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La bamboche continue : sans alcool et avec des thèmes givrés

Faire la fête n'est plus aussi drôle qu'avant, sauf si on se déguise en hot-dog ou en célébrité problématique.

« Le temps où le quotient cool d'une fête était déterminé par des salons saccagés, aspergés du contenu de gobelets de plastiques rouges usagés (...) et de regrettables selfies miroirs partagés sur Instagram est révolu. Aujourd'hui, nous mesurons le succès d'une fête à son thème farfelu, souvent vu à travers une vidéo TikTok semi-virale comprenant costumes et blagues d'initiés. Tout rassemblement, aussi intime soit-il, a apparemment besoin d'un thème », écrit récemment The Cut. Ou comment boire des margaritas en se trémoussant sur Azealia Banks nous amuse moins, sauf si l'on reproduit la silhouette de notre personnage de séries TV des années 90 préféré. Pour briller en ligne, mais surtout pour renouer les uns avec les autres.

Le récit (en ligne) de la fête est la moitié du plaisir de la fête

D'après un proverbe tadjik, le récit de la fête compte pour la moitié des joies des festivités. Surtout si ce récit devient semi-viral en ligne. Tout commence durant la pandémie avec l'émergence de soirées d'un genre nouveau. Las de confectionner du pain maison et d'assister à des réunions Zoom, certains internautes partagent en ligne avec leur entourage des présentations Power Point soigneusement conçues, dans lesquelles ils brossent le portrait chinois de leurs amis, ressortent des photos dossier ou attribuent des notes aux animaux de compagnie de leurs ex. Après la levée des restrictions, la tendance se poursuit par le truchement des fêtes à thèmes : habillez-vous comme votre cocktail favori, comme une planche de charcuterie, comme Charlotte de Sex and the City (mais à 70 ans), ou comme si c'était les funérailles de votre sugar daddy. On peut pimenter la soirée avec des variantes type : « ramenez un ex ». Autre idée en vogue, les « soirées eau pétillante », où les invités apportent chacun une bouteille d'eau minérale pour, les yeux bandés, deviner le nom de la marque et gagner un prix. « L'isolement social nous a obligés à être plus créatifs dans la façon dont nous passons du temps ensemble ; ces thèmes se concluent par un artefact et un récit qui perdurent bien après la fin de la fête », explique Shreya Murthy, CEO de l'application de planification de fêtes Partiful, à The Cut.

@ckhlauet

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Sans alcool, la fête est plus folle

Faire la fête à la maison, c'est court-circuiter les prix prohibitifs de la plupart des clubs de centre-ville, qui oblige à claquer des sommes folles en cocktails souvent médiocres. Mais l'engouement pour les soirées à thèmes et les déguisements proviendrait aussi de notre désintérêt croissant pour les boissons alcoolisées. « Les consommateurs repensent leur façon de boire de l'alcool. Que ce soit par crainte de la gueule de bois ou par engouement pour de nouvelles boissons peu alcoolisées », explique Pinterest dans son rapport Predictions 2023. Et comme le note The Guardian, c'est d'autant plus vrai pour la France, pays où le marché des boissons sans alcool croît le plus vite. Sans ce lubrifiant social, les fêtards trouvent d'autres moyens pour se connecter aux autres. Comme organiser des jeux pour ponctuer la soirée. Au hasard : expliquer quelle chanson de l'album Midnights de Taylor Swift représente au mieux l’hôte.

Ce type d'activités renforcerait les liens en communiquant à leur entourage l'impression chaleureuse d'être vu et compris de manière plus intime qu'en partageant une bière. « Pour beaucoup de gens, l'alcool est le mode par défaut de la fête, or ces soirées à thème introduisent un nouveau niveau de jeu dans nos amitiés – une nouvelle appréhension et dynamique », explique Danielle Bayard Jackson, coach et éducatrice basée en Floride. En 2021, Jérémie Peltier, directeur des études du think tank de la Fondation Jean-Jaurès, observait dans son ouvrage La fête est finie ? que nous serions collectivement moins enclins à faire la fête, entre repli identitaire, omniprésence des réseaux sociaux et fatigue existentielle. Un déclin de la bamboche qui peut-être touche à sa fin, avec des soirées arrosées d'eau pétillante parfumée et de chapeaux de cow-boy à sequins.

Laure Coromines

Laure Coromines

Je parle des choses que les gens font sur Internet et dans la vraie vie. Fan de mumblecore movies, de jolies montagnes et de lolcats.
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