Jeune femme de profil avec poids dans les mains

Objectif longévité : les nouvelles frontières du fitness

© Andrea Piacquadio

Out le cardio à outrance, le No pain, no gain hurlé par le coach qui a loupé sa vocation de sergent-chef, l'obsession de la balance... En 2023, on surmonte sa gymtimidation, on évite les gymweirdos, on lève de la fonte et on soigne sa récup', pour rester vivant le plus longtemps possible.

Quoi de neuf sur le front du fitness ? Là aussi, la pandémie a laissé des traces : plus question d’épuiser son corps à coups de routines échevelées et d’efforts inconsidérés – la vie est déjà suffisamment dure pour ne pas en rajouter. Out la hustle culture et le No pain, no gain longtemps de rigueur dans les vestiaires des salles, on arrête de confondre entraînement et maltraitance auto-infligée, on s'entraîne smart en concentrant sur les modalités susceptibles d’améliorer le bien-être et la longévité. La santé devient l’objectif premier, et elle se mesure avec de nouveaux indicateurs autrement plus éloquents qu’un chiffre sur la balance, jusqu’alors seule obsession d’une sphère fitness obsédée par la diet culture : ce sont les NSV (non-scale victories, victoires non reliées à la balance) : sommeil, confiance en soi, qualité de la peau et des cheveux, niveaux d’énergie, santé mentale, communauté, etc.

L’ère du fitness fonctionnel

Bienvenue dans l’ère du fitness fonctionnel. Il s’agit de se concentrer sur les capacités fonctionnelles du corps, comme la stabilité, la coordination, la mobilité, l’équilibre ou la force pour mieux vivre au quotidien, en se concentrant sur les mouvements plutôt que les muscles : poussée, traction, accroupissement, flexion… Bref, tout ce qui permet de bouger librement, aussi longtemps que possible. Une vision déjà popularisée par le crossfit très en vogue dans les années 2000, mais privilégiant aujourd’hui une moindre intensité afin d’éviter les blessures.

Avec son recours régulier au travail en résistance (poids libres, élastiques ou poids de corps), ce mouvement participe du retour de hype de la musculation. Celle-ci s’inscrit à la fois dans une construction identitaire, « le dernier rempart de notre souveraineté, un capital à valoriser et à faire fructifier » – ainsi que le montre l’interview à L’ADN du sociologue et pratiquant Guillaume Vallet, auteur de La Fabrique du muscle, mais accompagne aussi les changements de représentations, notamment chez les femmes. Certaines influenceuses revendiquent d’être « tankées » ou « baraquées » (bulky en anglais), comme Megsquats (500 000 followers YouTube), 34 ans, Angel Joy Flores (167 000 followers), athlète et activiste trans révélée dans la saison 6 de Queer Eye, ou Susan Niebergall (150 000 followers Instagram), 59 ans. Des role models de tous âges et horizons, qui trouvent un nouvel écho auprès de celles et ceux qui veulent combattre la sarcopénie, à savoir l’inévitable fonte musculaire à laquelle nous sommes condamnés dès 30 ans et qui s’accélèrent avec l’âge.

Cycle Syncing et Menopause Gold Rush

On cherche aussi à mieux personnaliser ses entraînements, voire les synchroniser avec ses rythmes naturels. En l’occurrence, il peut s’agir du cycle menstruel, une pratique nommée cycle syncing – et qui peut s’étendre par ailleurs à l’ensemble du style de vie, comme l'alimentation. Une tendance parfaitement en ligne avec le boom de la « santé hormonale », un sujet qui concentre bien des convoitises. Importante à tous les âges, autant pour les hommes que pour les femmes, elle trouve aujourd’hui son incarnation éclatante via la mise en lumière d’un sujet longtemps tabou : la ménopause. Au point que le New York Times et le Financial Times ont qualifié le moment de « ruée vers l’or » . Il faut dire qu’en termes d’opportunités de marché, les chiffres se posent là : selon l’Organisation mondiale de la Santé, en 2021, le nombre de femmes de plus de 50 ans représentait 26 % de la population de femmes dans le monde, en hausse de 22 % en dix ans. Le marché global de produits dédiés à la question devrait passer de 15,4 milliards de dollars en 2021 à 24,4 milliards de dollars en 2030, selon Grand View Research, drivé par la croissance du marché des compléments alimentaires.

Encore une fois, célébrités et influenceuses jouent un rôle dans ce travail pédagogique, en partageant leur expérience de symptômes jusqu’alors subis en silence par les femmes pendant cette transition de milieu de vie : les fameuses bouffées de chaleurs, mais aussi le sommeil en carafe, la prise de poids, la libido en berne, les pertes de mémoire, la dépression… N’en jetez plus. Citons l’actrice Naomi Watts, qui a lancé sa marque et communauté Stripe, la gynécologue et militante américano-canadienne Jen Gunter, la coach fitness britannique Amanda Thebe, autrice de Menopocalypse, ou la chercheuse et athlète néo-zélandaise Stacy Sims. Cette dernière a bâti sa carrière sur les différences physiologiques entre femmes et hommes dans le sport de haut niveau, qu’elle raconte dans le Ted Talk Women are not small men – pointant l’angle mort constitué par des décennies de sous-représentation des femmes dans la recherche scientifique, non seulement dans la filière mais aussi dans les cohortes. Sims cherche depuis à « biohacker » le genre féminin en concentrant ses recherches sur cette question.

Partisan du moindre effort avec les lazy workouts

Le Zone 2 Cardio (travail en endurance fondamentale, entre 60 et 70 % de la fréquence cardiaque maximum, aussi appelé LISS pour Low Intensity Steady State) coche également de nombreuses cases : renforcement cardiovasculaire et combustion des graisses certes, mais aussi bénéfices prouvés sur les fonctions cognitives, pile en phase avec les aspirations contemporaines au bien vieillir. Les montres cardio et autres trackers d’activité, disponibles à tous les prix, permettent à cette tendance de se déployer – ainsi que plus largement, celle consistant à suivre son activité avec une granularité maximum. Au risque cependant de se créer une nouvelle charge mentale, comme le montre ce thread Reddit dans un sub consacré au vélo, nommé Zone 2 obsession is driving everyone crazy. Sinon, pour vérifier si votre effort est bien conforme à ce lazy workout, ainsi que le surnomme le journal anglais The Telegraph, rien de tel que la méthode à l’ancienne : vous pouvez parler, tout en maintenant votre effort ? Vous êtes bien en zone 2, bravo et continuez de pédaler.

Toujours dans le style Get fit, not fried, la marche revient en force, notamment sur les réseaux sociaux. Dans ce sillon, on notera la tendance Hot Girl Walk, créée par Mia Lind pendant la crise sanitaire de 2020. Le principe ? Un mélange de marche à pied et de psychologie positive (pensez gratitude, pensez self-esteem et marchez comme si le monde vous appartenait, en substance), aujourd’hui marque déposée. Elle se pratique en club et réunit près de 700 millions de vues sur TikTok. Plus largement, les salles de sport américaines comme SLT à New York, le très haut de gamme Equinox ou la plateforme digitale Peloton proposent désormais des classes dédiées à la marche sous toutes ses formes sur tapis roulant. Et YouTube regorge de ces « in-door walking workouts » pour vous aider à atteindre votre objectif de pas sans bouger du salon, comme sur Walk at Home, la chaîne de Leslie Sansone aux 4,3 millions d’abonnés, au style délicieusement 80s.

@exactlyliketheothergirls #hotgirlwalk #hgw ♬ Pretty Girls Walk - Big Boss Vette

NEAT et micro-workouts

Et si vous n’avez pas le temps, il y a toujours le micro-workout : plus besoin de transpirer pendant des heures, on s’attache désormais aux effets cumulatifs de l’exercice physique à petites doses – c’est la science qui le dit : une étude publiée en décembre 2022 par Nature Medecine a établi que les courtes périodes d’activité un peu vigoureuse (deux minutes de marche rapide par ici, quelques marches grimpées à la volée par là) au sein d’une même journée sont associés à une chute drastique de mortalité toutes causes confondues, on parle d’une fourchette comprise entre 30 et 40 %. Et l’on pourra aussi chercher à augmenter son NEAT (Non-Exercise Activity Thermogenesis), cette part d’activité non reliée au sport.

Dans cette ambiance pleine de self-care, il ne sera pas étonnant de constater que repos, sommeil, mobilité, récupération et réparation sont enfin considérés comme partie intégrante de l'entraînement : n’est-ce pas pendant les jours off que les muscles se construisent ? Une tendance chroniquée dès 2022 par le Wall Street Journal : yoga restauratif, mobilité, pilates ou méditation, zones de récupération avec fauteuil de massage et pistolet de massage à percussion, chambres de cryothérapie… Les salles complètent leur arsenal pour répondre à cette nouvelle demande.

@vickyplamenova 5 mobility drills I've been doing at least once a week for a while now 🤌 #mobility #mobilityexercise #mobilitytraining #bodyweighttraining #bodyweightexercises #warmup #homeworkout #fitnessmotivation ♬ if u use this sound ur automatically hot - 🎸

Haro sur les gymweirdos

Mais d’une façon générale, c’est bien l’organisation globale des salles qui se transforment. Longtemps temples des cardio bunnies (littéralement, lapins cardio, souvent de sexe féminin, qui s’époumonent sur l’elliptique ou le tapis de course), les salles écartent désormais ces équipements pour faire la part belle aux haltères, et autres racks de musculation, ou créer de l'espace disponible pour faire vos exercices, comme rapporté par CNN Business, dans un papier récent. Le média américain avance ainsi que la demande de cours de renforcement musculaire est en hausse de 94% en 2022 par rapport à 2021. Et en 2021, les abonnements en salle ont enregistré une hausse de 3,6% par rapport au niveau pré-Covid. Durement touchées par la pandémie, elles ont évidemment tout intérêt à se saisir au mieux de cet intérêt renouvelé. L’axe qui pourrait faire toute la différence ? La capacité à créer des communautés équilibrées et inclusives, au moment où la solitude fait des ravages. Car entre la « gymtimidation » (la peur du club de gym) et les « gymweirdos » et les « gymcreeps » (les « relous » qui harcèlent en salle de sport), faire de la salle un safe space est aussi important que d’aligner un choix décent de kettle bells.

@ginaveelay Be careful out here girlies cause wtf #creep #weirdo #gymcreep #k18results #gymweirdshit #awareness #awarenessvideo #creepyguys #fyp #viral #fyp #gymprobblems #gymissues #inconsiderate #inconsideratepeople #selfawareness #selfaware #danger #creepy #creepyguystaring #creepyguystory #creepyguywithacamera #workingout #fitness ♬ original sound - Gina

Carolina Tomaz

Journaliste, rédactrice en chef du Livre des Tendances de L'ADN. Computer Grrrl depuis 2000. J'écris sur les imaginaires qui changent, et les entreprises qui se transforment – parce que ça ne peut plus durer comme ça. Jamais trop de pastéis de nata.
commentaires

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  1. Avatar A. dit :

    J'ai des courbatures en vous lisant ! Toutes ses pratiques qui mettent le corps en spectacle, n'est ce pas ajouter un canal de servitude , qui s'ajoute à la servitude numérique etc...Pourquoi ne jamais parler de tai chi, de gi gong, arts martiaux internes. Pas de spectacle On pratique pour soi , souvent en silence, soignant son calme intérieur et donc la disponibilté à son environnement, à l'éco système ....

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