Voyages, déjeuners avec les stars montantes de la tech, personal branding, bons salaires… La vie (glamourisée) des VC, ses investisseurs qui misent sur les startups, fait rêver une partie des vingtenaires.
Dans la Silicon Valley, fonder une startup à succès ne serait plus le job qui fait rêver la nouvelle génération. On peut les comprendre : le destin de Mark Zuckerberg, Elizabeth Holmes et autre Adam Neumann a perdu de sa superbe. Désormais, le fantasme est passé de l’autre côté du capital : les bureaux a priori moins glamours — des fonds d’investissement qui financent les jeunes entreprises. Pourquoi cette mutation ? La newsletter Dirt donne quelques éléments de réponse en décrivant cette nouvelle génération d'investisseurs d’une vingtaine d’années attirés par l’aspect relation publique du métier de VC. VC sont les intitiales de venture capitalist ou capital risque en anglais. Le mot est rentré dans le jargon de la startup nation pour désigner les investisseurs qui injectent de l'argent dans les jeunes entreprises. Leurs investissements sont risqués (peu de startups réussissent) mais peuvent rapporter très gros si l'entreprise finit par être valorisée des millions voire des milliards de dollars.
Les VC sont des personnalités publiques maintenant
Les VC ne sont plus les conseillers de l’ombre qu’ils étaient dans les années 2000. Depuis quelques années, ils sont devenus des personnes à suivre dans l’écosystème tech. Ils tiennent des newsletters reconnues sur les dernières tendances de consommation, sont interviewés dans des podcasts, et sont suivis par plusieurs dizaines de milliers d’abonnés sur les réseaux sociaux. Le tournant a été pris par le fonds Andressen Horrowitz (a16z) qui depuis dix ans crée podcasts, newsletters et blogs avec certains de ses salariés, jusqu'à lancer son propre média techno optimiste baptisé Future.com en juin 2021.
Par ailleurs, l’investissement apparaît comme une voie plus rassurante que l’entrepreneuriat. « Un fondateur met tous ses œufs dans le même panier. Il construit quelque chose parce qu’il pense que c'est l'avenir », explique Reggie James, 27 ans, fondateur de startup et associé dans une société de capital-risque, interrogé par Dirt. « Le travail du VC consiste à répartir le capital sur de nombreuses idées qui pourraient avoir du potentiel. » « Nous sommes à un point de transition intéressant, estime le jeune entrepreneur-investisseur. Le meilleur endroit où se trouver en ce moment, c'est dans un fonds, où vous pouvez produire librement des idées et déployer des capitaux, plutôt que de créer un produit réel. »
Voyages, déjeuners avec les stars montantes de la tech, personal branding… La vie (glamourisée) des VC fait rêver une partie des vingtenaires car elle offre une « reconnaissance sociale » plus immédiate que celle d’entrepreneur, observe Dirt. Et un salaire, lui aussi, plus immédiat — les fondateurs de startups doivent, eux, souvent attendre plusieurs années avant de pouvoir se payer.
« Queen of GenZ VC »
Les wannabe investisseurs se retrouvent notamment sur la très médiatisée chaîne Slack GenZ VC, créée en 2019 par Meagan Lloyst, 25 ans, auto-baptisée « Queen of GenZ VC ». Près de 20 000 membres s’y échangent des conseils, partagent des événements et autres informations sur les startups qui montent. Sans oublier d’agrémenter leurs publications d’émojis étoiles et fusées.
Ces VC juniors sont accueillis à bras ouverts par les fonds d’investissement, soucieux de suivre les tendances de consommation de la GenZ — le segment le plus porteur — et d’être présent dans des nouvelles industries comme le Web3 ou l’économie de la création. Par ailleurs, les levées de fonds records de ces dernières années ont fait grossir le secteur de l’investissement à une vitesse folle. En 2021, les corporate ventures du monde entier ont injecté 620 milliards de dollars dans des startups, soit plus du double des sommes investies en 2020 selon Venture Monitor. Les fonds ont donc recruté plus volontiers de jeunes recrues avec peu d’expérience, rompant avec la tradition des investisseurs passés par la case entrepreneurs avant de se lancer dans le funding.
Contrairement à leurs collègues plus chevronnés, les nouvelles recrues ne décident pas directement des startups dans lesquelles investir, mais ils ont pour rôle de partir à la chasse aux fondateurs de startups, de partager sur les réseaux sociaux des analyses bien senties sur l’écosystème tech entre deux publications sur leur vie perso, et de se montrer lors de divers évènements. Bref de se rendre visibles et dynamiser la réputation du fonds.
La fête est finie ?
Devenir VC fera-t-il autant rêver une fois la période dorée des levées de fonds passée ? Les récentes vagues de licenciements dans la tech, tout comme les scandales financiers qui agitent le monde des cryptos laissent à penser que la fête est bientôt finie. Dans un article d’août The Financial Times prédisait déjà la fin du boom des VC, après la course folle des précédentes années qui ont amené les fonds à surinvestir dans certaines startups, comme la fintech Klarna dont la valorisation a déjà drastiquement baissé, les startups du quick commerce ou les business basés sur la blockchain. Pas sûr que l'intérêt versatile des vingtenaires résiste à ces revers de marché.
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