
Tout le monde l'a dit, répété, s'est alerté : les écrans mettent en danger les enfants. Mais de nouvelles études montrent que c'est surtout le manque de contrôle parental qui pourrait être en cause.
Que ça soit sur France Inter ou dans le journal Le Monde, Michel Desmurget, neuroscientifique, est partout. L'auteur de La Fabrique du crétin digital prévient à longueur d'interview du danger de la surexposition des enfants devant les écrans.
Michel Desmurget : "Le temps que passent les enfants devant les écrans est hors norme, extravagant. Des enfants de trois ans passent 3h par jour devant des écrans. C'est un problème de santé publique". #le79Inter pic.twitter.com/oTSRGN7Hlj
— France Inter (@franceinter) October 25, 2019
Alors que son point de vue est largement partagé, plusieurs chercheurs veulent mettre en avant un constat plus nuancé.
Les écrans, pas si néfastes que ça ?
C'est notamment l'avis de Séverine Erhel, maîtresse de conférence en psychologie cognitive à Rennes 2, qui remet régulièrement le sujet en perspective sur Twitter. Pour elle, le problème ne vient pas vraiment des écrans, ni du temps passé devant. Le vrai souci, ce sont les activités exercées, et le manque d'accompagnement des parents.
3- Oui, si vous laissez votre enfant de moins de 6 ans plusieurs heures par jour devant les écrans, ce n’est pas bon pour son développement, c’est autant de temps où il ne jouera pas, il n’interagira avec autrui, n’apprendra pas.
— Séverine Erhel (@Sev_Erhel) September 11, 2019
Elle rappelle notamment que les enfants de moins de 6 ans livrés à eux mêmes plus de 3h sur une tablette présentent des troubles du développement pour la simple et bonne raison que les parents ne s'occupent pas d'eux. Contrairement à ce que propose Michel Desmurget, la chercheuse ne veut pas opposer l'usage d'un écran et les échanges avec des humains. La diversification des activités et l'usage culturel ou éducatif des écrans seraient au contraire bénéfiques aux enfants.
Mais alors faut-il limiter le temps d'écrans ou bien laisser l'enfant choisir ? Dans une interview donnée à l'Express, la chercheuse précise sa pensée et met en avant un temps d'utilisation raisonné. « C'est un usage qui n'a pas de conséquence négative sur la vie quotidienne, explique-t-elle. Pour les enfants, qui sont souvent incapables de s'auto-réguler, il est important d'opérer un cadrage, en lui disant par exemple : nous allons regarder un dessin animé d'une heure ou deux ensemble, puis nous ferons autre chose : un puzzle, un dessin, un tour dehors. » En bref, il n'y a pas de recette miracle à ce problème mais plutôt une vigilance accrue.
Elle rappelle aussi qu'il ne faut pas laisser les algorithmes de YouTube choisir à la place d'un adulte le contenu regardé par l'enfant. « Quand je vois que cette plateforme peut suggérer aux enfants de regarder des vidéos d'autres enfants déballant des jouets, c'est une véritable problématique, indique-t-elle. Il s'agit de "mauvais" contenus qui n'apportent rien, et d'une publicité déguisée. »
Le vrai problème ? La captologie
Parmi les clichés les plus fréquents, Séverine Erhel dénonce aussi le rapport qu'il existerait entre le temps passé devant un écran et la dépression ou le mal-être des jeunes. Pour la chercheuse, plusieurs études montrent que ce lien n'est pas avéré et pourrait même être inversé.
Quand on regarde les dernières études/meta-analyses plus rigoureuses, on n'observe que des liens très faibles : l’usage des écrans explique pour 0,4 % la dépression soit autant que le fait de manger des pommes de terre https://t.co/d5wRzAdhoj…,
— Séverine Erhel (@Sev_Erhel) October 24, 2019
Elle explique qu'un usage modéré des écrans pourrait même avoir un impact positif sur le bien-être mental. Les enfants qui utilisent les écrans auraient aussi un niveau de langage plus élevé que les autres. Dans la continuité de cette réflexion, Séverine Erhel défend l'usage du numérique à l'école, à la condition que l'enseignant soit suffisamment bien formé.
Elle prévient toutefois que le danger des écrans n'est pas forcément là où nous l'attendons. Alors que l'on se concentre sur le temps d'exposition des enfants, on a vite tendance à oublier les techniques de captologie qui sont utilisées par les designers d'applications, de sites web ou de jeux vidéo. Les dangers qui viennent des écrans seraient les mêmes pour les adultes et les enfants.
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