
Malgré leur image plutôt moisie que hype, les champignons se font une place dans notre quotidien. On commence (enfin) à se rendre compte de leurs propriétés extraordinaires. En 2021, ils vont révolutionner le monde de la santé et du bien-être.
En matière d’histoires insolites, 2021 commence sur les chapeaux de roues. Le 13 janvier, Insider publiait le récit d’un Américain qui s’est retrouvé à « faire un trip » aux urgences à cause de champignons psychédéliques. Bipolaire, le trentenaire souhaitait diminuer sa consommation d’opioïdes et se tourner vers les « champignons magiques » pour se soigner. Malheureusement, au lieu de consommer la psilocybine – molécule qui rend les champignons psychédéliques – par voie orale, l’homme s’est injecté le produit en intraveineuse. Le champignon a commencé à se développer à l’intérieur de son corps et à attaquer ses organes internes. Résultat : un séjour de trois semaines à l’hôpital.
Derrière l’anecdote spectaculaire se dessine une vraie tendance : celle des champignons qui s’immiscent dans notre quotidien. Dans nos assiettes, nos vêtements, nos chaussures ou nos habitats, ils sont partout. Et là où ils sont plus tendance – et utiles – que jamais, c’est dans le secteur du bien-être et de la santé.
Bien-être, médecine douce et retour vers la nature
Les champignons ont carrément bouleversé la vie d’Alexandra Courio, fondatrice de Mycelab. Docteure en pharmacie et fille de pharmaciens, sa voie était toute tracée. Jusqu’au jour où, en quatrième année, Alexandra assiste à un cours sur les champignons. Bim ! C’est le coup de foudre. « J’ai décidé de ne pas faire de l’officine. J’ai basculé en master entrepreneuriat à l’ESSEC », raconte celle qui est désormais à la tête de Mycelab, une marque de compléments alimentaires à base de champignons. Son objectif : qu’on parle enfin des bienfaits de ces organismes.
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Du reishi pour la longévité, du cordyceps pour les athlètes, du shitake pour stimuler son métabolisme et du maitake pour renforcer son système immunitaire..., à écouter Alexandra, on se rend vite compte que les champignons ont bien des choses à nous offrir. En plus de pouvoir satisfaire nos besoins, les fongus s’intègrent dans la grande tendance « bien-être naturel » du moment. Parmi les clients de Mycelab, on trouve donc des personnes en recherche de remèdes naturels pour soigner les maux de l’époque et prendre soin d’eux grâce à une consommation en accord avec la nature.
Du côté de la cosmétique aussi, les champis font des émules – notamment grâce au boom de la K-beauty et des soins venus de Corée du Sud. La marque UNPA a lancé son baume à lèvres au reishi fermenté. Origins a lancé la gamme Mega-Mushroom. Et la marque de « beauté holistique » finlandaise Supermood s’y est aussi essayé avec sa gamme Egoboost.
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Ça bourgeonne et ça devrait continuer. Car en matière de champignons, on a encore beaucoup de choses à apprendre. « Il existe entre 2 et 5 millions d’espèces différentes. Quelques milliers sont répertoriées. 700 ont des indications thérapeutiques connues. Mais en pratique, on n’en utilise que 12 », nous explique Alexandra, bien décidée à faire bouger les choses.
Réhabiliter l'image du champignon
Rien ne semble résister aux pouvoirs des champignons. À se demander pourquoi il aura fallu attendre 2021 pour qu’on s’intéresse sérieusement aux fongus. Alexandra nous rappelle que les champignons sont utilisés dans les médecines traditionnelles depuis des siècles et que même en Grèce Antique, Galien, le père de la pharmacie, évoquait déjà les champignons dans ses écrits. Malheureusement, ça se gâte au Moyen-Âge où leurs vertus incroyables sont assimilées à de la magie. Et donc, très mal vues. Au XIXe siècle, des épidémies de mildiou qui ravagent les cultures achèvent de détruire la réputation des champignons et entérine leur diabolisation.
Cette mauvaise réputation des organismes qui la passionnent, Alexandra doit y faire face dès les débuts de Mycelab. Pour ne pas effrayer les consommateurs, ses premiers compléments alimentaires mélangent des plantes, dont les bienfaits sont connus, à des champignons. Objectif : miser sur la popularité de la phytothérapie pour faire découvrir la mycothérapie, beaucoup plus confidentielle. Et ça n’est pas simple. « Il y a un vrai travail à faire pour éveiller les gens aux bienfaits des champignons et qu’ils ne soient plus seulement associés à la mycose ou la moisissure », soupire Alexandra.
La France à la traîne
Outre-Atlantique, les champignons ont déjà pris quelques longueurs d’avance, notamment du côté de la médecine psychédélique. Dès 2018, un médicament à base de psilocybine mis au point par la start-up Compass Pathways pour traiter la dépression était considéré comme « thérapie innovante » aux États-Unis. Un statut conféré par la Food and Drug Administration qui permet d’accélérer le processus d’autorisation de mise sur le marché. Deux autres médicaments ont depuis reçu le même statut. La médecine psychédélique semble être bien lancée et ça intéresse les investisseurs. La start-up MindMed a déjà levé 24 millions de dollars tandis que Compass Pathway a désormais sa place à Wall Street après une IPO réussie en septembre 2020.
En France, psychédélique ou non, le sujet est encore loin d’agiter le monde du business. « À l’ESSEC, mes profs ne comprenaient pas pourquoi je m’intéressais aux champignons et je pense qu’honnêtement ils ne croyaient pas à mon projet », se souvient Alexandra. Même la loi française n’est pas encore prête puisque les champignons sont officiellement considérés comme des légumes. « On ne peut donc pas les vendre et les marketer pour leurs bienfaits comme des médicaments », explique la fondatrice de Mycelab. Mais petit à petit, les choses bougent dans l’Hexagone.
« Depuis le premier confinement, de plus en plus de gens me contactent, que ce soit des consommateurs, des producteurs ou des entrepreneurs », raconte cette passionnée qui accueille à bras ouverts ce regain d’intérêt pour la mycologie. Véritable ambassadrice française du champignon, l’entrepreneuse se réjouit de voir la production redémarrer en France après avoir chuté drastiquement dans les années 1970.
Un univers à réinventer
À l’image du mycélium, le réseau de filaments des champignons tout aussi développé que celui des arbres, Alexandra sait qu’il faudra créer un réseau français qui va bien au-delà de son domaine de la santé et du bien-être. Elle n’hésite donc à nous parler de tous les autres acteurs de l’univers des champignons : mycoremédiation pour nettoyer et ré-ensemmencer les sols, substitut de viande à base de champignons, briques de construction, etc. Alexandra en est persuadée « les champignons apportent une solution à chaque problème de notre époque ». Pour l’anthropologue Anna Tsing, les champignons pourraient même nous apprendre à survivre aux crises et prospérer dans les ruines du capitalisme.
Décidément, rien ne résiste aux champignons !
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