
Sur Instagram et TikTok, le compte Onlocklearning génèrent des millions de vues. Comment ? Grâce à des deepfakes de célébrités qui se transforment en profs.
« Onlocklearning » propose des cours de vulgarisation de sujets scientifiques en utilisant l'intelligence artificielle. Et ça cartonne ! Équations, fonctions, trigonométrie… Le compte qui cumule entre TikTok et Instagram près de 350k followers utilise des deepfakes pour enseigner les mathématiques et de la physique. Si cette nouvelle forme d’enseignement est rapidement devenue virale sur les réseaux sociaux, elle pose question.
Apprendre à résoudre des équations avec Kim Kardashian et Kanye West
Les vidéos, qui durent un peu moins d’une minute, abordent des concepts complexes avec simplicité. « Je veux que tout le monde puisse apprendre les mathématiques, la physique et l'ingénierie en quelques secondes », explique le propriétaire du compte dans sa description X (ex-Twitter). Mais au-delà du format, ce sont les célébrités transformées en « professeurs » qui attirent la GenZ. Mais qu'on ne s'y trompe pas. Les stars elles-mêmes n'ont pas donné de leur temps, elles ont été remplacées par des deepfakes. Dans la description de ces vidéos, le créateur des comptes précise systématiquement que les contenus sont de fausses vidéos générées grâce à l'intelligence artificielle : « Ce n'est pas une vraie vidéo/audio de Kim Kardashian ou de Taylor Swift. Il s’agit de contenus créés par l’intelligence artificielle pour aider les gens à apprendre les mathématiques, la physique ou l’ingénierie. »
Parmi les célébrités, on trouve le Père Noël ou Eminem pour expliquer les vecteurs, Kim Kardashian parler d'algèbre, ou trois présidents américains : Barack Obama, Donald Trump et Joe Biden pour populariser les concepts de différenciation et d’intégration. Une vidéo sur les logarithmes impliquant le milliardaire Elon Musk et la rappeuse Ice Spice comptabilise plus de 7,3 millions de vues entre Instagram et TikTok.
Et le droit à l'image dans tout ça ?
Si certains louent la créativité du compte, à l’image de Kes Sampanthar sur LinkedIn : « Cette utilisation fascinante des deepfakes pour créer une leçon de mathématiques attrayante nous montre le niveau de sophistication et de créativité que nous pouvons libérer », d’autres s’inquiètent. Peut-on détourner l’image de présidents américains, quand bien même l’objectif est éducatif ? Une question qui va bien au-delà du compte Onlocklearning et qui avait déjà suscité la polémique après la publication d'une fausse vidéo de Joe Biden chantant Baby Shark. Nombre d'internautes n'ayant pas compris qu'il s'agissait d'un montage.
Désinformation, constitution de fausses preuves, pornographie... Le champ des usages et risques associés aux deepfakes est vaste. Consciente des menaces que de tels outils peuvent représenter, l'Union européenne travaille actuellement sur l'Artifical Intelligence Act, un projet de réglementation contre les dérives des systèmes à base d’intelligence artificielle au sens large (reconnaissance faciale, deepfakes, ChatGPT…). En septembre 2023, la NSA (National Security Agency), la CISA (Cybersecurity and Infrastructure Security Agency) ainsi que le FBI ont alerté sur le rôle croissant des deepfakes dans des « opérations de désinformation, conçues pour influencer le public et diffuser de fausses informations sur des questions politiques, sociales, militaires ou économiques, afin de semer la confusion, l’agitation et l’incertitude ». Plus récemment, suite au scandale des deepfakes pornographiques dont a été victime la super star Taylor Swift, quatre sénateurs ont présenté la loi DEFIANCE Act visant à punir les responsables de la « prolifération de fausses images et vidéos non consensuelles et sexuellement explicites, souvent utilisées pour exploiter et harceler des femmes. »
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