Ne pas subir le joug des « Big Tech suzeraines », c’est l’objectif d’Erik Finman, 22 ans. L'entrepreneur lance un téléphone à 500 dollars « impossible à censurer » pour répondre aux besoins des conservateurs et de l’ultra-droite.
En juillet 2021, Erik Finman publie une vidéo sur Twitter. Sur fond de drapeau américain et de chevelure décolorée, elle cumule plus d’1,8 million de vues et 11 000 partages. Pour The New York Times, le jeune homme fait partie d'une « industrie technologique de droite en pleine croissance qui s'appuie sur le dégoût de leurs clients conservateurs pour la Silicon Valley. »
Ou comment un coup d'éclat business menace de polariser (encore plus) la lecture du monde et les discours politiques.
Qui est Erik Finman, millionnaire Bitcoin ?
Il s'est autoproclamé « millionnaire Bitcoin le plus jeune du monde. » À 12 ans, et à l'instar de Peter Thiel, patron de Palantir, il se serait découvert « libertarian », libertaire en français (c'est du dernier chic.) À 14 ans, il investit les 1 000 dollars offerts par sa grand-mère dans le Bitcoin pour se retrouver trois ans plus tard à voler en jet privé et enflammer un billet de 100 dollars sur son compte Instagram.
Né de parents doctorants rencontrés à Stanford, Erik Finman grandit à Cœur d’Alene, en zone rurale dans le nord de l'Idaho. En 2016, il tombe en admiration devant Donald Trump et prend en grippe la Silicon Valley, qu’il accuse haut et fort de censurer les discours conservateurs.
Flairant l’opportunité business, il pitche le Freedom Phone en juillet dernier lors d’un épisode de l’émission « Candace » (animé par Candace Owens, décrite par The New York Times comme une « activiste conservatrice » ) avant de dévoiler son produit en vidéo. Son slogan : « Nous reprenons enfin le contrôle. » Comprendre : contre la Silicon Valley, le gouvernement, les médias mainstream.
Freedom Phone : comment ça marche ?
Pour fabriquer le Freedom Phone, Erik Finman a utilisé le logiciel de Google disponible en open source et compatible avec des millions d'applications, embauché des ingénieurs pour le dépouiller de « toutes traces » du géant californien puis l'a chargé à bloc d’app, médias et réseaux sympathisants. Dernière étape : installer le logiciel sur des smartphones achetés chez Umidigi, un fabricant low-cost chinois.
Dépassé par la popularité de son produit, Erik Finman s'est associé à l'entreprise ClearCellular, pionnière dans la création de téléphones affranchis d'Apple et Google et dorénavant en charge de la logistique et de la fabrication. À ce jour, le libertaire peroxydé aurait reçu près de 12 000 commandes, ce qui porterait son chiffre d'affaires, réalisé en moins de 8 semaines, à quelques 6 millions de dollars – à partager entre lui et ClearCellular.
Libéré de la gestion de l'entreprise, le jeune homme serait selon le média américain en train de construire une « opération politique » et en plein pourparlers avec de potentiels investisseurs à Washington... Son ambition : faire du Freedom Phone « l'outil politique ultime » , à portée de main dans la poche de tous.
Pourquoi ça marche ?
Brimés, il fallait aux conservateurs des canaux de communication conçus sur-mesure qui ne tomberaient pas sous la censure des Big Tech et de la bienséance mortifère ambiante. (Ironie.)
Résultats : applications et réseaux qui échappent au fact-checking poussent comme s'il en pleuvait. On recense notamment Parler, réseau social ressemblant à Twitter financé par la donatrice conservatrice Rebekah Mercer, Gab, que Google et Apple refusent de soutenir, ou encore Rumble, un Youtube très à droite, ou Gettr, créé par des anciens soutiens de l’administration Trump. Bref. En quelques mois, la chose s'est affirmée : la tech est devenue le véritable terrain de jeu d'affrontements idéologiques.
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