Les entrepôts de confection Shein

Shein, le roi de la mode crado, investit 15 millions en RSE pour se racheter une image

© Inside The Shein Machine - Channel 4

Le roi de l'ultra fast fashion, Shein, investit 15 millions de dollars en faveur de l'amélioration des normes dans les usines de ses fournisseurs. Greenwashing ou pas ?

Shein, le plus grand site de fast fashion au monde, vient d'annoncer avoir pris des mesures pour « intensifier ses efforts environnementaux, sociaux et de gouvernance - ou ESG ». Des décisions qui interviennent alors que depuis plusieurs mois, le site soulève les plus vives critiques sur son modèle économique délétère. À noter que les mesures envisagées concernent le pendant social de son activité et ne remettent aucunement en cause le cœur du modèle de la marque : la production ultra-massive d'une mode conçue pour être jetable.

Shein investit 15 millions en RSE

Shein, la marque de la mode éphémère, valorisée à près de 100 milliards de dollars, vient d'annoncer dans un communiqué son intention de consacrer 15 millions de dollars au cours des quatre prochaines années « pour venir en aide à des centaines d'usines dans sa chaîne d'approvisionnement. » Ces investissements, qui s'inscrivent dans le cadre du programme de responsabilisation des fournisseurs de Shein (Supplier Community Empowerment Programme (SCEP), seront consacrés à des « améliorations d'ordre matériel en faveur de ses usines partenaires. » L'entreprise indique que plus de 30 projets seront achevés d'ici la fin de l'année, 100 d'ici la fin 2023 et jusqu'à 300 d'ici quatre ans.

L'initiative SCEP s'appuie sur le programme Shein d'approvisionnement responsable (SRS), qui vise à garantir que les employés de ses fournisseurs seront traités « équitablement et avec respect, dans des environnements de travail sûrs et confortables ». Dans le cadre de ce programme, tous les fournisseurs industriels sous contrat sont soumis au Code de Conduite Shein, « aligné sur les conventions fondamentales de l'Organisation Internationale du Travail, ainsi que sur les lois et réglementations locales en vigueur » a déclaré l'entreprise chinoise. Elle précise : « Toute violation du code pourra entraîner la résiliation de leur contrat s'ils ne parviennent pas à rectifier les infractions dans un délai déterminé. »

Audits et feedback pour « s’engager davantage »

La marque de mode qui déclare souhaiter « s’engager davantage », prévoit de doubler le montant investi dans son programme SRS pour le porter à 4 millions de dollars par an. Des investissements qui permettront « d'augmenter la fréquence des contrôles aléatoires des fournisseurs et d'investir davantage dans leur formation au respect du code de conduite Shein. »

Enfin, l'entreprise a indiqué avoir mis en place un système de « feedback multicanal » afin de recueillir « anonymement des plaintes, des commentaires et des suggestions par e-mail, téléphone ou WeChat » pour les travailleurs des usines sous contrat avec la marque.

Fast fashion responsable, oxymore ou pas ?

Les déclarations de Shein interviennent alors qu'en octobre dernier, une enquête de la chaîne britannique Channel 4, épinglait sévèrement le géant de la Real-time fashion. Le documentaire baptisé Inside the Shein Machine (à l'intérieur de la machine Shein) et filmé en caméra cachée (dans deux usines d'approvisionnement à Guangzhou), mettait en lumière les (très mauvaises) conditions de travail et de rémunération auxquelles sont soumis les ouvriers qui produisent pour la marque.

© « Inside the Shein Machine » - Channel 4

Le reportage a révélé que les travailleurs des deux usines travailleraient 18 heures par jour et ne bénéficieraient que d'un jour de congé par mois. Dans le détail, chaque employé serait soumis à un rythme de production de 500 pièces journalières pour un salaire de base de 4 000 yuans (environ 492 £). Autre révélation du reportage : en cas d'erreur sur un vêtement, les travailleurs seraient pénalisés des deux tiers de leur salaire journalier. Des conditions de travail qui contreviennent au code de conduite de l'entreprise, ainsi qu'aux lois du travail chinoises (en vertu de la législation chinoise, les travailleurs ne peuvent pas travailler plus de 40 heures par semaine).

Des accusations démenties par Shein, qui a publié un communiqué indiquant : « Les enquêtes indépendantes ont conclu que les travailleurs des deux usines reçoivent des salaires conformes aux lois et réglementations locales du travail. Les allégations selon lesquelles les usines retiennent les salaires des travailleurs ou déduisent illégalement les salaires sont également fausses. Tous les salaires sont versés à la fin du mois contractuel et conformément aux lois et réglementations locales. »

Si Iman Amrani, journaliste de Channel 4 à l'initiative du reportage, a indiqué avoir été choquée elle ajoute : « mais pas nécessairement surprise quand on pense au fait qu'une robe peut coûter aussi peu que 4,49 £ sur Shein. » Et n'est-ce pas là le fond du problème ? Shein, la mode éphémère... sauf dans son impact !

À lire, notre dossier sur Shein paru dans la revue n°29 de L'ADN : disponible ici

Peggy Baron

Chaque jour je m'installe à la terrasse de l'actu et je regarde le monde en effervescence. J'écris aussi bien sur les cafards cyborg que sur le monde du travail, sans oublier l'environnement et les tendances conso.

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