Une manifestation en faveur du climat à Paris

Climat : la façon dont en parlent les politiques pourrait mener le combat à sa perte

© Delpixart via Getty Images

Le climat n’a jamais autant été au cœur des préoccupations gouvernementales. Mais au prisme de l’Histoire, les termes employés peuvent poser question. Éclairages du spécialiste de l’écologie Patrick Scheyder.

Référendum sur le climat, convention citoyenne…, autant de termes pour parler de l’urgence environnementale. Mais en la plaçant sous les feux des projecteurs, on oublie parfois de regarder dans le rétroviseur. Or Patrick Scheyder en est persuadé : l’analyse des mots à leur racine permet de prédire l’avenir sans boule de cristal. « Les choses ne sont pas nommées au hasard, et les mots peuvent déterminer les succès ou les échecs », estime-t-il.

Convention Citoyenne pour le Climat

Dans notre culture, la convention, c’est la convention nationale. Lors de la déchéance du roi en 1792, la convention nationale remplaçait la royauté, pour gérer la situation et proclamer la République. À l’époque, Patrick Scheyder note que cette convention avait un pouvoir législatif : elle ne se contentait pas de proposer des lois étudiées ou rectifiées par la suite, elle les faisait.

En ce qui concerne la Convention Citoyenne pour le Climat, inspirée d’expériences qui ont eu lieu en Irlande ou au Canada, c’est différent : celle-ci n’a pas de pouvoir. « Étymologiquement, on aurait plutôt dû parler d’États généraux. Dans l’Histoire, ceux-ci avaient vocation à aider le souverain en convoquant des membres de la noblesse, du clergé et du tiers état. C’est un peu le même principe que le tirage au sort qui a eu lieu pour la Convention Citoyenne. Il existait un pouvoir consultatif, mais c’est le roi qui décidait in fine », rappelle Patrick Scheyder.

Référendum sur le climat

Nouveauté de la fin 2020 : la proposition d’un référendum sur le climat. En 1793, lorsque la France adopte la Constitution par voie référendaire, tout le monde n’avait pas eu le droit de voter. « Cela fonctionnait par un système de grands électeurs, comme au Sénat. » À l’époque, l’idée est inspirée des idéaux de Jean-Jacques Rousseau qui, dans Le Contrat Social, en 1762, admire la République de Genève : les différentes classes sociales ont alors des droits relativement égalitaires. Une fois la Constitution adoptée, le peuple s’exprimait régulièrement par référendum. « Et les référendums n’ont jamais abouti, sauf pour la Constitution. » Patrick Scheyder rappelle aussi que les référendums peuvent couvrir des actes illégitimes : Napoléon Ier et Napoléon III, à l’origine de coups d’État, se sont fait plébisciter par référendums.

De la révolution à la ré-évolution ?

Pour Patrick Scheyder, puiser dans l’héritage révolutionnaire pour un sujet si actuel peut avoir un double effet. « Nous assistons à un remue-ménage médiatique, mais le projet de société ne progresse pas beaucoup. On assiste à des discours qui s’opposent – les uns veulent sauver la planète, les autres l’économie – mais qui se rassemblent aussi, sans s’en rendre compte : finalement, tout le monde parle de survie. » Une attitude relativement conservatiste, au regard des possibilités que pourrait offrir un nouveau projet de société. « On ne peut pas s’en sortir avec la simple perspective de sauver les meubles. Plutôt que d’employer un vocabulaire issu de la Révolution, ne pourrait-on pas aller vers une ré-évolution ? L’écologie doit constituer un projet de société, on devrait se recentrer sur un nouveau niveau de promesse », conclut-il.

Mélanie Roosen

Mélanie Roosen est rédactrice en chef web pour L'ADN. Ses sujets de prédilection ? L'innovation et l'engagement des entreprises, qu'il s'agisse de problématiques RH, RSE, de leurs missions, leur organisation, leur stratégie ou leur modèle économique.
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  1. Avatar favier dit :

    Dommage, l'accroche comme l'approche laissaient entrevoir une vraie analyse sur la façon dont les personnes convaincues de l'importance et de l'urgence d'agir s'expriment, parfois à contre-emploi de la cause qu'elles sont sensées servir. Certains mots, certaines tournures et la plupart des injonctions ont en effet les résultats totalement inverses à ceux escomptés... c'est cette analyse-là que j'attendais, plus qu'une référence historicienne à un vocabulaire dont les tenants n'ont plus de tels signifiants chez la plupart de ceux qui les emploient...

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