Les internautes passent leur temps à s’indigner puis à oublier l’objet de l’indignation. Heureusement, un internaute est là pour le leur rappeler.
À mi-chemin entre l’œuvre d’art, le témoignage de notre folie collective sur les réseaux et une démonstration grinçante, le tableau des indignations d’ernst burgler est devenu un rendez-vous incontournable à chaque début d’année. Démarré en 2016, ce tableau Excel contient toutes les indignations qui ont secoué Twitter pendant un an.
Voilà le récapitulatif 2019 dequoisindignetonaujourdhui.xlsx. Avec en bonus track l’indignation du 1er janvier 2020. pic.twitter.com/oHJzYTrvgc
— ernst burgler (@Hernstburgler) January 2, 2020
Pour ce cru 2019, on se rappelle avec émotion de la fois où Franck Ribéry avait mangé une côte de bœuf recouverte d’or, les propos antisémites à l’encontre d’Alain Finkielkraut, Emmanuel Macron qui souhaite « une certaine forme de sagesse » à une septuagénaire blessée lors d’une manifestation, la fin de vie de Vincent Lambert, les jeunes qui s’évanouissent pendant le Service National Universel ou bien encore le rap gênant de Christophe Barbier et les insultes sexistes à l’encontre de Greta Thunberg.
Est-ce que ce monde est sérieux ?
Pourquoi vouloir absolument garder une trace de ces bad buzz souvent puérils ? Pour ernst burgler, l’objectif du tableau est de montrer à quel point Twitter est devenu une sorte de bureau des plaintes d'Internet. « Quand j’ai commencé ce recensement, cela faisait quelques années que je voyais de nombreuses polémiques qui étaient très rapidement oubliées et remplacées par autre chose de tout aussi "révoltant", explique-t-il. J’avais également l’impression que les indignations avaient pris le pas sur ce qui faisait de Twitter un espace que je trouvais alors plus drôle qu’autre chose. J’avais donc l’idée de garder une trace et de prendre du recul sur les sujets qui avaient alimenté les journées de ma timeline. »
Ce twittos qui souhaite garder l'anonymat précise toutefois que sa sélection est totalement subjective et dépend en grande partie de ses abonnements. Il note toutefois des points communs parmi les éléments déclencheurs. « Les indignations répondent souvent à un même mécanisme. La petite phrase du politique qui souhaite attirer les projecteurs ou le comportement hors cadre d’une autre personnalité va très rapidement générer des flux de commentaires et d’ironie, de transposition, de détournement de photos. »
Arrêtez de vous indigner !
On peut aussi se demander si l’exercice n’est pas un peu déprimant sur le long terme. Après tout, l’exposition aux procès médiatiques, aux chasses à l’homme numériques et aux clashs stériles peuvent porter un coup au moral. Mais ernst burgler ne semble pas touché par cette fatigue. « Je suis tout à fait d’accord pour dire que cette démarche est "débile" et je reçois parfois des commentaires en ce sens. En revanche ce n’est pas déprimant. C’est plutôt amusant, car avec le recul, je suis toujours surpris de voir l’importance prise par une petite phrase ou par la campagne publicitaire qui a tapé au très mauvais endroit. »
Finalement c’est peut-être ça qui nous manque sur les réseaux sociaux : un peu de recul (et de bon sens) pour nous éviter de foncer tête baissée sur la moindre polémique.
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