
En proie à une certaine fatigue existentielle, une seule chose nous motiverait désormais : la recherche du confort. Mais cette quête effrénée a un coût. Interview de l’anthropologue Stefano Boni qui décortique les conséquences d'une vie sans effort.
Plutôt que de se rendre au restau entre amis, on se fait livrer des burgers que l'on dévore devant Netflix. Au lieu de faire la fête sur le dernier tube de Rihanna, on passe l'aspirateur dans son salon et on planifie la semaine à venir... C'est ce qu'indique une étude du Credoc sortie fin 2021, dans laquelle 37 % des sondés rêvaient pour occuper leur vendredi soir d'un plateau télé, 13 % d'une soirée plaid sur le canapé et 34 % d'une séance course-ménage. En cause : la peur d'un monde qui s'effondre où la rencontre avec l'altérité est source d'angoisse. Loin d'être une seule conséquence de la pandémie, notre recherche perpétuelle du confort résulte d'un système technologique et institutionnel bien particulier. Et cette envie constante d'éviter contrainte, effort ou fatigue a un coût, non seulement économique, mais aussi sensuel, moral et environnemental.
C'est ce qu'explique Stefano Boni, enseignant en anthropologie culturelle et politique à l’Université de Modène et de Reggio d’Émilie, dans son ouvrage Homo confort, Le prix à payer d’une vie sans effort ni contrainte, (éditions de l’Échappée). « En nous privant de toute expérience considérée comme désagréable ou négative, le confort nous enferme dans un cocon protecteur qui nous coupe du monde extérieur et de nous-mêmes, de tout ce qui fait le "sel de la vie" et contribue à nous rendre pleinement humains. » Stefano Boni analyse l'essor de cet « Homo confort » qui redoute de se frotter à la nature.
Quand est né l'Homo confort ? Qu'est-ce qui le définit ?
Stefano Boni : Historiquement, la distribution sociale du confort est passée par trois phases. Premièrement, une distribution égalitaire d'un confort rare, par exemple parmi les cueilleurs et les chasseurs ou dans les communautés agricoles anarchiques. Ensuite, avec l'augmentation des inégalités, normalement associée à une production agricole plus intense et à une réorganisation hiérarchique de la société, le confort a été le privilège des élites qui jouissaient d'une vie reposante, imposant le fardeau de la fatigue à ceux qui avaient un statut inférieur (femmes, esclaves, classes populaires, jeunes). Avec l'industrialisation du XIXe siècle, et plus tard avec des innovations et apports tels que l'eau courante, l'électricité (et tous les appareils électriques comme les machines à laver et les lave-vaisselle), les transports motorisés, le chauffage et la climatisation, le confort s'est de plus en plus répandu. Cela a été acquis grâce à des technologies ayant permis de transformer notre environnement sans que l'homme ait besoin d'entrer en contact direct avec la nature.
Des outils et machines ont permis aux humains de manipuler la nature sans subir de fatigue, sans avoir à se soumettre à des interactions complexes et imprévisibles avec des agents organiques (animaux, bois, terre, climat...) puisque les relations étaient médiatisées par la technologie. La nature était alors de moins en moins perçue par l'activation holistique des sens, et de plus en plus par des dispositifs technologiques minimisant l'expérience du travail, de l'effort, de la douleur, de l'odeur, de la sueur, du froid et de l'incertitude. Aujourd'hui, la multiplication progressive des écrans entre l'humanité et la nature est caractéristique de ce que j'appelle l'Homo confort.
Peut-on parler d'overdose de confort ?
S. B. : Il y a bien eu une surdose de confort... Ou je dirais plutôt que le confort est une frontière qui peut être étendue à l'infini. Nous avons commencé à utiliser la technologie pour nous débarrasser des tâches les plus fatigantes et ennuyeuses mais nous ne nous sommes pas arrêtés là. En fait nous ne nous sommes jamais arrêtés ! Nous avons été amenés à étendre toujours davantage notre zone de confort, à rejeter l'interaction avec la nature, à croire qu'elle est dangereuse, grossière, polluante et suspecte. Dans une large mesure, cela est dû au fait que les grandes entreprises avaient intérêt à vendre des produits. Dès lors, les appareils technologiques étaient souvent présentés comme une solution confortable à des problèmes imaginaires. Il existe par exemple des produits permettant d'allumer facilement un feu (sans avoir à se soucier d'activer nos sens en recherchant le bois approprié ou en surveillant le processus d'allumage) et des ordinateurs qui activent nos appareils électroménagers sans avoir à faire l'effort d'appuyer sur un bouton.
Ce que je questionne n'est pas le confort, mais les conséquences d'un confort extrême dans notre société contemporaine. Nous avons tendance à évaluer les appareils technologiques à l'aune de leur capacité à rendre nos vies plus confortables (et bien sûr la publicité insiste sur ces avantages ! ), mais nous réfléchissons rarement aux conséquences indésirables à long terme d'une extension maximale du confort dans tous les domaines.
Parmi ces conséquences, l'impact sur nos sens. De quelle manière cette overdose de confort affecte-t-elle nos sens ?
S. B. : Prenons par exemple le sens associé au toucher. Que touchons-nous aujourd'hui avec nos mains ? Si nous examinons ce qu'est le toucher au cours d'une journée, nous nous rendons compte qu'aujourd'hui l'interaction tactile se fait presque entièrement avec des produits qui ont été pensés et conçus pour garantir une sensation agréable : douce, prévisible, confortable. Ces produits ne demandent aucun effort, ne produisent aucune surprise, n'exigent de faire face à aucune dureté. Ce n'est pas un problème en soi, mais cela a des conséquences importantes que nous pouvons apprécier si nous comparons nos mains à celles de l'humanité lorsque la plupart de la population vivait à la campagne et cultivait la terre grâce à une technologie artisanale. Nos mains sont douces, sans callosités qui résultaient d'une interaction directe avec la nature sauvage (plutôt qu'avec des produits industriels) et signifiant une interaction avec l'organique. Cette peau dure et épaisse rendait possible l'utilisation d'instruments artisanaux (houe, pelle, etc.), ou la marche pieds nus sur des pierres. Aujourd'hui on ne se sent plus à l'aise avec ces activités : des cloques douloureuses apparaissent et on interrompt aussitôt l'interaction ! Conséquence : nous voilà inaptes à manipuler la nature.
Une dynamique similaire s'est produite concernant le goût et l'odorat. Dorénavant, l'Homo confort se repose principalement sur les sens qui fonctionnent sans exiger une implication holistique : la vue et l'ouïe. Dans ce contexte, notre sensualité n'est plus que virtuelle : la nature devient un symbole plutôt qu'un agent phénoménologique.
Quel est le coût moral du confort ?
S. B. : Les coûts du confort s'exercent à différents niveaux existentiels. Le premier est physiologique et en rapport avec le fonctionnement de l'organisme humain. La croissance rapide de l'obésité est une conséquence directe de l'élimination de la fatigue de nos existences (l'Homo confort a tendance à éviter tout exercice physique significatif – s'il n'est pas explicitement défini comme un « sport » confortable). Mais il y a aussi des conséquences plus subtiles et moins visibles de l'expulsion systématique de nos vies des agents organiques. L'hypothèse hygiéniste soutient que la croissance rapide des allergies, des maladies auto-immunes et des troubles inflammatoires est déclenchée par le manque d'exposition aux microbes : notre système immunitaire fonctionne mieux lorsqu'il est sollicité par l'interaction avec un milieu organique plutôt qu'avec des espaces aseptisés qui plaisent à l'Homo confort. Cela soulève une question morale : une vie très confortable est-elle désirable en termes de santé ?
Une deuxième question morale concerne notre relation avec les autres formes de vie sur Terre. Pour faire court, l'Homo confort a épousé un système technico-chimico-industriel qui garantit oisiveté et loisirs agréables en dévastant de manière irréversible notre environnement, le climat et la vie des autres espèces. Jusqu'à l'essor de l'industrialisation standardisée et chimique, la production humaine n'avait généré aucune pollution. L'idée illusoire selon laquelle notre système de production peut guérir la destruction massive qu'il génère prouve de manière évidente la méconnaissance des causes de cette dévastation, ainsi que la réticence de beaucoup à renoncer à une partie de notre confort au profit d'une relation plus harmonieuse avec la nature.
Qu'est-ce que cela implique en termes économiques et technologiques ?
S. B. : Cela nous amène à examiner une troisième question morale. Nous ne sommes plus les protagonistes de la production : un réseau mondial de machines gérées par de puissantes institutions est aux commandes. L'Homo confort se perçoit de plus en plus comme un acteur fragile et impuissant qui dépend pour sa survie d'un enchevêtrement global et imbriqué de gouvernements, d'entreprises et de dispositifs technologiques puissants. Nous n'avons plus le sentiment de pouvoir fournir, par notre habile expertise, ce dont nous avons besoin pour vivre : cela ne s'est jamais produit auparavant dans l'histoire de l'humanité. Notre nourriture est perçue comme étant fournie non pas par les travaux des agriculteurs mais par les supermarchés ; nous ne pouvons plus concevoir le mouvement sans carburant et sans machines ; nous dépendons du gaz à la provenance lointaine pour notre chauffage ; des médicaments industriels et des vaccins pour notre santé, des smartphones pour notre sociabilité...
Quelles conséquences alors sur notre vie politique et notre appréhension des enjeux actuels ?
S. B. : Cela a de graves répercussions sur nos aspirations politiques ! Les aspects de nos existences qui dérangent (industries mondialisées polluantes, inégalités économiques croissantes, bureaucratie excessive, aliénation, individualisation) sont aussi ce que nous identifions comme garants de notre niveau de vie actuel, et nous ne sommes pas prêts à le remettre en question. Je crois que l'activisme politique n'aura que peu de portée tant que nous ne prendrons pas conscience que plus de liberté et d'autodétermination, et moins d'inégalités et de dépendance, ne seront possibles que lorsque nous identifierons et reconnaîtrons la domination exercée par le système technologique actuel, et que nous serons prêts à renoncer à certains des conforts narcotiques qu'il nous offre.
Nous ne sommes pas prêts à nous révolter contre ce qui garantit notre confort, de fait les aspirations politiques contemporaines sont minimes, conçues dans le cadre de la techno-dominance contemporaine. Le cours de l'histoire humaine ne pourra être transformé de manière significative que si nous passons d'un monopole du contrôle technologique exercé par les gouvernements et les grandes entreprises capitalistes dans le but d'augmenter les profits à une souveraineté technologique exercée par les communautés locales. Ces dernières seront à même de décider quels dispositifs sont compatibles avec la santé humaine, le bonheur, l'autonomie et un avenir harmonieux sur terre.
Quelle est la valeur de l'inconfort ? Que nous apporte-t-il ?
S. B : Expérimenter l'inconfort nous apprend déjà que l'on peut le supporter ! On peut apprendre à se servir de nos mains et former des callosités, et comprendre comment affronter le froid à l'extérieur de nos maisons... Nous pouvons renoncer à une partie de notre confort et éprouver le plaisir de l'interaction organique. Incidemment, cela se manifeste par le fait que des expériences perçues comme inconfortables – rafting, fermes pédagogiques, camps de survie – sont vendues sur le marché comme thérapeutiques. C'est la première étape, pourtant à peine concevable pour la majorité des gens. Or selon moi, expérimenter l'inconfort devrait faire partie de notre vie quotidienne au lieu d'être réservé à un temps de « loisir ».
Avoir des abeilles, un jardin, des poules, dormir dans les bois ou se déplacer sur de longues distances à pied ou à vélo sont des activités qui nous reconnectent avec la nature, n'ont pas besoin d'être achetées, et ont des résultats immédiats et agréables. Ces activités sont importantes car elles représentent un premier pas accessible vers la construction de l'autonomie et de notre capacité à résister activement à la dépendance. Avec ces activités, il est possible de contrarier la domination contemporaine.
Avons-nous besoin de « revenir en arrière » ? À défaut, vers quoi tendons-nous actuellement ?
S. B : Je ne pense pas qu'il faille « revenir en arrière » : l'histoire avance toujours. Nous ne devons pas idéaliser le passé, nous ne devons pas renoncer à tous les dispositifs technologiques modernes. Pour moi, les questions cruciales sont : quelles conséquences physiologiques, sociales et environnementales cette technologie particulière produit-elle ? Rend-elle la communauté indépendante ou dépendante ? La communauté peut-elle contrôler son utilisation et identifier ses effets néfastes ? À qui profite-t-elle ? Ce processus d'évaluation par le bas ne conduirait pas à un retour au Moyen Âge mais à une sélection de technologies contemporaines. Celles qui peuvent être produites par les collectivités locales et ne sont pas polluantes seraient utilisées tandis que celles conçues pour nous rendre dépendants et ayant des effets dévastateurs seraient remplacées. Jusqu'à ce que cette surveillance continue de la technologie soit exercée, le « progrès » sera conçu à travers la perspective d'institutions puissantes aux dépens de l'humanité et de l'environnement. Un virage environnemental qui ne mène pas à l'effondrement des États (remplacés par des collectivités locales autonomes) et des grandes entreprises (remplacées par des ateliers artisanaux) n'aboutira selon moi qu'à une rhétorique verte inutile.
Ce genre de discours est déjà entendu des dizaines voire des centaines de fois. Il ne résiste pas à l'examen des faits. Déjà parce que, du fait du productivisme et du consumérisme, notre société n'a jamais été aussi stressante. On nous parle "d'une vie sans effort" alors que notre existence est encore largement façonnée par l'idéologie du travail. Là il y a déjà quelque chose qui relève de la dissonance cognitive. Je pense que la personne qui parle de cette manière ne doit pas côtoyer beaucoup les masses.
M. Boni parle du "coût moral" en insinuant qu'une vie sans effort serait moins désirable en termes de santé. Pour le moment, on connaît et on voit surtout les effets de l'idéologie de l'effort judéo-chrétienne et capitaliste sur nos vies ; la fatigue, le stress, le burn-out, et une vie où le confort est très relatif. M. Boni cite des conforts très paramétriques liés à la consommation pensant décrire la réalité globale, occultant cyniquement le prix à payer pour consommer de la sorte quand ils le peuvent. Car hormis les classes aisées (qui sont minoritaires), la plupart des gens en sont réduits à prendre un emploi qu'ils n'ont pas voulu uniquement pour survivre. Quand, pour financer ce qui n'est rien d'autre que sa propre survie, on doit se lever chaque matin, fatigué ou non d'ailleurs, qui plus est en se mettant au service d'un emploi potentiellement dégradant, aussi bien moralement et psychologiquement que physiquement, comment peut-on prétendre qu'il s'agit d'une vie de confort ?
Il cite des problèmes bien réels comme l'obésité, les nouvelles maladies ou les allergies, oubliant ou occultant les scandales liés aux industries agro-alimentaires, avec l'excès des pesticides, les perturbateurs endocriniens et les additifs, et bien entendu la société de consommation qui encourage, par la publicité et le neuromarketing, à consommer toujours plus sans réfléchir. Tout cela est bien documenté et prouvé scientifiquement. Voilà pourquoi faire du confort le bouc-émissaire de tous ces problèmes est a minima simpliste, et il faut garder à l'esprit que notre espérance de vie en bonne santé est largement supérieure aujourd'hui que lorsque les humains menaient une existence sans aucun confort.
Le prétendu coût "économique" vient du système économique en place qui est archaïque. Il faut plutôt inverser le raisonnement.
Par ailleurs, cette société des chasseurs-cueilleurs endurcissait certes la capacité à vivre de manière survivaliste, mais tout cela était contre-balancé par d'autres problèmes majeurs et autrement plus graves (comme une vie très courte avec les maladies et la fatigue, dans laquelle le potentiel humain était encore plus rétréci par rapport à aujourd'hui). On peut toujours se dire que "c'était mieux avant", mais c'est une position doctrinale.
En passant, où commence l'effort et où s'arrête-t-il ? Encore un concept qu'il reste à définir.
Plus on avance dans l'interview, plus l'auteur dévoile en vérité qu'il se réclame de l'écologie radicale. Il fait le procès de la technologie en elle-même, et la réflexion sociale est quasiment absente. Et il finit tout de même par admettre qu'il souhaite voir les Etats s'effondrer s'imaginant que tout ira mieux avec des "communautés locales", tout cela en plus de la valeur travail. Pourtant, qu'il soit local, national ou mondial, l'ordre social reste le même, l'ordre économique également, et la racine des problèmes reste intacte. Je note à ce sujet que M. Boni fustige le confort pour en fin de compte mieux louer les qualités physiologiques des chasseurs-cueilleurs et le fantasme du "bon vivant", ce qui est on ne peut plus logique. Il s'inscrit en complète cohérence dans sa vision du monde.
De plus, personne n'en parle (peut-être parce que tout le monde l'a oublié) mais les intellectuels qui fustigent les infrastructures technologiques et l'Etat, et qui idéalisent à ce point ce paradigme de la tribu ou de la communauté locale, sont dans la négation de la civilisation et la négation de ce qui fonctionne dans l'histoire humaine. En effet, sans justement la technologie et le gain d'un certain confort (tout ce que ces gens ont en aversion), il n'y a pas de progrès social. Sans technologie et sans Etat, donc sans lois pour garantir un socle social commun et protéger les plus faibles, encore moins élever tout le monde, il n'y a pas de paix civile, pas d'école, pas de médecine, pas d'harmonie entre les êtres humains et donc pas de civilisation. Je ne suis pas certain que tous les partisans de ce modèle en soient seulement conscients.
Bref, tout cela a encore le mérite d'illustrer à quel point cette doctrine, en plus d'être la gardienne d'un paradigme social, économique et culturel pluriséculaire qui est basé sur la rareté, rejoint les doctrines les plus puritaines et réactionnaires, consistant à criminaliser le repos, le loisir et la culture. Rétrécissement géographique (localisme), rétrécissement social (on arrête de se déplacer et on cultive son potager), et rétrécissement culturel (haine de la modernité et valeur travail), tel est le triptyque de ce camp-là. Le "Travail, Famille, Patrie" est une aberration anthropologique, les humains aspirent à s'émanciper des contraintes et non l'inverse.
@Jonathan Donc vous faites la promotion de l'individu faible et dépendant. Bravo.
Vous n'avez pas lu en profondeur....
Jonathan, vous confondez efforts au service d'une société capitaliste, du capital et de ses garde-fous, qui effectivement a mainmise sur la définition que l'on attribue au travail, et efforts nécessaires pour dépasser ce modèle de société et se reconnecter au monde vivant. Ce n'est absolument pas la même chose. D'un côté, l'on a un effort qui use et fait souffrir, de l'autre, un effort émancipateur visant à pérenniser l'espèce humaine, à réimaginer, réinventer afin de sortir de cette souffrance.
Une vie sans efforts/exercices physiques est effectivement moins saine. Boni ne dit pas pour autant que se tuer physiquement à la tâche est une bonne chose (ce n'est d'ailleurs pas le propos). Seulement, la perte d'un certain confort matériel (nécessaire pour faire face aux enjeux socio-écologiques du XXIe siècle) impliquera nécessairement une autre relation avec la Nature, plus intime, plus profonde et directe, qui demandera immanquablement un travail entre autres moins mécanisé, mais surtout moins aseptisé. En outre, Boni fait la promotion d'un mode de vie où les efforts, pour le moment au service du capital, seraient au service du bien-être commun, du respect tant que possible du Vivant, au travers d'une vie plus sobre qui nous léthargiserait moins et où il faudrait ainsi se passer de gadgets dont nous raffolons (toutes sortes d'objets connectés par exemple) précisément parce que ce système nous suce jusqu'à la moelle et qu'après journée, nous n'avons plus la force de faire quoi que ce soit ! C'est justement ce point qui est critiqué par Boni, qui n'avance aucunement le fait que les gens soient fainéants !
Bref, si l'on transforme le système de manière à répondre pleinement à la problématique sociale écologique, et Boni dit simplement que cela passera notamment par un nouvel usage des techniques, plus sobre, modéré, technocritique (cf. la Low-Tech), nous pourrons rediriger nos efforts vers les choses plus essentielles à nos vies et renouer avec une existence bien plus épanouissante ! Mais force est de constater qu'à l'heure actuelle, nous préférons concentrer nos efforts pour répondre bien docilement (même si bien souvent à contrecœur, je n'en disconviens pas) aux injonctions du système, plutôt que de refuser son autorité et faire autrement, ce qui demandera par définition beaucoup d'efforts et d'abnégation, à la différence près qu'ici cet effort on lui donne du SENS (ce qui change profondément la donne) et a pour objectif de réduire la pénibilité !
La clé pour réorienter nos efforts vers un autre projet de société, c'est l'entraide, la solidarité, la coopération. Mais l'atomisation des rapports sociaux n'est-elle pas à son paroxysme ? Comment faire pour reconnecter l'Homme à son semblable et plus généralement à la Nature ? Il existe des pistes qui n'attendent qu'à être explorées, mais si l'on attend que notre voisin s'y mette parce que de notre point de vue "c'est pas possible, je vais perdre ce confort pour lequel je souffre autant" (la fameuse rationalisation de la souffrance au travers de la consommation), si l'on attend que les planètes soient alignées pour s'y mettre, autant dire que les choses ne sont pas prêtes de changer. Et je n'oserais jamais dire que tout le monde peut s'y extraire avec autant de ferveur, ou encore que tout le monde a les mêmes capacités pour faire autrement et se réunir avec d'autres pour changer les choses à son échelle, mais y réfléchir et faire naitre en soi-même cette volonté c'est déjà un magnifique pas en avant. De ce que j'ai personnellement compris, c'est ce que nous encourage Boni à faire.
@B Il dit plutôt (en bien mieux écrit) que la vision des choses de l'auteur, partiale et orientée, est basique et réductrice. Je suis d'accord avec Jonathan.