Deux jeunes en couple regardent leurs téléphones

Instagram et santé mentale : faudrait-il se mettre au régime des images ?

© fizkes via Getty Images

Le taux d’anxiété et de dépression chez les jeunes générations a augmenté de 70% ces 25 dernières années. Aussi inspirantes que nocives, les images dont nous sommes abreuvés en ligne n’arrangeraient rien au phénomène. Un enjeu décrypté aux Cannes Lions 2019.

« Comment expliquer que le compte Instagram de Kim Kardashian ait 70 fois plus de followers que celui du Louvre ? », s’interrogeait Marine Tanguy sur la scène TEDxLausanne en 2018.

Fondatrice de l’agence de talents artistiques MTArt, elle représente des artistes qui inspirent le grand public à défaut des grands collectionneurs d’art. Inquiète face aux images narcissiques et hyper-sexualisées qui déferlent sur la plateforme, elle émet l’hypothèse que ces images sont un danger pour notre santé mentale, en particulier pour celle des jeunes adultes. Pire, elles seraient équivalentes à des photos de junk food et auraient le même effet sur notre bien-être : plus on en voit, moins bien on se porte.

 
 
 
 
 
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Imaginez que je sois une jeune fille de 16 ans. Qu’est-ce que cela me dirait ? Cela me dirait que mon corps a plus de valeur que tout ce que je peux dire, plus de valeur que les résultats de mes examens. Cela veut dire que je mettrais plus de photos de mon corps pour que l’on s’intéresse à mon profil - Marine Tanguy

Selon la Royal Society for Public Health, les taux de dépression et d’anxiété ont en effet augmenté de 70% ces 25 dernières années. Toutefois, les recherches de Marine Tanguy la conduisent à un constat plus positif : 84% des personnes qui ont été quotidiennement exposées à des contenus visuels constructifs ont vu leur bien-être augmenter. « La mauvaise nouvelle, finit-elle par décréter, c’est qu’on ne peut pas jeter la pierre à Kim Kardashian pour des choix que nous faisons nous-mêmes ». Ce qu’elle préconise ? Un « régime visuel » drastique.

« Visual Diet » : dis-moi ce que tu regardes, je te dirai qui tu es

Aux côtés de l’agence de pub M&C Saatchi et du photographe Rankin, cofondateur du magazine Dazed & Confused, elle lance l’initiative « Visual Diet », un projet de sensibilisation artistique visant à alerter sur les dangers du phénomène. Finis les selfies, les #beachbodyready et les bikinis. On unfollow les comptes que l’on juge toxiques et on s’abonne à des gens, des artistes par exemple, qui arrêtent de se regarder le nombril. Ça paraît logique oui, mais pas pour tout le monde, en particulier pour les plus jeunes. Au festival des Cannes Lions, les marques sont d'ailleurs invitées à télécharger les 10 commandements du projet pour leurs prochains castings. En voici un extrait :

  • Tu choisiras des talents : de tous genres ou non-binaires, de tous âges, de différents types de peau, mensurations et ethnies, avec ou sans handicap.
  • Le maquillage et les retouches doivent être authentiques et représentatifs. Artistes, équipes de retouche et de post-production sont « visuellement » responsables.
  • Les talents ne doivent pas causer de préjudices mais chercher à inspirer visuellement – en proposant des contenus constructifs et nourrissants.

Les créateurs contre la « gamification » de la beauté sur les réseaux

« Instagram, spots TV, affiches publicitaires, violences aux infos… Que vous le vouliez ou non, les images que vous voyez ont un impact sur votre bien-être et votre santé mentale, martèle Mimi Gray, Head of visual content chez M&C Saatchi. Si nous sommes ce que nous mangeons, nous sommes aussi ce que nous voyons. C’est ce que nous essayons de faire comprendre aux gens ». Dans ce contexte, artistes, influenceurs et créateurs de contenus auraient aussi leur rôle à jouer – en contrôlant l’imagerie qu’ils donnent à voir mais aussi en nous sensibilisant à la cause.

 
 
 
 
 
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Célèbre pour ses clichés de mode, le photographe Rankin a rejoint la cause pour lutter contre la « gamification » de la beauté sur les réseaux. Avec la série « Selfie Harm », il s’attaque aux filtres Snapchat et à leur impact psychologique sur les adolescents. Son expérience sociologique l’amène à photographier une quinzaine de jeunes auxquels il propose de retoucher leur portrait pour le poster sur les réseaux. « J’ai trouvé triste de voir que la plupart se préféraient après avoir été retouchés, explique-t-il. Aujourd’hui, les enfants sont hyper-sexualisés. En plus de cela, ils ont accès à des outils de retouche qui leur permettent de se transformer à l’envie : leur nez, leur peau, leurs cheveux, leurs yeux… C’est presque devenu un jeu et personne n’en parle », se désole l’artiste. « Aujourd’hui, ce qu’on like, ce sont des jeunes garçons de 16 ans avec un six-pack. Et ne vous méprenez pas, j’ai pris ce genre de photo par le passé », admet-il amèrement.

Alors, que peut-on faire concrètement ? Faire la guerre à la pub et aux influenceurs ? Non. Mais sélectionner ses collaborations et privilégier un contenu artistique au détriment d’une paire de fesses serait déjà un bon début !

Télécharger les instructions du projet Visual Diet

Margaux Dussert

Diplômée en marketing et publicité à l’ISCOM après une Hypokhâgne, Margaux Dussert a rejoint L’ADN en 2017. Elle est en charge des sujets liés à la culture et la créativité.
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