crenshaw ont également critiqué l'entreprise. Et bien que Brendan Whitworth, PDG d'Anheuser-Busch, ait publié une déclaration pour tenter d'apaiser les tensions ( « cette version de la canette était un cadeau unique qui n'était pas destiné à être commercialisé » ), la chute des ventes s'est propagée aux autres marques de l'entreprise Budweiser et Busch. Les actions d'Anheuser-Busch ont chuté de 15 % en deux mois, entraînant des pertes estimées à près de 15 milliards de dollars. Pour se réconcilier avec l'Amérique conservatrice, Anheuser-Busch a redoublé d'effort en publiant une nouvelle publicité (pour la bière Budweiser), montrant un cheval galopant dans la campagne américaine tandis qu'une voix off évoque les valeurs américaines de l'entreprise.

Un parfait exemple de la manière dont les marques soutiennent les causes sociales : sans vraiment y croire, selon Sergio García, directeur de la stratégie de l'agence de marketing PS21. « Si vous prenez vraiment position, lorsque vous êtes critiqué, vous devez renforcer cette position et dire que vous défendrez les personnes trans. En agissant comme si de rien n'était, vous énervez tout le monde et vous perdez votre crédibilité ».

Une offensive conservatrice contre le « wokisme »

Des appels au boycott témoignent d'une offensive conservatrice qui ne se limite pas au mois des fiertés, comme l'illustre le cas de la chaîne de restauration rapide Chick-fil-AIl. Jusqu'ici, l'entreprise était étiquetée conservatrice. En effet, elle indique sur son site que son objectif social est de « glorifier Dieu en étant un fidèle intendant de tout ce qui nous est confié et d'avoir un impact positif » et avait été vivement critiquée dans le passé pour avoir subventionné des groupes hostiles aux collectifs LGBTQ+. Aujourd’hui, la société est aussi la cible d'attaques à cause de la nomination d'un directeur diversité, équité et inclusion. « Nous avons un problème. Chick-fil-A vient d'embaucher un vice-président de la diversité, de l'équité et de l'inclusion. Cela ne va pas. Cela ne va pas du tout. Je ne veux pas avoir à boycotter. Allons-nous devoir boycotter ? », a tweeté Joey Mannarino, un commentateur conservateur influent. Il poursuit : « Ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils ne commencent à mettre du sperme transsexuel dans la limonade givrée. » Le tweet, relayé par Elon Musk, cumule plus de sept millions de vues.

Une guerre culturelle

Trois cas loin d'être anecdotiques qui reflètent l’état du débat aux États-Unis. Arnaud Leparmentier, correspondant du média Le Monde à New York, souligne : « Le réchauffement climatique menace la planète, la Russie attaque l’Ukraine, le conflit gronde avec la Chine, mais le sujet qui obsède l’Amérique, c’est le sort des personnes transgenres, point d’orgue de la bataille culturelle qui oppose conservateurs et woke. » Une bataille qui ne fait que commencer si on se fie aux déclarations du conservateur Matt Walsh (2,1 millions de followers sur Twitter) : « Le but est de rendre la "fierté" toxique pour les marques. S'ils décident de nous jeter ces ordures à la figure, ils doivent savoir qu'ils en paieront le prix. Cela ne vaudra pas ce qu'ils pensent gagner. D'abord Bud Light et maintenant Target. Notre campagne progresse. Continuons. »

Peggy Baron

Chaque jour je m'installe à la terrasse de l'actu et je regarde le monde en effervescence. J'écris aussi bien sur les cafards cyborg que sur le monde du travail, sans oublier l'environnement et les tendances conso.

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