Une culotte rose

« Préliminaires », le docu bouleversant qui témoigne de la pression des ados face au sexe

© Les Films d'Ici

Fellation, cunnilingus... Sans « prélis », ils sont « sans avenir » au collège. Face au regard du groupe et pour affirmer leur appartenance, ces adolescents s’adonnent très tôt, parfois dès la troisième, à ce nouveau rite de passage qui remplace le premier baiser. Quitte à mettre leurs envies et leur innocence de côté.

Avec le documentaire Préliminaires diffusé sur Arte, Julie Talon analyse ce nouvel ordre amoureux et met en lumière le sacerdoce des adolescents : une sexualité anxiogène, souvent subie, mise en scène sur les réseaux sociaux et prise entre les feux de la domination masculine, du consentement et des tabous homosexuels.

« La sexualité, le bac de la vie sociale »

Inès, Antoine, Dounia et Basil ont entre 13 et 23 ans. Avec une lucidité frappante, les plus jeunes racontent leur quotidien tandis que les autres reviennent sur leurs années collège, où malgré leur méconnaissance du sujet ces ados se sont jetés à bras-le-corps dans « les prélis. »

À la question : « c’est quoi les préliminaires ? », Inès, 14 ans, répond timidement. « Pour moi, les prélis c’est un peu flou, j’en entends parler dans des chansons (…) mais en vérité je ne peux pas donner de définition concrète car je n’en ai jamais fait et je ne sais pas vraiment pas à quoi cela ressemble. Je ne sais pas si cela réchauffe l’ambiance, et s'il faut les faire ? » Hésitante, elle propose une définition. « C’est peut-être le faire l’année avant laquelle on veut une relation sexuelle, ou quand on ne veut pas être directement dans le sexe pur… ? » 

La voix parfois tremblante, ils racontent avec beaucoup de sensibilité et de finesse (et quelques rires jaunes) leur introduction à la sexualité. Par peur d’être ostracisés ou moqués, tous ont ressenti la pression à s’inscrire dans des scénarios très codifiés, entre échange de nudes, de sextos et de sexe oral maladroit. « Je me souviens d’une nana en 4ème qui avait fait une fellation à son copain. Tout de suite elle était sur un piédestal. J’avais bien conscience que les prélis, c’était un truc glorifié et valorisant », se rappelle Emma, 21 ans, petite brune au carré flou. D’ailleurs, plutôt que de les pratiquer, on préfère en parler. « J’étais plus contente d’en discuter avec mes copines que de l’avoir fait, car ce n’était pas particulièrement agréable. »

Ces jeunes ont d'ailleurs bien intériorisé que les préliminaires n’étaient pas censés l’être, agréables. Lisa, 19 ans, lovée dans son hoodie marron, se souvient : « On savait qu’en tant qu’adulte on allait le faire alors autant s’y coller dès maintenant... » Fataliste, elle se rappelle avoir redouté la chose « comme une visite chez le dentiste. »

Sous peine de rester à la traîne, les ados ne peuvent couper à ce rituel. « C’est un peu le bac de la vie sociale. On vous dit que sans bac vous n’irez pas loin professionnellement. C’est pareil avec la sexualité », souligne Jules, 19 ans, d’un ton amer. 

Consentement et domination masculine

Tirer une croix sur « les prélis », c'est s'exposer aux moqueries voire au harcèlement, et ce quel que soit son genre. Pour les garçons, ce sera passer pour celui qui ne « performe pas », pour les filles, ce sera récolter le titre de « coincée » par opposition à celui très convoité de « bonne » ou de « baisable. » « C’est comme si tu étais noté tout le temps, par tout le monde », déplore Reda, 20 ans.

Alors pour faire passer la pilule, on use du verlan et de l’anglais : « boobs », « eins »... Cela permet de prendre les choses à la légère, de tenir le corps à distance, de se dire que finalement, « ce n’est pas si grave. » Au fil des échanges banalisés de sextos et de nudes qui « dédramatisent », les garçons ont l’impression de « monter dans un ring » et la réticence des filles s’assouplit.

En filigrane, c’est l’omniprésente question du consentement et de la domination masculine qui se dessine. « Les règles sont très codifiées, il faut rentrer dans des cases très déterminées par la pornographie et le rap (…) qui nous disent qu’il faut prendre une fille par tel ou tel trou. Si on ne le fait pas, on passe pour quelqu’un qui se dégonfle et malheureusement, les filles ont intégré ça. (...) Cela donne lieu à beaucoup de pratiques violentes, comme l’étranglement », rapporte avec un ahurissement teinté de colère Martin, 18 ans, qui note que très tôt les rapports sont déjà biaisés et centrés sur le plaisir masculin.

Avec une certaine mélancolie, Basil, 19 ans et look de dandy, s'étonne : « Ce qui est très étrange, c’est que les adultes ne sont pas au courant… Toutes ces sous-cultures qui se sont construites sans qu’on en parle, le porno, les nudes, les préliminaires… Maintenant, c’est un jeu de cour d’école ».

Laure Coromines

Laure Coromines

Je parle des choses que les gens font sur Internet et dans la vraie vie. Fan de mumblecore movies, de jolies montagnes et de lolcats.
commentaires

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  1. Avatar melanie dit :

    "La chute des œstrogènes plasmatiques s’accompagne de l’arrêt du comportement sexuel chez certaines espèces et donc du refus du mâle" (https://bit.ly/3xfXBFl)

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