
Conscients de l’urgence climatique et de la nécessité de changer leurs modes de vie, les Français plébiscitent une réorganisation en profondeur du modèle économique et politique. Explications.
Selon une étude de l'ADEME, les Français se montrent très préoccupés par le changement climatique, dont la cause anthropique n’est plus à démontrer (81 % estiment que le réchauffement de la planète est causé par les activités humaines). Ils reconnaissent toutefois être tiraillés entre des injonctions contradictoires. Pour accompagner leurs changements de modes de vie que la crise climatique impose, ils en appellent à des transformations sociétales, économiques et politiques.
Changer de mode de vie, une nécessité pour les Français
Si « la hausse des prix » est la préoccupation principale des Français (+ 30 pts par rapport à 2021), la menace climatique est devenue une réalité tangible : 51 % des personnes interrogées déclarent avoir subi « souvent ou parfois » les conséquences de désordres climatiques, soit 24 % de plus qu'en 2015. Convaincus à 72 % que « les conditions de vie deviendront extrêmement pénibles d’ici une cinquantaine d’années », ils sont 62 % à estimer qu' « il faudra modifier de façon importante nos modes de vie » pour répondre aux enjeux qui se profilent. Des changements qu'ils mettent déjà en application dans leur quotidien, puisque 53 % déclarent « consommer moins » , 67 % indiquent avoir « baissé la température de leur logement ou limité la climatisation » et 51 % ont réduit leur consommation de viande. Par ailleurs, 49 % affirment limiter leurs achats de produits neufs, 42 % privilégier la seconde main ou l’occasion, et 24 % préfèrent louer ou emprunter plutôt qu’acheter.
Un modèle de société moins consumériste
Dans leur volonté de transformation, les Français sont 83 % à plébisciter un changement de modèle économique « où la consommation prendrait moins de place » . Ainsi, 85 % considèrent que les entreprises et les marques incitent à la surconsommation, et 89 % que les publicités utilisent des techniques pour inciter à consommer toujours plus. Face à cette « pression consumériste », 20 % des répondants déclarent avoir du mal à résister aux incitations commerciales. En demande de régulation, 83 % des Français pensent qu’il faudrait interdire la publicité concernant les produits ayant un fort impact sur l’environnement et 82 % qu’il faudrait davantage communiquer sur les produits durables.
Toujours sur le volet de la consommation, afin de démocratiser l'accès aux offres responsables, 79 % des Français attendent des marques qu’elles leur proposent des produits équivalents (en goût, texture, efficacité…), mais plus responsables (produits écolabellisés, éthiques, locaux, moins polluants). Pour une majorité, consommer responsable n’est pas seulement consommer mieux, c’est aussi consommer moins. Ainsi, pour 60 % des personnes interrogées, consommer responsable, c’est « ne plus consommer de produits ou services superflus ou réduire sa consommation en général ».
Enfin, les Français expriment leur souhait d'en finir avec le mythe de la croissance à tout prix. Ils sont également en attente de davantage de justice sociale et d'égalité, et d'une meilleure répartition de l’effort entre tous. Dans cette perspective, ils sont 67 % à se dire prêts à accepter des changements importants dans leur mode de vie à condition que ces derniers soient partagés de façon juste entre tous les membres de la société, et qu’ils soient décidés collectivement (41 %).
Des acteurs publics et privés « moteurs » dans la lutte contre le réchauffement climatique
Pour mettre en œuvre la transformation, les Français attendent que les pouvoirs publics agissent et investissent davantage pour lutter contre le changement climatique. Ainsi, 84 % souhaitent que les mêmes moyens déployés contre le Covid le soient en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique, et 63 % que soient soutenues en priorité les activités qui préservent l’environnement, la santé et la cohésion sociale. Ils aspirent également à plus d’horizontalité dans les décisions politiques : 54 % des Français pensent qu’il faudrait davantage impliquer les citoyens dans les décisions qui concernent la collectivité, et 60 % estiment que la transition écologique constitue l’enjeu principal de la politique territoriale.
Et si les Français attendent que les acteurs publics et privés soient plus « moteurs » dans la lutte contre le réchauffement climatique, ils sont également prêts à accepter des mesures de politiques publiques fortes. Ainsi, 9 Français sur 10 se déclarent favorables à l’idée de « développer les énergies renouvelables » et 74 % à une « obligation pour les propriétaires de rénover et d’isoler les logements lors d’une vente ou une location ». « La taxation du transport aérien » voit également son degré d’acceptation croître, passant de 48 % en 2004 à 67 % en 2022. Enfin, si 51 % des Français estiment souhaitable d’augmenter la taxe carbone, cette proportion augmente à 72 % à condition que cela ne pénalise pas le pouvoir d’achat des ménages des classes moyennes et modestes, et que les recettes de la taxe soient utilisées pour financer des mesures de transition écologique.
Notons cependant que malgré le souhait d’un renforcement de l’action des pouvoirs publics, l’opinion est plus partagée concernant l’encadrement des actions individuelles. Ainsi, 46 % considèrent que les politiques publiques doivent limiter les comportements individuels « potentiellement nocifs pour l’environnement », alors qu’une proportion légèrement plus élevée (49 %) préconise la préservation des libertés individuelles, même si celles-ci vont à l’encontre de la protection de l’environnement.
Quel modèle de société plébiscitent les Français ?
L’Observatoire des perspectives utopiques (ObSoCo), crée avec le soutien de l'ADEME et de la BPI, permet d’explorer les représentations et les aspirations des Français et de dresser des pistes pour imaginer un modèle de société souhaité par le plus grand nombre. Au travers d'enquêtes, trois systèmes utopiques sont présentés aux Français (sans être nommés) sous la forme de propositions décrivant leurs différentes facettes : l’utopie écologique, l’utopie sécuritaire, l’utopie techno libérale.
Résultat ? Sur la base des réponses et de la moyenne des notes données à chacune des propositions décrivant les trois sociétés idéales, l’utopie écologique apparaît comme l’utopie préférée de 51 % des Français interrogés. Elle est suivie par l’utopie identitaire sécuritaire, avec 39 %. Loin derrière, l’utopie techno libérale ferme la marche avec 11 %.
Selon L’ObSoCo, des éléments propres aux trois utopies pourraient faire consensus au sein de la population et fonder un projet d’avenir fédérateur : l’adhésion au principe de liberté et de droits individuels, le désir de sécurité, l’appétence pour la proximité (à la fois par la relocalisation des activités économiques et par une consommation plus ancrée sur les territoires), le ralentissement des rythmes de vie, le « consommer moins mais mieux ».
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