Un cerveau rouge lumineux sur fond bleu

Dans un monde post-Covid, les tendances peuvent-elles encore inspirer les leaders ?

© Natasha Connell via Unsplash

Personne ne l'avait vue venir. Et pourtant, la crise sanitaire qui a paralysé une bonne partie du monde a profondément marqué nos usages. Sébastien Brocandel, Président de l'agence Pschhh, donne des pistes aux leaders et aux créatifs pour éviter les biais qui nous empêcheraient d'agir malgré - voire de profiter de - la crise.

C'est toujours la même chose. En décembre et en janvier, c'est le grand jeu des tendances qui devront dessiner l'année à venir. En se basant sur des études, des analyses et des avis d'experts, plusieurs parutions donnent des clés de lecture utiles, notamment aux entreprises, pour se préparer au mieux aux bouleversements qui arrivent.

Ainsi, L’ADN lançait le 3 décembre 2019 un hors-série sur les tendances 2020. La responsabilité sociale des entreprises et l’analyse des nouveaux modes de consommation concernés par la publicité y étaient analysés. Apprendre que 99% des boissons bio consommées par les Français sont d’origine française et que leur croissance était de 21% en 2018, cela pointe de belles perspectives business !

De même en s’intéressant à la tendance du « gated tourism » décrite dans l’étude Future 100 de Wunderman Thompson. Un tourisme fermé, réservé à un petit nombre pour préserver les sites en opposition au tourisme de masse, voilà une opportunité à considérer fortement.

Autant de signaux faibles identifiés puis décortiqués pour permettre aux leaders d’avoir toujours un coup d’avance. Des lectures, des rencontres avec des chercheurs, des mises en perspectives avec des données chiffrées qui contribuent aux prises de décisions stratégiques et créatives.

Certes, les études alertent sur les changements de société à l’œuvre, mais aucun cataclysme sanitaire de l’ordre du Covid-19 n’était annoncé. Alors comment réagir face à un imprévu que même des experts n'ont su prédire ?

« Courage, fuyons » !

Olivier Sibony, Professeur Associé de l’école HEC Paris, a animé récemment un Webinar sur la prise de décision par les politiques mais aussi les managers d’entreprise. S’il faut bouger pour survivre, voire pour profiter des effets de la crise, dans quelles directions ?

Il y dresse une liste de cinq biais cognitifs qui tendent à nous induire en erreur dans notre analyse de la situation liée au Covid-19.

Ainsi, connaître ces artefacts qui risquent de brouiller notre pensée, nous permettra de mieux décider les stratégies de nos entreprises, productrices de biens et de services.

  • Commençons par le biais de modèle mental, qui nous conduit à comparer une situation singulière, impensable hier, que l’on assimile à du connu, par une analogie empirique. Ainsi, tout le monde a perdu son temps à comparer la crise du Covid-19 aux grandes épidémies historiques pour rapidement abandonner ces rapprochements hasardeux. Raisonner par analogie en comparant ce qui n’est pas comparable, ne produit aucune conclusion exploitable.
  • Le biais de croissance exponentielle a, lui, conduit les scientifiques du monde entier à sous-estimer les effets de la crise dans ses premiers temps, par manque de considération de la dimension exponentielle de la pandémie. Tant que les chiffres n’atteignent pas des valeurs suffisamment hautes, les alertes sont ignorées.
  • Le biais d’endogroupe nous pousse à penser que les autres fonctionnent différemment et que l’on sera forcément, par essence, mieux armés quoi qu’il arrive. À penser qu’en France, notre système de santé est forcément plus performant que l'italien ou qu’aux Etats-Unis et au Brésil on est plus forts qu’en Chine, etc. Autant dire, un biais que le virus a tôt fait de ridiculiser.
  • Nous arrivons au biais d’excès de confiance. Celui qui permet à tout un chacun d’élever son avis particulier à une science. Qui autorise nombre d’experts d’affirmer sans certitude absolue, sans le bénéfice du doute. En outre, ce manque d’humilité inonde les médias et participe au sensationnel du phénomène, sans recourir à la rigueur pourtant nécessaire pour tenter de comprendre ce qui nous dépasse. Ici, le biais pointe la sous-estimation de l’incertitude.
  • Le 5ème et dernier biais est celui d’imitation. « Si les gens accumulent des paquets de pâtes ou qu’ils s’agglutinent dès qu’il fait beau temps, c’est qu’ils doivent avoir une bonne raison de le faire alors autant suivre le mouvement ».

Dès lors, comment apprendre des erreurs commises et comment limiter les prochaines ? Un biais cognitif, c’est une erreur dont on n’a pas conscience au moment où on la commet. Et c’est surtout une injonction à regarder les faits tels qu’ils sont. À éviter les raisonnements empiriques. À éviter de construire un raisonnement sur une analogie plutôt qu’une autre.

Olivier Sibony conclut son exposé en nous enjoignant à ne pas attendre les autres pour agir et nous rappelle que le leadership, « c’est ne pas attendre pour faire ce qu’il faut » !

Si la panique ne sert à rien, le statu quo non plus. Nous devons considérer que l’on ne sait presque rien, que l’avenir est incertain, mais qu’on peut quand même accompagner des changements et que les dirigeants d’entreprise doivent planifier des objectifs sur la base de critères objectifs.

Tout ne s’est pas écroulé : les Français épargnent, les ventes de yaourts et de café s’envolent, la consommation de divertissement online explose… tout se transforme.

Entre accélération et opportunités, agissons avec pragmatisme

Dès lors, comment considérer les tendances annoncées il y a six mois pour agir aujourd’hui ? Exactement comme ce qu’elles sont, des tendances, des datas issues d’études sérieuses qui doivent s’accommoder d’un nouveau contexte économique. Et surtout qui doivent traverser le filtre de l’analyse. Exploitons-les avec pragmatisme et capitalisons sur notre capacité immense d’adaptation.

Qui aurait imaginé une telle adhésion des Français aux mesures de contingences imposées et une telle réactivité des institutions vis-à-vis des entrepreneurs ? Qui pensait changer sa chaîne de production pour fournir des masques à des soignants ? Qui imaginait passer l’ensemble de ses salariés en télétravail prolongé sans perte majeure de productivité ?

L’accélération forcée des nouveaux usages digitaux et l’obsolescence de modèles anciens constituent aujourd’hui une formidable opportunité pour les marques et pour les agences qui les conseillent.

À nous d’accélérer la transformation des valeurs et des engagements des marques. Influençons la R&D en s’inspirant des (nouvelles) attentes des consommateurs et en leur adressant encore mieux nos messages. Pour cela, appuyons-nous sur des données fiables, vérifiées, protégées afin d’orienter business et créativité. Il suffit de regarder pour voir ! Des leviers économiques sont évidents si l’on s’en remet à ce que nous disent les données.

À nous d’enrichir la relation des marques avec les familles. Celles qui font le plein de yaourts à la maison, dont 57% déclarent être préoccupées par leur alimentation mais qui participent à développer le secteur agro-alimentaire français par leurs achats représentant 185 milliards de CA en 2018.

Emparons-nous des sujets signifiants : accélérons l’essor du tourisme solidaire et éthique, rendons-le plus sexy auprès des frustrés (dont je fais partie) qui ne prendront par leurs vols long-courriers habituels cet été, responsables de 2,5% du CO2 rejeté dans l’atmosphère.

Produisons et rendons plus glamour les vêtements écoresponsables que déclarent préférer 72% des consommateurs.

Innovons avec la technologie et imaginons de nouvelles sources d’émotions et de créativité, quand 1,2 million de visiteurs ont vibré devant les œuvres dématérialisées de l’Atelier des Lumières à Paris et que le musée du Louvre compte 2,5 millions d’abonnés sur Instagram.

L’adaptation est le propre de l’intelligence. Agissons et faisons en sorte que notre créativité regarde les datas, mais pas de biais !  

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