Lèvres gonflées, joues enfiévrées, pupilles brillantes… Le crying makeup est la dernière tendance maquillage adoptée par les Z pour sublimer et répliquer les effets des pleurs sur le visage. La sad girl est bel et bien de retour.
La tristesse, c'est plus qu'un état d'âme. Dorénavant, c'est aussi une tendance beauté, ce sont les maquilleuses sur TikTok qui le disent. La sad girl à fleur de peau des années 2010 ferait-elle un (énième) tour de piste pour écouter des chansons tristes, regarder la pluie tomber et assortir ses publications Instagram de citations tourmentées ? Visiblement.
C'est quoi le crying makeup ?
D'après les Z, avoir l'air d'être au bord des larme rendrait plus belle et séduisante. Bonne nouvelle, pas besoin de se sentir proche de l'effondrement pour adopter la tendance lacrymale. Récemment, la maquilleuse et influenceuse beauté Zoe Kim Kenealy expliquait à ses quelques 124 000 abonnés comment recréer les traits d'une jeune première au sortir d'une douloureuse session de pleurs. « Ok donc vous, les filles un peu instables... Vous voyez comment on a l'air plus jolies quand on pleure ? Bon, cela implique certaines choses, mais si vous n'êtes pas d'humeur à pleurer pour de bon, vous pouvez toujours recréer le look avec du maquillage », affirme la créatrice, tube de gloss dans une main, pinceau dans l'autre.
Dans le clip, déjà visionné près de 3 millions de fois, Kenealy ne laisse rien au hasard. Elle « crée une rougeur autour de ses yeux, de son nez et de ses joues à l'aide de poudre, et rend ses yeux larmoyants avec un fard à paupières liquide à paillettes. Pour finir, elle macule ses lèvres avec une combinaison de couleurs et de gloss, puis ajoute du gel pailleté sur son visage pour imiter les larmes », note The New York Post.
Suite à la publication, les internautes se sont divisés en deux camps : ceux qui estiment que rendre la tristesse chic est dangereux (ou tout du moins de mauvais goût), et ceux qui préfèrent se tamponner de gloss pour donner l'impression de lèvres gonflées, molles et légèrement marbrées. Quoi qu'il en soit, la tendance décolle sur TikTok, avec déjà plus de 6 millions des vues pour le #cryingmakeup. C'est clair, la sad girl marque son grand retour. Voilà pourquoi.
Pourquoi la sad girl revient en force
Pour Emma Madden, journaliste chez Jezebel, la sad girl en phase avec l'esthétique soft grunge « enjolive, maîtrise et atténue la douleur, ce qui la rend alors consommable, voire aspirationnelle. » En témoigne la popularité du #prettywhenyoucry sur Tumblr, en l'honneur de la chanson de Lana del Rey, qui a donné lieu à un déluge de selfies de jeunes filles en train de pleurer.
La version originelle de la sad girl est née dans les années 2010 sur Tumblr. On peut la reconnaître dans sa version la plus caricaturale à ses cheveux ébouriffés, son mascara coulant et ses reblogs de photos de paquets de clopes agrémentés de citations savamment nihilistes : life is a bitch and then you die, (la vie c'est horrible et ensuite on meurt, ndlr). Depuis l'avènement de cette esthétique de l'ado emo aux contours soigneusement dessinés, d'autres moutures de la sad girl, entre nostalgie et mélancolie patinée, sont apparues dans les films et séries (Rue Bennett dans Euphoria, Rebecca Bunch dans Crazy Ex-Girlfriend...). Et surtout la musique, avec Lana Del Rey en 2012 puis Billie Eilish en 2016, dans une variante moins glamour et plus sombre. (Pour certains critiques musicaux, « la sad girl pop » — dont l'Apocalypse pop, bande son de la crise climatique, est une sous-catégorie — s’imposerait d'ailleurs aujourd'hui comme genre musical à part entière.)
Selon les modes et les objets culturels, la sad girl varie stylistiquement, mais son substrat ne change pas. En exacerbant la tension entre beauté et douleur, la sad girl rendrait cette dernière plus supportable, et contribuerait à créer un espace thérapeutique pour des individus en proie à l’affliction profonde ou passagère.
Pour les youtubeuses de The Take, la sad girl aurait donc une fonction précise : « La tristesse de la sad girl ne découle pas d'une rage lourdement politisée, c'est un fardeau internalisé, une peine sans direction, filtré par la musique, les films et la littérature », qui nous fournirait « un support cathartique en des temps difficiles. » C'est notamment le cas de la waif girl (Francis dans Conversations with friends...), dernière émanation de la sad girl. Parfois pointée du doigt comme étant empêtrée dans des problématiques bourgeoises propres aux privilégiés, la waif girl assume néanmoins une tristesse plus métaphysique et existentielle, à la fois intime et universelle façon Nouvelle Vague.
Pour Renecca Liu journaliste chez Another Gaze, cet archétype de femme millennial demeure toutefois « jolie, blanche, cisgenre, assez torturée pour être intéressante, mais pas trop pour qu'elle n'en devienne pas repoussante. » Et ce ne sont pas les vidéos sous le #cryingmakeup qui démontrent le contraire.
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