Pas de réunion sans Stabilo fluos, de brainstorming sans jeux de rôle, de team building sans dessins... Est-ce que le bureau ne serait pas devenu une cour de récré pour adultes ?
Scène ordinaire vécue en séminaire : vous arrivez dans votre chambre d’hôtel, et, en guise d’accueil, vous trouvez... un bocal rempli de bonbecs. À ce sujet, le cri du cœur de l’essayiste Nicolas Bouzou est sans appel. « Donnez-moi une bière ou des préservatifs ! Ça fait longtemps que je ne mange plus de bonbons ! ». Lors de la présentation de son livre La Comédie (in)humaine sur la scène de l’USI Connect, il regrettait aux côtés de sa co-autrice Julia de Funès l’infantilisation des salariés. Et on ne peut que le constater avec lui. À coups de post-it colorés et de jeux de rôle, les réunions et autres brainstormings ressemblent parfois à des cours de récré.
Le culte de la jeunesse
« Pourquoi grandir ? » s’interroge la philosophe américaine Susan Neiman. Dans son ouvrage, elle constate que quel que soit l’âge, plus personne ne veut être adulte aujourd’hui. On s’attache à l’enfance comme on peut – en continuant à faire du skateboard ou en squattant le sous-sol de ses parents. C’est caricatural, mais c’est assez général : le jeunisme, initié dès le 18e siècle par Jean-Jacques Rousseau himself, se porte (un peu trop) bien.
Au bureau aussi, on pense que ce qui est jeune est cool. On use (et abuse) des codes associés à l’enfance pour dédramatiser. C’est censé faciliter la participation, fluidifier les échanges, et favoriser la créativité. Quand c’est bullshit, ça crée des réactions épidermiques comme celle de Nicolas Bouzou. Mais d’autres y voient de réelles opportunités pour les entreprises.
Question d’éducation
Quand on est un enfant, on n’a pas d’autres choix que d’accepter les règles imposées. C’est vrai dans le cercle familial, mais aussi en-dehors. « L’école a tendance à formater, à répéter des schémas », constate à ce sujet Stéphanie Ampart, fairy activist chez thecamp.
En parallèle, on donne peu de crédit aux activités créatives, rappelle Laëtitia Vitaud, experte des nouveaux modes de travail. « On abandonne le dessin ou la musique très tôt, on méprise un peu le jeu. » Le problème est profondément attaché au modèle français, où l’on doit se spécialiser jeune dans des disciplines fermées. « Dans les pays anglo-saxons, tu peux étudier la philosophie et l’économie, la photo et le marketing, le théâtre et l’histoire. Et ce n’est pas ça qui t’empêchera de travailler dans une banque d’affaires, analyse-t-elle. En France, il y a un fort adéquationisme : pour travailler en banque d’affaires, il faut d’abord obtenir un BAC S puis faire des études de maths. » Tout ce qui relève de la créativité n’est pas vu comme étant « utile » à un métier… et donc tout de suite associé à l’enfance.
Créer un cadre
« À l’école puis en entreprise, on t’apprend à respecter la hiérarchie, l’ordre établi, à ne pas sortir du rang, constate Rémi Sabouraud, co-designer en créativité chez Goûts d’Idées. Et puis d’un coup, tu arrives en réunion et on te dit : "vas-y, lâche-toi ! Sois créatif ! " Ça ne peut pas fonctionner. » En ce sens, il est important de créer des conditions propices à la créativité. Ça peut complètement tomber à côté, mais ça peut aussi sauver une société. « Ce sont les rituels et le cadre associés au moment qui vont poser la question de l’infantilisation, précise Laëtitia Vitaud. Il faut se réinventer en entreprise, et les outils de création sont multiples. Non, les feutres ne sont pas que pour les bébés – ce sont les consignes et les objectifs donnés qui peuvent l’être. Et dans ce cas, oui, l’employé peut avoir le sentiment d’être traité comme un enfant. »
Stop aux one shots
Laëtitia Vitaud voudrait que certaines techniques créatives – comme le storyboarding ou le mindmapping qui ont notamment fait le succès de sociétés comme Pixar – soient généralisées dans les entreprises. « Proposer à ses employés de faire un storyboard pour résoudre un problème, si ça n’est que 2h une fois dans l’année, ça ne donne aucun résultat – et effectivement, ça peut être vécu comme une petite récré, et donc une perte de temps. Il faudrait que ces techniques infusent dans toutes les méthodes de travail, et même au niveau du recrutement. Avoir quelqu’un dans une équipe qui a cet état d’esprit et utilise ces méthodes de manière systématique, ça ancre la créativité dans le concret. »
Et si ça permet de trouver des solutions business, tout de suite, on n’est plus dans un truc de bébé.
Bonjour, votre article développe un point de vue intéressant. Mais à mon goût bien trop réducteur pour que le travaille journalistique puisse être optimal. A aucun moment la parole n'est donnée à ceux qui sont adeptes voir même organise des des Team Building comme nous pouvons le faire chez http://www.zen-orga.fr
Notre activité ne se revendique pas comme le summum du bien être en entreprise. Nous pensons qu'en surprenant les participants, on leur proposant de participer à une activité complètement originale, ils pourront, en équipe, former des souvenirs communs agréables. Et quand un commercial et un comptables (pour être caricatural) ont des souvenirs communes agréables, les relations internes dans l'entreprise ne pourront que s'en trouver fluidifiées et donc bonifiées dans le quotidien du business. N'hésitez pas si à me contacter si vous souhaitez échanger sur le sujet à l'occasion d'un prochain papier.
Bonjour Mélanie,
Article bien vu ! Je partage aussi l'idée qu'une démarche créative doit être pratiquée régulièrement. J'ai toujours obtenu de meilleurs résultats avec des équipes qui ont l'habitude de ces séances. Ça roule mieux, c'est plus efficace.
En ce qui concerne les bonbons, je trouve ça plutôt bien d'en distribuer. Ça détend l'atmosphère. Ceci dit, je me demande si le fait d'ingérer du sucre n'aurait pas un intérêt pour la productivité cérébrale. Il faudrait poser la question à un toubib ... 🙂
A bientôt,
Laurent Cachalou du blog Innover-Malin
Merci Mélanie, j'adhère effectivement à ce qu'une transformation des pratiques de travail soit permanente pour susciter la créativité et permettre plus d'échanges au sein d'une équipe.
J'ai pu mettre en place avec mes clients (je suis consultant intégrateur de progiciel) des expériences similaires qui avaient pour but de fédérer, d'innover et d'accompagner le changement : bac à sable, en finir avec la peur de l'échec et développer une culture positive quand on se trompe (là aussi il faudrait modifier notre vision française inculquée durant l'enfance !)
A bientôt,
David
Je partage l'analyse de Nicolas : l'article aborde un point de vue intéressant, mais à mon avis bien trop réducteur. De plus , je reste sur ma faim concernant l'objectif que veut atteindre ou le message que Mélanie veut faire passer. Un éclaircissement est le bienvenu en réponse à mon commentaire.