Aux États-Unis, un procès contre Amazon prend de l'ampleur alors que des familles accusent la plateforme de vendre des « kits de suicide ».
Après une première action en justice intentée en février 2022 suite au décès d'un homme ayant acheté un puissant produit chimique sur Amazon afin de se suicider, le géant de l’e-commerce est à nouveau pointé du doigt par la justice. Les faits qui lui sont reprochés ? Avoir vendu à deux adolescents un « kit de suicide ».
Face au mastodonte, l'avocate Carrie Goldberg qui représente les familles des victimes a décidé de médiatiser l'affaire : « Pendant des mois, nous avons évité d'attirer l'attention de la presse sur cette affaire. Mais nous avons atteint un point de rupture... ».
Des produits vendus par Amazon mis en cause dans la mort d’adolescents
Les parents de Kristine Jónsson (16 ans) et d'Ethan McCarthy (17 ans) accusent le géant Amazon d'avoir vendu à leurs enfants du nitrite de sodium (un conservateur alimentaire). Un produit mortel lorsqu'il est ingéré sous une forme pure et que les deux adolescents ont consommé pour se suicider.
Faisant fi des plaintes, les avocats du géant américain ont déclaré que : « la plateforme continuera à vendre le produit chimique car elle ne pouvait être tenue responsable de la décision de certains consommateurs d'utiliser le produit pour se suicider ». Les déclarations du porte-parole d'Amazon — qui a adressé ses « sincères condoléances » aux familles des victimes — vont dans le même sens : « Le nitrite de sodium est un produit légal et largement disponible proposé par les détaillants pour conserver les aliments, tels que la viande et le poisson, et pour une utilisation dans les laboratoires comme réactif. Le nitrite de sodium n'est pas destiné à la consommation et, malheureusement, comme de nombreux produits, il peut être utilisé à mauvais escient. »
Des arguments réfutés par l'avocate Carrie Goldberg qui précise que la concentration du nitrite de sodium dans les produits incriminés est proche de 100 % (entre 98 et 99 %). Un dosage largement supérieur à celui utilisé pour la conservation des aliments.
L'algorithme de recommandation d'Amazon constitue un facteur aggravant
Au-delà de la question du dosage, ce sont les recommandations associées au produit qui constituent un facteur aggravant. La plainte déposée devant le tribunal de l'État de Californie en septembre affirme qu'Amazon a suggéré aux deux adolescents via son algorithme l'achat d'une balance destinée à mesurer une dose létale, ainsi qu'un médicament anti-vomissements et un manuel sur le suicide. En effet, The Peaceful Pill eHandbook comporte un chapitre entier sur la « manière de mourir » grâce au nitrite de sodium. Pour l'avocat et les familles, le combo de ces produits constituent bel et bien un véritable « kit de suicide. »
Dans un long fil Twitter, Carrie Goldberg n'a pas hésité à qualifier Amazon de « tueur en série ».
Interpellé, Amazon refuse de collaborer
En décembre 2021, une enquête du New York Times dévoilant l'existence d'un forum dédié aux discussions à propos du suicide (où les membres échangeaient des « conseils » et parfois encouragements à se donner la mort) avait conduit à la création d'une commission bipartite au congrès des États-Unis. Entendues et averties par la commission, d'autres plateformes de commerce en ligne comme eBay et Etsy avaient décidé d'interdire la vente de nitrite de sodium. Le géant Amazon a, quant à lui, refusé de répondre aux questions, et a pris la décision de continuer à commercialiser le produit.
Une décision regrettable selon Lori Trahan, représentante démocrate membre de la commission, qui a déclaré : « Amazon avait l'opportunité de collaborer avec nous sur ce problème qui met tragiquement fin à la vie de personnes à travers toute la nation, mais ils ont refusé de répondre à beaucoup de nos questions les plus cruciales. »
Amazon essaie d'étouffer l'affaire
Face à l'inaction de la plateforme, Carrie Goldberg note que « la décision d'Amazon de continuer à vendre un produit suicidaire n'est pas due à l'ignorance ou à l'oubli, mais a une décision délibérée et réfléchie ». Alors que l'avocate décide de médiatiser l'affaire en accordant en exclusivité l'accès aux éléments du dossier à l'émission 60 minutes de CBS, le reportage ne sera finalement jamais diffusé par la chaîne. Cette dernière avait alors indiqué redouter que l'émission ne « conduise à plus de suicides ».
Un motif rejeté par le cabinet d'avocat (la chaîne ayant déjà réalisé des reportages sur la question du suicide) qui y voit une tentative de pression financière d'Amazon, partenaire publicitaire de la chaîne. Regrettant les liens de certains médias avec Amazon, Carrie Goldberg a décidé de s'exprimer sur son compte Twitter.
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