Une fille et un garçon dans un appartement devant un sapin de Noël

Films de Noël : Internet passe au crible nos tropes préférés

© Holidate via Netflix

Les films de Noël, c'est comme une vieille paire de chaussons. Pas forcément qualitatif, mais délicieusement douillet et réconfortant.

Décembre est là et avec lui sa floraison de films de Noël sur Netflix. Les dernières en date : Falling for Christmas avec Lindsay Lohan et Christmas with you avec Freddie Prinze Jr. Vous ne les avez pas vus mais vous connaissez déjà la sauce : fêtes de famille qui tournent mal, quiproquos et retour dans la ville natale... Les romcoms de fin d'année regorgent d’archétypes, de clichés et de situations cousues de fil blanc que l'on aime voir inlassablement rejoués. Tout comme Internet, qui se plaît à baptiser, cataloguer et mettre en scène nos tropes favoris. Bienvenue dans un univers décoré de rouge, vert et doré, où crépite toujours un feu dans la cheminée, et où en dépit du réchauffement climatique, il continue indéfiniment de neiger. 

Woman in Refrigerator, Bury your Gays : c'est quoi un trope ?

Anglicisme utilisé sur les réseaux et dans l'industrie du divertissement, un trope désigne un archétype, un cliché, une convention de narration. Il peut caractériser une catégorie de personnages spécifiques, un type de retournement de situation ou n'importe quel ressort et dispositif propre à un genre, que l'on parle science-fiction, fantasy ou films de Noël. Comme l'explique le site TV Tropes qui recense ces dispositifs dans les films et séries télé, les tropes sont le moyen par lequel « une histoire se raconte par quiconque a une histoire à raconter. »

Quelques exemples de tropes célèbres : The Chosen One (pour « L'Élu », ex : Matrix, Harry Potter...), l'Insta-Love, (l'amour immédiat/coup de foudre) très présent dans la littérature dite Young Adult (ex : Twilight...), Bury Your Gays ( « enterrer vos gays », que l'on retrouve dans les slashers et films de zombie où les personnages queers meurent en premier), ou encore Woman in Refrigerator (pour « femme dans le frigo » ). Forgé en 1999 par la scénariste américaine Gail Simone, ce trope s'applique à tous ces comics et films qui ne passent pas le test de Bechdel... Il désigne les situations où l'assassinat et/ou viol d'une femme aimée (fille ou amante qui dans tous les cas ne bénéficie que de très peu de temps d'écran) initient la narration et lance le héros dans une spirale vengeresse (ex : Gladiator, Braveheart, Taken...). À noter : il est possible de retrouver la liste non exhaustive de ces femmes violentées sur le site du même nom. Attention, comme le souligne encore TV Trope, un trope se distingue d'un cliché : «[les tropes] peuvent être tout neufs mais paraître banals et éculés ; ils peuvent avoir des milliers d'années, mais sembler frais et nouveaux. Ils ne sont pas mauvais, ils ne sont pas bons. Les tropes sont des outils que le créateur d'une œuvre utilise pour exprimer ses idées à son public. Il est pratiquement impossible de créer une histoire sans trope. » À l'inverse, il est possible (voire recommandé) d'écrire une histoire sans clichés.

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Internet adore les tropes, nous aussi

De YouTube à Reddit en passant par TikTok et Discord, Internet adore décortiquer, déchiffrer et classer les tropes. Et surtout, décréter lesquels devraient être mis au ban de la pop culture (au hasard : Woman in Refrigerator). À titre d'exemple, la chaîne YouTube The Take épluche les différents archétypes de personnages et les analyse en profondeur, qu'il s'agisse de la girl next door (la fille d'à côté), de la cool girl ou encore du nice guy (le mec gentil).

Dans la même veine, l'autrice de fantasy américaine Jenna Moreci partage sur sa chaîne ses célèbres « top 10 » (les 10 pires tropes des histoires d'amour, les 10 pires profils de méchants...) et ses avis bien tranchés sur les archétypes qu'il est urgent de jeter à la poubelle. Celui qu'elle abhorre par-dessus tout : from Enemies-to-Lovers ( « d’ennemis à amants » ), très prégnant dans la littérature YA, qui raconte l'évolution d'une relation basculant du statut d'ennemi à celui d'amant. Pour elle, ce trope est à bannir, car toxique pour une audience jeune trop prompte à croire que si un homme essaie de vous assassiner, c'est qu'en fait il vous aime bien...

Sur TikTok, on rejoue carrément les tropes les plus populaires, notamment ceux des films de Noël. Quelques exemples de personnage récurrents : une journaliste très occupée qui n'a pas le temps pour les relations personnelles, un prince torturé qui tombe amoureux d'une institutrice ou d'une boulangère à la vie tranquille... Où retrouver ces délicieuses saynètes : sous le #cheesymovietropes (1,3 million de vues) et le #hallmarkchristmasmovies (48,1 millions de vues), en référence à la Hallmark Channel, chaîne télévisée américaine connue pour produire – comme à l'usine – des films de Noël bourrés de clichés. Et Reddit n'est pas en reste. Sur le r/HallmarkMovies, quelque 5 000 membres aiment à discuter comédies romantiques et films de Noël. Leurs tropes préférés ont d'ailleurs servi à établir un classement repris par la presse anglophone : en première position, les films où l’héroïne s'avère apparentée à la famille du Père Noël.

Top 5 des tropes des romcoms de Noël

Mais il en existe bien d'autres encore. Classement très subjectif de nos préférés résumés comme au vidéoclub du coin.

L'amour sous le sapin : célibataire endurcie, elle se fait harceler au téléphone par des parents qui ne valident pas son mode de vie débridé et/ou carriériste. Pour éviter les drames et les comparaisons avec le reste de sa fratrie, elle enrôle son meilleur ami (ou plan cul du moment) pour jouer le rôle de sa moitié le temps d'un séjour en famille. Entre deux verres de vin chaud et disputes se déroulant sur un porche enneigé décoré de guirlandes lumineuses, elle tombe amoureuse de son ami (c'était lui depuis le début) au son d'un Christmas Carol chanté par des retraités en pulls en laine. Ex : Holidate, Love Hard...

Ils rejouent un classique de la littérature : l'histoire reprend le scénario d'un monument de la littérature anglaise (Un chant de Noël, Orgueil et Préjugés — préférablement quelque chose écrit par Jane Austen) mais se déroule cette fois sous la neige de Chicago, avec des téléphones portables, de gigantesque latte Starbucks et des pulls en cachemire de bonne facture. Ex : Rasé...

Et en fait, c'est une princesse (ou n'importe qui en rapport avec la royauté) : une serveuse à Philadelphie reçoit une mystérieuse missive calligraphiée lui apprenant qu'elle est l'héritière du trône d'un minuscule pays (dont l'esthétique enneigée et Vieille Europe rappellent vaguement la Suisse ou la Bavière). À bord d'un jet privé (ou parfois d'un traîneau), elle rejoint en catastrophe son royaume pour faire barrage à un premier ministre cupide et malhonnête qui entend mettre la main sur les finances de la couronne. À coups de discours émouvants et de bals scintillants, l'héroïne lui met des bâtons dans les roues et en profite pour tomber amoureuse lors d'une partie de luge. Ex : La Princesse de Chicago 1, 2 et 3, A Christmas Prince, Un Noël royal...

L'héritière du Père Noël : alors qu'elle n'avait rien demandé à personne et menait une vie banale d'éditrice dans une prestigieuse maison new-yorkaise, elle se voit forcée de reprendre le flambeau de son père (le Père Noël) pour sauver les fêtes de fin d'année et rendre le monde meilleur. Ex : Noelle, La fille du Père Noël...

Le retour dans la ville natale : pour mener une enquête journalistique au sujet approximatif, une accro au boulot surmenée qui déteste Noël revient dans la petite ville où elle a grandi. Après avoir réalisé que son petit ami (un financier sans cœur qui œuvre pour le compte d'une entreprise maléfique type Total ou Google) la trompe, elle redécouvre les joies simples de la vie, ouvre une pâtisserie loin du tumulte de New York, et rencontre l'amour (un ami d'enfance oublié qui travaille à la quincaillerie du coin ou un bucheron à la dégaine de barista. Il portera invariablement une veste sans manches sur une chemise à carreaux). Ex : Un Noël à la maison...

Bingo de Noël à pratiquer avec des shots d'Eggnog

Invitez quelques amis, préparez un litre d'Eggnog et lancez le film de Noël. Buvez à chaque fois que vous entendrez les phrases suivantes (en général dans cet ordre) :

« Nous allons avoir besoin d'un véritable miracle pour sauver Noël ! »

« Je ne capte pas le Wifi avec toute cette neige. On est loin de Manhattan ? »

« Noël n'est qu'une fête consumériste inventée par le capitalisme, ce sera sans moi. »

« Josh, je te jure, je ne voulais pas te mentir, c'est pour mon article que j'ai fait semblant de détester Noël et la vie dans une petite ville ! »

« Rendez-vous à minuit au belvédère. »

Laure Coromines

Laure Coromines

Je parle des choses que les gens font sur Internet et dans la vraie vie. Fan de mumblecore movies, de jolies montagnes et de lolcats.
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