Capture TikTok @areteuhhhlouloutte de Louloute et sa mère

« Arrête louloute » : dans les secrets de l'un des comptes les plus polémiques de TikTok

© areteuhhhlouloutte via TikTok

Accusée d'exploiter l'image de sa fille sur TikTok, Julie* - la maman connue pour sa phrase « arrête louloute » - nous a raconté les coulisses de sa folle aventure.

Recueillir la parole de parents influenceurs qui mettent en scène leurs enfants sur YouTube ou TikTok est une chose délicate. Les interviews sont généralement rares et très contrôlées. Il faut dire que l'activité qui consiste à filmer ses enfants en train de déballer des cadeaux, de participer à des défis ou des pranks soulève beaucoup de questions auxquelles il n'est pas toujours agréable de répondre. Derrière les millions de vues de ce genre de contenus très populaires, on se demande souvent où commence l'exploitation et si ces enfants stars peuvent avoir une vie normale. Les interviews sont aussi difficiles, car ces influenceurs sont des professionnels de la mise en scène et qu'il devient difficile de faire la part du vrai et du fake. Quand Julie*, mère de la fameuse « louloute » de TikTok a contacté la rédaction pour discuter de notre article publié le 16 novembre 2022, nous avons sauté sur l'occasion pour en savoir plus.

C'est quoi « Arrête louloute » ?

Pour ceux qui sont passés à côté de ce phénomène viral, le compte tiktok @areteuhhhlouloutte cumule 332,7K abonnés et plus de 7,7 millions de likes. Le hashtag arretelouloute cumule, quant à lui, 57,5 millions de vues sur la plateforme. Derrière ces chiffres impressionnants, on trouve une mère de famille d'une quarantaine d'années qui produit plusieurs vidéos par jour, mettant souvent en scène sa fille fantasque, la fameuse « louloute ». Cette préado insupportable réclame constamment des cadeaux (qu'elle obtient), chante des chansons paillardes, et fait des mimiques ou des imitations cringe. Véritables personnages de freaks, le duo est parodié, mais aussi fortement critiqué au vu du contenu produit.

« TikTok, c'est comme un challenge »

La première question est bien évidemment « pourquoi ? ». Pourquoi filmer sa fille en train de raconter des bêtises et la publier sur les réseaux ? Pour Julie, les choses se sont faites naturellement. « Je filme ma fille depuis qu'elle a 10 ans, elle a toujours adoré ça, c'est comme un jeu, explique-t-elle. Quand j'ai découvert TikTok en 2019, j'ai commencé à faire des vidéos toute seule, notamment des karaokés. Ça m'a rapporté 72 000 abonnés. Puis, au fur et à mesure, j'ai intégré mes enfants et notamment ma louloute et les choses ont continué à bien fonctionner. Faire des vidéos, c'est comme un challenge : si je fais 100 000 vues une journée, ça veut dire que je peux faire 200 000 le jour suivant. »

Mettre en scène les enfants

Interrogée sur les accusations d'humiliation ou d'exposition de sa fille, Julie balaie les critiques du revers de la main. « Quatre minutes de vidéo où l'on joue la comédie ne représentent pas la réalité de notre vie, poursuit-elle. Tout ce que l'on fait, c'est à la fois des improvisations ou des délires qui sont naturels entre nous, mais qui une fois devant la caméra, génèrent du buzz. En fait, on ne prépare rien, mais rien n'est laissé au hasard non plus ». Elle précise aussi qu'elle veille à ne pas trop exposer le corps de son adolescente et de ne la filmer que lorsque cette dernière est d'accord. Interrogée à côté de sa mère, la « louloute » en question acquiesce quand on lui demande si elle aime tourner des vidéos. Elle déclare être contente d'avoir explosé les compteurs de ses amis sur les plateformes Roblox et Zepeto, particulièrement fréquentées par les enfants. A-t-elle le recul suffisant pour savoir si son image risque d'être atteinte quand elle sera adulte ? Difficile à dire du haut de ses 13 ans, mais sa mère se veut rassurante. « Au collège, tout se passe bien, c'est un peu une star et je veille à ce qu'elle ne subisse aucun harcèlement. Si jamais un jour elle veut arrêter les vidéos, il n'y a aucun problème, on arrêtera, car on ne dépend pas financièrement de TikTok pour vivre ». Julie est effectivement à son compte en tant que médium et voyante, une activité qui lui permet de dégager suffisamment d'argent pour vivre.

Toujours plus dans l'outrance ?

Mais ces réponses ne retirent rien au côté « racoleur » de ses vidéos. Quand on regarde les productions d'areteuhhhlouloutte on se rend compte que ces dernières tirent toujours les mêmes ficelles. Il y a les vidéos où louloute fait le pitre, celles où sa mère lui offre de la malbouffe ou des objets très chers comme des iPhones, ou bien encore des vidéos où les deux se vantent de partir en voyage à Dubai « grâce à l'argent des rageux ». Julie met aussi en scène sa vie et raconte par exemple qu'elle se sépare de son mari après 28 ans de mariage pour se mettre en couple avec un garçon de 19 ans. « Tout cela, c'est de la comédie, indique Julie. Je ne me sépare évidemment pas de mon mari, louloute ne vole pas ma carte bleue pour dépenser 1 800 euros dans mon dos, et l'iPhone que je lui ai offert a été achetée en leasing. On met beaucoup l'accent sur l'argent et sur les cadeaux parce que ça rend les gens complètement fous et que ça nous fait des vues en plus ». En axant une grande partie de son contenu sur l'argent que lui rapporterait TikTok, Julie met surtout en place un grand mensonge. De son propre aveu, son compte n'est pas éligible au creator fund de la plateforme, car il a été signalé plusieurs fois par des internautes inquiets. En d'autres termes, le duo ne gagne pas un sou grâce à TikTok, du moins pour le moment. « On prépare de grands projets pour le mois de mars », glisse Julie sans en dire plus.

Une sombre histoire de cyberharcèlement

Le fait de mettre en scène des fictions présentées comme véridiques, ou de surjouer des personnages outranciers n'est, en fin de compte, pas nouveau. Sur les réseaux, les influenceurs issus de la téléréalité le font depuis plus de 10 ans. Mais sur TikTok, une plateforme où l'authenticité est très valorisée, ce mélange entre fiction et réalité est mal perçu. De nombreux fans, très jeunes, semblent persuadés que tout ce que Julie et louloute racontent est vrai. D'autres mettent en garde les viewers contre ce compte qu'ils considèrent comme mensonger et toxique. Ces critiques qui peuvent être fondées sont pourtant perçues d'une tout autre façon par Julie. Selon elle, sa récente notoriété sur les réseaux et les polémiques qu'elle a générées depuis la fin de l'année 2022 ne seraient que le résultat de ce cyberharcèlement et non, le contenu parfois polémique qu'elle produit. « Je ne suis pas la seule influenceuse à faire du contenu avec mes enfants, explique-t-elle. Je ne mets pas de couches à ma fille de 13 ans ou je ne la traîne pas par terre comme le font certains que j'ai pu voir. Pourtant, je suis particulièrement visée par des comptes qui veulent me faire disparaître ».

Il est nécessaire d'apporter un peu de contexte à cette interview. En prenant contact avec la rédaction, Julie avait une idée particulière en tête : montrer les preuves de ce cyberharcèlement qui semble durer depuis maintenant 4 ans et qui serait organisé par une seule personne qui a récemment été mise en garde à vue et pour harcèlement en bande organisé. Durant notre entretien, elle a montré l'épais dossier judiciaire qu'elle a monté, la dizaine de plaintes qu'elle a portée devant la justice et les captures d'écran montrant les insultes et les dénigrements à son encontre. Après vérification auprès de la plateforme 3018 qui est spécialisée dans l'effacement de contenus pouvant nuire aux jeunes, près de 40 vidéos haineuses envers Julie sont effectivement retirées des plateformes tous les mois depuis maintenant deux ans.

Internet n'oublie rien

Entre ces histoires sordides de haine en ligne et cette exposition médiatique soutenue devant des millions de personnes, le phénomène arrête ma louloute fascine. Il montre aussi plusieurs choses. Tout d'abord, TikTok permet d'atteindre le statut de star de l'influence outrancière sans avoir à passer par la case téléréalité. Cet accès à la célébrité s'accompagne aussi de brouilles et d'attaques plus ou moins graves pouvant mener à des conséquences sévères sur la santé mentale - Julie déclare être actuellement en arrêt de travail longue durée à cause du stress provoqué par cette histoire. Enfin, il n'a jamais été aussi facile de jouer entre fiction et réalité sur les réseaux. Peu importe en fin de compte que louloute soit un personnage totalement ou partiellement inventé. Maintenant qu'elle est devenue un phénomène viral, Internet ne l'oubliera pas.

*le prénom a été modifié

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.
commentaires

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  1. Avatar Anonyme dit :

    Ridicule, dangereuse idiote, sans intérêt...et j'en passe des adjectifs pour qualifier l'attitude de cette mère irresponsable et tout autant pour ceux "qui suivent", qui regardent ces vidéos (je n'en ai jamais vues mais j'en ai une petite idée) débilitantes, humiliantes. Un jour, elle (la mère) chialera sur ces fameux réseaux poubelles. Et je ne voudrait pas savoir sur ce qu'elle en dira (la fille)
    Alors, je termine en disant : "arrêtez de regarder les idioties sans queues ni tête d'une femme possédant un cerveau vide...

  2. Avatar Aurelien Terrassier dit :

    Ce neo-conservatisme sociétal qu'est l'influencerie frappe encore avec l'exploitation des enfants par leurs parents. Ca fait un moment que certains alertent sur ce sujet. Bravo pour cet article.

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