Nextbot

Nextbot, le jeu du chat et de la souris qui enflamme TikTok

Sur la plateforme, un jeu vidéo assez moche a généré plus de 906 millions de vues. Retour sur un phénomène improbable.

Nous sommes dans un jeu vidéo un peu vieillot. Le joueur, représenté par une caméra à la première personne, court à vive allure dans des couloirs labyrinthiques. Derrière lui, on entend un hurlement lugubre et répétitif. La caméra se retourne brièvement pour montrer une image flottante en train de foncer vers elle. Il s’agit du visage déformé de Barack Obama et d’un personnage du manga Terraformas qui semble vouloir le toucher. Coincé dans un cul-de-sac, le joueur est rapidement rejoint par l’image flottante. L’écran devient rouge et la vidéo s’arrête. Ce que vous venez de lire est la description d’une partie d’un jeu vidéo intitulé Nextbot chasing. Et si vous jetez quelques coups d’œil sur TikTok, il y a de fortes chances que vous tombiez sur ce type de vidéos puisque le hashtag #nexbot (les internautes oublient souvent le T) cumule plus de 906 millions de vues. Comment s’explique un tel phénomène ?

Une vieille recette

L’invention de Nextbot chasing, relativement ancienne est liée à la scène du modding de jeux PC. Pour rappel, les moddeurs sont des développeurs, souvent amateurs, qui modifient les fichiers et le code de leurs jeux favoris pour proposer du contenu en plus. Dans la vidéo du youtubeur Gargin intitulée « How I made the most unnerving nextbot AI » (comment j'ai créé le nextbot IA le plus dérangeant), on apprend que les premières versions remontent à 2013 et utilisaient un éditeur de niveau assez populaire intitulé Garry’s Mod, datant lui-même de 2004. 

Le concept est relativement simple. Les développeurs créent des niveaux tortueux et fermés, sans aucune issue et lâchent les joueurs dedans. Ces derniers doivent échapper à un ou plusieurs chasseurs animés par une intelligence artificielle intitulée nextbot. Les caractéristiques principales de ces chasseurs sont de savoir naviguer parfaitement dans ces niveaux et de connaître l’emplacement du joueur pour lui courir derrière de manière inlassable. Il suffit alors de changer les niveaux et de placer une autre image et un autre son au chasseur pour créer une nouvelle version de Nextbot chasing. Cette simplicité permet d’expliquer son succès sur la plateforme de téléchargement de jeux comme Steam, mais pas son succès en vidéo.

L’explosion sur TikTok

Il a fallu attendre l’arrivée de la plateforme de partage de vidéos TikTok pour voir exploser la mode du Nextbot chasing. Il faut dire que ce type de jeu offre un contenu et un format parfait pour générer de la vidéo efficace et engageante. En tant que spectateur, on veut voir les efforts désespérés des joueurs d’échapper aux bots, mais sentir aussi le frisson de l’angoisse dans cette course-poursuite effrénée. Les extraits sont généralement angoissants et pleins de rebondissements ce qui en fait des petits films d’horreur, proche de l'univers SCP, à eux seuls. Si les joueurs qui s’enregistrent sont aussi des streamers connus, voir leur réaction d’effroi et leur hurlement quand ils se font attraper ajoute une couche humoristique à l’ensemble. Mais les Nextbot chasings sont aussi utilisés de manière plus détournée. 

Garder l’attention du viewer

On le sait, l’attention d’un utilisateur de TikTok ne dépasse pas les 5 secondes. Pour dépasser cette fameuse barrière sans que ce dernier ne scrolle sur une autre vidéo, les tiktokeurs ont recours à des subterfuges visuels : ils vont utiliser des extraits de parties de jeux vidéo tout en parlant par-dessus. Le contenu audio est bien souvent totalement décorrélé du contenu vidéo, mais ça ne fait rien. Il suffit que la partie de jeu filmée soit prenante et capte l’attention pour que la magie fasse son effet. Parmi ces formats, on retrouve beaucoup d’extraits issus de jeux de plateformes issus de Minecraft et les fameux Nextbot chasings qui donnent envie de voir la fin. 

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.
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