« Buy now, pay later » ! Au Royaume-Uni, 30% des consommateurs auraient eu recours à ce mode de paiement en plusieurs fois. Mais le BNPL est de plus en plus souvent utilisé pour les produits de première nécessité.
C’est l’histoire de Josh Roberts, un Américain trentenaire qui travaille dans le secteur de la tech. Josh, raconte le New York Times, ne gagne pas correctement sa vie, et a démarré - comme beaucoup d’Américains - avec un prêt étudiant à rembourser et une pile de factures pour des soins médicaux. Sa solution pour pourvoir à ses besoins ? Un moyen de paiement alternatif, non soumis à la réglementation sur le crédit à la consommation, et dont la fintech suédoise Klarna est le plus illustre champion : le paiement fractionné et différé. Cette méthode est plus connue sous le sobriquet inoffensif de « Buy now, Pay later » . Les esprits chagrins l'ont rebaptisé « Buy Now, Panic Later » . C'est que notre homme a recours à cette forme de crédit à la conso qui ne dit pas son nom… pour acheter des denrées alimentaires. Rapidement, poursuit la journaliste, Josh Roberts accumule les dettes. Il doit 1 000 dollars à Klarna et a quelques 100 dollars de pénalités de retard. L’utilisation du « Buy Now, Pay later » est longtemps restée cantonnée à l’achat de vêtements ou d’activités de loisirs. Le paiement fractionné touche désormais les biens de nécessité…
Un gâteau à 120 milliards de dollars… et une pizza réglable en plusieurs fois
Ces applications sont extrêmement bien conçues et surtout, pensées pour être téléchargées dans la file d’attente. Quelques minutes suffisent pour que l’utilisateur dispose d’une carte virtuelle et d’une ligne de crédit. Les startups se rémunèrent avec une commission versée par le commerçant pour chaque achat effectué (de l’ordre de 1,5% à 7%). Rapidement, ces pratiques ont contaminé les marchés sud-coréens, australiens, britanniques, et sans surprise, américains. En 2021, sur le sol et l'Internet américains, 45,9 milliards de dollars de transactions ont été effectuées via les opérateurs de paiement fractionné, d’après les données du cabinet d’études Global Data. Dans le monde, ce chiffre s’élève à 120 milliards de dollars, et devrait atteindre 576 milliards d’ici 2026.
Pleins d’essence, denrées alimentaires… Le paiement fractionné s’est frayé un chemin dans les achats du quotidien des consommateurs. Et pour cause, les fintechs spécialisées telles que Klarna, Fupay, Zilch ou Affirm ont multiplié ces derniers temps les partenariats avec tous types de commerçants. La fintech britannique Zilch, qui permet à ses clients de régler en plusieurs fois leurs courses d’un coup de QR-code ou d’un clic, aurait ainsi listé dans son top des indispensables « à acheter maintenant, payer plus tard pour vivre sa ‘best life’ » chez le Carrefour britannique, Sainsbury’s… une pizza. La même startup estime que 38% des transactions effectuées avec sa solution de paiement fractionné concerne l’alimentaire (courses et restaurants). Klarna a, elle aussi, répertorié 100 des produits les plus achetés en plusieurs fois par ses clients. Là encore, plus de la moitié concerne des denrées alimentaires et produits ménagers. Dans le New York Times, le fondateur de Zilch, Philip Belamant balaie d’un revers de main les inquiétudes du journaliste. Les achats effectués en paiement fractionnés ne sont pas associés à des frais supplémentaires pour le consommateur, répond-il, quand les cartes de crédit ponctionnent des frais (dans les pays anglo-saxons) et agios dans nos contrées. Où est donc le problème ?
« Du pain et des guns »
Tant que le consommateur règle ses traites à temps, rien à signaler. S’il échoue à régler ses traites, comme Josh Roberts, il devra alors s’acquitter de pénalités de retard (généralement de l’ordre de 12%). En outre, ces services ne sont pas ressentis pour ce qu’ils sont : des crédits. Il y a encore quelques années, ce mode de paiement indolore était réservé à des achats exceptionnels : gros électroménager, matériel informatique, etc. Il était d’ailleurs soumis à une vérification de la solvabilité du particulier auprès des banques. Ce qui n’est plus le cas avec le BNPL. Au Royaume-Uni, banques et autorités financières s’inquiètent de l’ampleur du phénomène. 30% des Britanniques y aurait d’ores et déjà recours, estime une étude de la banque Barclay’s et de l’association dédiée à l’éducation financière, StepChange. Et près d’un tiers de ces « pratiquants » du paiement fractionné déclare se sentir dépassés par cette nouvelle forme d’endettement. Aux États-Unis, une autre étude révèle que 50% des GenZ et des Millenials auraient raté une traite.
Peu à peu, des voix s’élèvent pour alerter de telles pratiques. Fin août, des membres du Congrès américain ont demandé des comptes à la fintech Credova, spécialisée dans le paiement fractionné… d’armes à feu. Au Royaume-Uni, où certaines banques ont dû se plier au mouvement du BNPL pour conserver leur clientèle plus jeune, le Financial Conduct Autority, l’instance de régulation du secteur financier britannique, a annoncé qu’elle se penchait sérieusement sur le dossier. D’après The Guardian, une réglementation devrait voir le jour d’ici 2024. En attendant, le champion du BNPL, Klarna a affiché fin août des résultats désastreux : l’entreprise a multiplié ses pertes par quatre. La faute à des frais de personnel - l’entreprise a dû réduire de 10% ses effectifs - et surtout, une augmentation des pertes sur créances. De là à signer la fin de la récré ?
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