Au large du Honduras, dans la mer des Caraïbes, l'entreprise Minicircle fait ses premiers essais cliniques pour une nouvelle thérapie génique controversée. Son but : nous rapprocher de l'immortalité.
Accepteriez-vous de servir de cobaye à une nouvelle thérapie génique censée vous offrir une cure de jouvence contre une rémunération de 1 Éther (soit 1 500 euros) ? C’est le deal que propose la société américaine Minicircle. Plus étrange, pour faire partie de cet essai clinique commencé il y a un an, les participants doivent acquérir un NFT. Et pour en rajouter une couche : l’essai se déroule à Próspera, une ville de l’île de Roatan (au Honduras) définie comme un paradis fiscal centré sur l’innovation technologique. Ce mariage entre crypto et biotech est raconté dans les colonnes du MIT Technology Review.
Minicircle a pour ambition de changer le financement de l’industrie pharmaceutique et de trouver les clés de l’immortalité, en toute simplicité. Mais aussi de trouver des traitements peu chers contre le VIH, l’obésité, ou encore la SLA (la maladie de Charcot). Et de rendre tout cela accessible au grand public.
Une technologie douteuse
La thérapie génique est une méthode médicale qui consiste à introduire des gènes directement dans les cellules d’un individu pour rétablir un gène défaillant, par exemple. Aujourd’hui, les traitements sur le marché sont extrêmement chers. La thérapie génique de l’entreprise américaine Hemgenix contre l'hémophilie B, approuvée par la FDA en novembre 2022, est vendue 3,5 millions de dollars la dose. C’est le médicament le plus cher au monde. L’objectif de Minicircle est de proposer des thérapies géniques abordables et faciles à produire.
Pour son essai – rémunéré en cryptomonnaies – évoqué plus haut, la startup mise sur un traitement à base de follistatine, un type de protéine qui a un effet sur la masse musculaire. « La thérapie génique à base de follistatine augmente la masse musculaire chez l’animal. Cela double sa densité osseuse et diminue sa masse graisseuse par deux. Le système cardiovasculaire est amélioré. L’animal vit plus longtemps et en meilleure santé », estime Mac Davis, le fondateur de Minicircle interviewé dans le podcast Finding Founders.
Sur le papier c’est effectivement alléchant. Mais les scientifiques interrogés par MIT Technology Review sont plus sceptiques. « Si je voulais faire une cure de jouvence, je ne miserais pas sur la follistatine », explique Robert Kotin, professeur à l’Université du Massachussetts, expert en thérapie génique. Aucune recherche sérieuse n’appuie les dires de Minicircle.
Eau turquoise et Bitcoin
Le déroulé de l’essai soulève, lui aussi, quelques questions. L’expérimentation de Minicircle a lieu dans une clinique à l’architecture élégante et boisée de Próspera. Cette ville des Caraïbes a vu le jour en 2020. Il s’agit d’une Zone d’Emploi et de Développement Économique (ZEDE), des espaces issus d’une législation datant de 2011. Ces zones sont censées permettre au Honduras de devenir un centre économique d’Amérique latine. Concrètement, elles permettent à des investisseurs privés de s’approprier un bout de territoire pour y développer des entreprises, en contrôlant le régime fiscal et l’administration de la zone. Bref, de privatiser toute une région. De quoi provoquer l’inquiétude chez la population hondurienne, qui craint une diminution de ses droits. Après plusieurs années de débats entre les citoyens et les investisseurs, le nouveau gouvernement hondurien de la présidente Xiomara Castro a abrogé en avril 2022 des lois qui avaient permis la création des ZEDE.
Mais Próspera a continué ses investissements comme si de rien était. La ville a adopté le Bitcoin comme monnaie officielle en avril 2022. Et elle abrite un centre d’éducation à la cryptomonnaie, créé par un entrepreneur slovaque.
Une juridiction floue
Próspera est notamment financée par Peter Thiel, fondateur sulfureux de Paypal et ex-conseiller de Donald Trump et Marc Andreesen, à la tête d’un des plus importants fonds d’investissement de la Silicon Valley. Minicircle est, elle aussi, financée par Peter Thiel et Sam Altman, cofondateur d'OpenAI, l'entreprise derrière ce cher ChatGPT. L'entrepreneur soutient d'ailleurs un projet crypto dans la même veine, baptisé Worldcoin.
Si Minicircle, entreprise américaine, a décidé de mener ses essais cliniques à Próspera, c’est pour une question de coûts. C’est ce que précise la biotech sur son site. Elle compte ensuite mener des essais cliniques complémentaires aux États-Unis. Par ailleurs, l’entreprise a été attirée par le cadre légal très souple de Próspera. Comme l’explique son fondateur Mac Davis dans le podcast Finding Founders. « Les clés pour atteindre l'immortalité : nous en avons déjà découvert quelques-unes. Notre choix c’est juste de les essayer et de ne pas être entravés par la peur et les régulations. »
Problème : la régulation encadrant les essais cliniques à Prospéra n’est pas claire du tout. Interrogé par MIT Technology Review, un porte-parole de la ville évoque « un éventail de garde-fous réglementaires propices à l'innovation »,... sans développer.
Le projet de Minicircle, si étrange soit-il, est représentatif de deux tendances de fond. D’abord, la startup s’intéresse à la longévité – un axe de recherche qui suscite l’engouement de nombreuses entreprises et investisseurs. Et elle partage comme d’autres l’ambition de court-circuiter les parcours habituels pour développer et mettre sur le marché un médicament. Curie.bio est un autre exemple de cela. Ce fonds d’investissement, qui vient de lever plus de 500 millions de dollars, veut accélérer le développement des startups qui créent de tous nouveaux médicaments.
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Cordialement
Jamal