Recul du quotient intellectuel, troubles moteurs, baisse de l'empathie, émiettement de la concentration, crise de sevrage... L'omniprésense des écrans est néfaste, on le savait. Mais pour un collectif, il y a carrément urgence sanitaire.
Comme pour le tabac et le réchauffement climatique il y a quelques décennies, les dangers liés à la multiplication des écrans dans nos vies quotidiennes sont sous-évalués. C'est l'avis de plusieurs lanceurs d'alerte, regroupés en collectif, qui souhaitent attirer l'attention des pouvoirs publics.
Pour sensibiliser à la question, ils organisent Les assises de l'attention. La première édition se déroulera le 1er février 2020 à la Bellevilloise, dans le 20ème arrondissement de Paris.
L'objectif : dresser un état des lieux des enjeux tout en proposant des solutions concrètes, à destination notamment des candidats aux élections municipales de mars prochain. Avec en filigrane, l'envie de lancer l'assaut de la reconquête de l'attention.
Reste éteint bébé, sinon je te dirai bye bye
Sur les trois demandes présentées par le collectif, deux concernent directement les enfants et adolescents, particulièrement sensibles aux effets des écrans :
- Interdiction de l'utilisation d'écrans en milieu scolaire, depuis la petite enfance (crèche) jusqu’à la primaire.
- Mise en place d'une vaste campagne publique de sensibilisation sur les effets des écrans et des contenus inappropriés basée sur des études indépendantes de tous conflits d'intérêt.
« On n'est pas encore assez alarmistes sur le sujet. Sur le terrain, les professionnels rencontrent de plus en plus de cas d'enfants atteints de troubles moteurs et intellectuels, et on se rend compte que dans 95 % des cas, ces enfants ont été soumis à une surexposition aux écrans », affirme Anne-Lise Ducanda, médecin et co-fondatrice du CoSE (Collectif Surexposition Ecrans), dont le plus jeune patient est âgé de 11 mois seulement.
« Les parents ne sont pas assez informés. L'enjeu ici est un jeu de santé public. Le mantra des 5 fruits et légumes par jour, il faut la même chose pour le numérique ! », précise-t-elle. « Le déploiement de la 5G est une hérésie, quand on pense à l'argent que cela coûte, et qui devrait plutôt être alloué aux infirmières, médecins et psychologues scolaires, médecins PMI (Protection Maternelle Infantile, ndrl) et AVS (Auxiliaires de Vie Scolaire, ndrl) pour accompagner les enfants, de plus en nombreux, en situation de handicap. »
Lobbies du numérique, TikTok et dopamine
Le collectif entend aussi dépolluer l'espace public en proposant une troisième piste : éradiquer les écrans publicitaires des lieux publics (gares, halls d'hôtels, boutiques, arrêts de bus…). Un premier pas pour aider les adultes (et à terme, les enfants) à se désintoxiquer.
Dans la ligne de mire du collectif : toutes les applications conçues pour développer l'addiction, comme Facebook et TikTok, basées sur un système de récompense aléatoires nous poussant à nous reconnecter sans fin. Dopamine, quand tu nous tiens.
« Notre défi, c'est la déconstruction du discours édulcoré des lobbyistes du numérique », poursuit Yves Marry, co-fondateur de l'association Lève les yeux. « Du côté de l'industrie, il y a une stratégie mise en place. Elle vise à semer le doute en plaçant au cœur du débat public des experts, porteurs de discours légers, positifs, ludiques, pour mieux camoufler les effets catastrophiques de la surexposition des écrans. »
Au-delà de l'impact sur les plus jeunes, Yves Marry rappelle que les adultes sont aussi soumis aux effets délétères du virtuel. Chercheuse au MIT, Sherry Turkle avance que l'utilisation intensive des réseaux sociaux ferait baisser le niveau d'empathie de 40 %. Enfin une bonne nouvelle dans le monde de la tech.
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