Une jeune femme en tailleur rose devant le ciel

Balzac Paris : peut-on vraiment être responsable et produire des vêtements ?

© Balzac Paris

À l’origine de Balzac Paris, une conviction : celle qu’on peut être tout petit et faire bouger les lignes. Aujourd’hui, avec 100% de croissance par an depuis sa création, la marque montre qu’une mode responsable est possible. À condition d’être prêt à repenser tous ses métiers.

Quand Chrysoline de Gastines crée Balzac Paris en 2014, c’est déjà avec l’ambition de responsabiliser les consommateurs et consommatrices. Sa conviction ? Ce n’est pas parce qu’on est petit qu’on ne peut pas faire bien. Alors avec son cofondateur, elle s’engage, à fond, dans la voie de la mode responsable. Facile ? Pas vraiment. Les rouages de l’industrie sont bien rodés, et il n’est pas toujours évident de changer les trajectoires. Mais Chrysoline de Gastines ne baisse pas les bras et, avec pédagogie, persévère. Et ça marche. Aujourd’hui, la marque enregistre une croissance de 100% chaque année depuis sa création. Rencontre.

Lorsque vous créez Balzac Paris en 2014 avec un ADN responsable, le discours est encore relativement niche dans la mode. Aujourd’hui, pensez-vous que les clientes soient plus sensibles au sujet ?

Chrysoline de Gastines : Nous avons toujours eu à cœur d’impliquer nos clients, dans toutes nos actions. Cela passe naturellement par une gamme responsable, en lien avec nos convictions. Dès 2014, nous étions certains que l’on pouvait faire bouger les lignes même en étant tout petit. Effectivement, c’était assez différenciant face à la concurrence. Mais ce qui primait à l’époque – et qui continue de primer aujourd’hui – ce sont les visuels des produits. L’argument « mode responsable » vient dans un second temps.

On connaît les dérives – sociales, environnementales et sanitaires – de la mode. C’est quoi, être une marque responsable dans ce secteur ?

C. d. G. : Nous sommes très transparents sur le sujet : nous ne serons jamais parfaits. Nous fabriquons des vêtements. Par essence, nous faisons des produits qui n’ont rien de vital. Alors on essaye de faire du mieux possible. Au début, nous avons fait des erreurs, eu des prises de conscience difficiles. Honnêtement, c’est en intégrant des gens meilleurs que nous dans nos équipes que l’on a pu s’améliorer. Notre chargée de RSE est profondément écolo, elle nous fait beaucoup grandir. Notamment sur le choix des usines, ou le sourcing des matières : aujourd’hui, 98% de nos matières sont écoresponsables. Et dans un autre registre, notre directrice marketing se soucie du bilan carbone généré par l’envoi de la newsletter ou notre site internet.

Vous parlez des erreurs que vous avez faites par le passé : pouvez-vous détailler ?

C. d. G. : Nous utilisions beaucoup de viscose. En plus d’être une matière agréable à travailler pour les stylistes en matière de toucher et de tombé, elle est souvent présentée comme écologique. En réalité, elle dérive de nombreux procédés chimiques. Notre directrice RSE nous a alertés sur le sujet, et à partir de ce jour-là, nous avons décidé de travailler à l’envers.

Comment ça, vous avez décidé de travailler à l’envers ?

C. d. G. : Traditionnellement, les stylistes dessinent des modèles et les chefs de produits proposent des tissus en fonction. Désormais, on fait l’inverse : nous partons de matières responsables en sensibilisant nos stylistes à chaque saison pour mettre en valeur la fibre Tencel ou Naia, le coton bio, la viscose EcoVero… On a complètement déconstruit l’exercice.

Un exercice qui devient donc plus difficile pour les stylistes…

C. d. G. : Être une marque responsable entraîne des difficultés qui peuvent devenir des atouts. Par exemple, nous n’avons jamais utilisé de soie, qui nécessite d’ébouillanter des vers, ou de sequins, qui polluent énormément. Ce sont des matières que les clientes adorent à Noël, par exemple. On a dû trouver des alternatives, faire preuve de plus de créativité, réinventer la façon dont nous construisons les collections pour avoir une traçabilité parfaite du produit.

Vous n’utilisez pas de soie, en revanche vous proposez du cuir, qui est très gourmand en CO2. Pourquoi ?

C. d. G. : L’industrie du cuir est très opaque. Les cuirs de l’industrie textile proviennent de l’industrie agroalimentaire : c’est très compliqué de remonter la chaîne de valeur. Nous ne travaillons qu’avec quelques tanneries qui nous permettent d’arriver à cette traçabilité parfaite. Pour les stylistes, c’est perturbant car plus restrictif. Par ailleurs, il est vrai que le cuir est très consommateur de CO2. Tout le monde en est conscient. Mais c’est aussi une matière qui dure dans le temps. Un sac en cuir animal peut être gardé toute une vie. Sur le long terme, c’est donc parfois moins polluant que du cuir végétal. Cependant, nous sommes dans une logique de test perpétuel. Nous avons par exemple développé un cuir de pomme !

Mélanie Roosen

Mélanie Roosen est rédactrice en chef web pour L'ADN. Ses sujets de prédilection ? L'innovation et l'engagement des entreprises, qu'il s'agisse de problématiques RH, RSE, de leurs missions, leur organisation, leur stratégie ou leur modèle économique.
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