Meta, Snap, ByteDance et Google font face à une vague de procès les accusant de nuire consciemment à la santé mentale des jeunes.
Accusés de sciemment porter préjudice à la santé mentale des jeunes, aussi bien au niveau du contenu que dans la conception des produits, les réseaux sociaux font face à une vague de poursuites. En ligne de mire ? Leur modèle en quête de dépendance pour des raisons économiques. « À ce rythme, il semble que les réseaux sociaux feront l'objet de poursuites dans tous les États du pays », a déclaré Jim Steyer, président de Common Sense Media, une ONG qui évalue l'impact de la technologie et des médias sur les enfants.
Californie : un recours collectif déposé contre les plateformes
Dans l'Utah, une jeune fille de 16 ans obsédée par son physique après être devenue accro à Instagram, développe des troubles anorexiques et boulimiques. Dans le Michigan, un garçon de 9 ans addict aux vidéos YouTube, TikTok et Snapchat finit par télécharger une photo de lui nu qui devient virale. Dans le Connecticut, une fillette de 11 ans, accro à Instagram et Snapchat, sombre dans la dépression et se suicide. Ces cas extrêmes, rapportés par Bloomberg, font partie des centaines de poursuites intentées contre les réseaux sociaux ces derniers mois. Deux cents d'entre eux se sont regroupés dans un recours collectif. Déposé dans le district nord de Californie en mars, il accuse Meta (pour Facebook et Instagram), Snap (pour Snapchat), ByteDance (la société propriétaire de TikTok) et Google (pour YouTube) de nuire gravement à la santé mentale des jeunes Américains.
Si les quatre plateformes visées assurent avoir pris des mesures renforçant le contrôle du contenu, Joseph VanZandt, coordinateur juridique du recours collectif, estime que les problèmes vont bien au-delà. Interrogé par EL PAÍS, il explique : « Tout, de la manière dont les vidéos et les publications sont affichées et organisées, à la conception et au placement des boutons, est conçu pour favoriser la dépendance et inciter les utilisateurs à revenir encore et encore sur la plateforme. »
Une vague de procès virale
La Californie n'est pas le seul état concerné par ces plaintes. En janvier 2023, les écoles publiques de Seattle ont poursuivi TikTok, Facebook, Instagram, YouTube et Snapchat. C'était la première fois qu'une institution publique intentait une action en justice contre les réseaux sociaux. Après Seattle viennent le New Jersey, la Floride ou encore la Pennsylvanie. Des procédures similaires ont également été engagées par les procureurs généraux de l'Indiana ou de l'Arkansas. « Nous voulons que ces entreprises soient tenues responsables de leurs actions et des dommages qu'elles causent. Non seulement aux étudiants, mais aussi aux écoles publiques de Seattle, qui doivent supporter le fardeau opérationnel et les coûts croissants attribuables à cette crise de santé mentale », a déclaré Greg C. Narver, chef du service juridique de l'établissement d'enseignement, à EL PAÍS.
Le recours collectif citent des dizaines d'articles scientifiques qui accréditent la relation entre l'utilisation intensive des réseaux sociaux et certains troubles mentaux, comme l'anxiété, la dépression, l'insomnie, les troubles alimentaires, le cyber-harcèlement, l'automutilation et le suicide. Face à cette épidémie, l'état de l'Utah a imposé l'accord parental pour s'inscrire sur les réseaux sociaux. Il prévoit aussi une limitation des informations personnelles collectées sur les utilisateurs mineurs et l'instauration par défaut d'un « couvre-feu » empêchant les connexions de 22h30 à 6h30 (sauf si un parent modifie ces paramètres).
Prouver le lien entre les réseaux sociaux et les troubles mentaux, un processus complexe
La question reste de savoir si ces procès aboutiront à une condamnation des plateformes numériques ou à une obligation de régulation. L'article 230 du Communications Decency Act de 1996 exonère les entreprises technologiques (à quelques exceptions près) de toute responsabilité pour les contenus publiés sur elles par un tiers. « Le plaignant devra prouver qu'il existe un lien entre les fonctionnalités de la plateforme, les activités qu'elles permettent et les atteintes à la santé mentale des jeunes. Je ne pense pas que ce sera facile à prouver », estime Rodrigo Cetina, professeur de droit à la Barcelona School of Management. La Cour suprême estimera-t-elle que les plateformes peuvent se prévaloir de l'article 230 ? En cas de refus, Joseph Vanzandt reste confiant : « Nous allons au-delà du contenu : nous soutenons que, comme les machines à sous, les réseaux sociaux sont conçus pour être addictifs. Et que cela entraîne une série de méfaits dont leurs créateurs sont conscients. »
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