
Deliveroo, Frichti, FoodChéri et compagnie : tous ces services sont bien pratiques, mais ils ne sont pas franchement éco-friendly… Entre les mauvais élèves et les bonnes initiatives, on fait le point.
C’est devenu tellement pratique, de commander ses repas à portée de clics, qu’on oublie parfois ce que ça implique. Les plateformes de livraison se multiplient et avec elles les déchets plastique. Packaging, couverts, sacs… Peut-on en venir à bout ?
Moins de déchets, c’est bien. Pas de déchets, c’est mieux
Laura Chatel est Responsable du plaidoyer chez Zero Waste France. Au sein de l’ONG, elle agit en faveur d’une société zéro déchet et zéro gaspillage. Et elle est formelle : la livraison à domicile est un vrai problème. « C’est difficile d’avoir une idée de ce que les plateformes de livraison de nourriture représentent, il y a peu d’informations disponibles », regrette-t-elle. On confirme : lorsqu’on essaye d’interroger Frichti sur le volume de ventes journalier, on nous explique que ces informations ne sont pas communiquées.
Les derniers chiffres à disposition datent de 2013. Agrégés par Citeo, entreprise spécialisée dans le tri et le recyclage, ils font état de 13 milliards d’unités d’emballage issus de la restauration rapide et de la vente à emporter. Mais il est à parier que le bilan n’est pas plus glorieux aujourd’hui, dans la mesure où la popularité de ces services grimpe en flèche.
Alors évidemment, les plateformes de livraison ne sont pas totalement déconnectées de la réalité. Elles savent qu’elles ont un rôle à jouer et que le plastique n’a plus la cote. Et les initiatives en ce sens se multiplient… et se ressemblent. On ne propose plus de couverts par défaut, les matériaux sont éco-responsables ou recyclables, et on accompagne les clients (consommateurs et restaurateurs) pour adopter les bonnes pratiques.
C’est un bon début. Mais c’est loin d’être suffisant pour Laura Chatel. « Le message qu’on veut porter auprès de ces plateformes, c’est de ne pas se focaliser sur le recyclage. Par essence, elles n’ont pas la main sur la fin de vie de leurs déchets. C’est différent dans les fast-food par exemple, qui peuvent mettre en place des poubelles de tri dans leurs restaurants. Proposer des emballages recyclables à des consommateurs qui ne recycleront pas, ce n’est pas ça qui va changer la donne. »
L'ambition de Zero Waste pour ces services va plus loin. Il faudrait, dans l'idéal, éviter de proposer des contenants à usage unique et travailler sur du réutilisable pour éliminer les déchets liés aux emballages. « Les acteurs dont on parle n’en sont pas là. Ils ne veulent pas bouger là-dessus. Il y a sûrement des gens sensibilisés en interne, mais l’ensemble des structures n’identifient pas ça comme étant une priorité. »
La consigne : un argument de fidélisation ?
Pourtant, Laura Chatel en est persuadée : passer au zéro déchet peut être un formidable argument de fidélisation pour les plateformes. Il faut dire que les consommateurs, conscients du problème, sont en quête de solutions pour réduire leur impact écologique. « Évidemment, les gens les plus sensibilisés au sujet ne font pas appel à ces plateformes, admet Laura Chatel. Ça les choque trop. Le nouveau phénomène, c’est que parmi les clients certains commencent à vraiment se poser des questions. Je pense que la première plateforme qui proposera des options réutilisables pourra vraiment se démarquer des autres. »
Sophie Valentin est directrice marketing et communication de Frichti. Elle confirme qu’il y a une grosse attente de la part des consommateurs sur la réduction des déchets. « La volonté de changer nos matériaux vient de l’entreprise mais aussi des clients. Ça fait partie des critères de préférence, et je pense que proposer un pack recyclable va augmenter la fidélité des consommateurs. » Même son de cloche du côté de chez FoodChéri, dont la co-fondatrice Julia Vernin nous explique que l’intérêt des clients sur le sujet s’est accru depuis la diffusion d’une émission de Cash Investigation sur les dégâts du plastique. « Du jour au lendemain, tout le monde nous a écrit. Les clients nous expliquaient aimer nos produits, mais nous demandaient de faire un effort sur le plastique. »
C’est le signe pour Laura Chatel qu’il faut pousser le curseur plus loin. « On peut concevoir des systèmes de consignes assez simples, qui ne seraient pas vécus comme une contrainte par le client. Si vous commandez plusieurs fois par semaine ou par mois sur la même plateforme, pourquoi ne pas envisager que le livreur récupère le contenant lors de la livraison ? Entre stocker un emballage réutilisable une semaine ou se creuser la tête pour savoir comment recycler, je ne sais pas ce qui est le plus compliqué. » Elle ajoute que le sentiment d’utilité et de bonne action qui en résulte pourrait populariser la démarche.
Pourquoi on ne s’y met pas
Chez les principaux concernés, on ne voit pas le retour de la consigne du même oeil. Julia Vernin en est convaincue : le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas. Mais elle n’est pas très optimiste quant à la mise en place d’un système de contenants réutilisables. « C’est un sujet complexe, admet-elle. C’est évidemment la meilleure solution. Mais il est illusoire de penser que nos clients commanderont tous les jours chez nous. » Autre frein : le coût. « Ça coûte déjà assez cher de livrer à domicile, si en plus il faut aller récupérer le contenant, ce n’est pas rentable. Et les clients ne sont pas prêts à payer ce surplus. » Chez Frichti non plus, ce n’est pas la priorité du jour. « Bien sûr que c’est un problème. On pourrait imaginer un système pour nos clients réguliers, mais ça demanderait beaucoup de développement. C’est un vrai sujet logistique », explique Sophie Valentin. Julia Vernin poursuit : « Nos repas sont préparés la veille, tous de la même manière. Si on imagine qu’on utilise des contenants réutilisables pour les clients réguliers, et des emballages uniques pour les clients ponctuels, ça demande un gros travail de prévision en amont des commandes. »
C’est déjà compliqué quand les plateformes maîtrisent l’emballage des repas, ça n’augure donc rien de bon pour celles qui mettent en relation restaurateurs et consommateurs, type Just Eat ou Deliveroo. Laura Chatel exprime par ailleurs les freins des restaurateurs. « Tout d’abord, ils craignent qu’un contenant mal lavé puisse poser des problèmes en termes d’hygiène, mais ce n’est pas tout. Les emballages et couverts sont souvent considérés comme un service offert au consommateur, ce n’est pas évident de le supprimer. Enfin, il faudrait instaurer des normes. Dans certains restaurants, les portions se font au poids. Si les packagings des différentes plateformes ne sont pas les mêmes, ça peut être un obstacle. »
Ailleurs, ça marche
Laura Chatel reste positive. Ailleurs, les initiatives fleurissent. En Suisse, l’ambition de Recircle est de transformer la restauration à emporter en proposant aux établissements des boîtes à repas réutilisables et consignées. Et ça marche : en deux ans, ce sont 70 000 boîtes qui ont été distribuées à plus de 400 restaurateurs. Les clients sont enthousiastes malgré le prix de la consigne (environ 8,50 euros) et le fait de devoir rapporter eux-mêmes leur boîte chez un restaurant partenaire. Pour les équipes, le plus gros défi est de changer des habitudes qui deviennent quasi-automatiques. La démarche est soutenue par les municipalités, qui réfléchissent notamment à taxer les emballages à usage unique pour aider les clients à repenser leurs usages.
Mutualiser les systèmes et taxer les emballages à usage unique font partie des bonnes pratiques à adopter selon Laura Chatel. « Développer des contenants standardisés est idéal. Une directive européenne prévoit que les États membres puissent imposer des alternatives réutilisables. La proposition existe, mais pour ce qui est de l’appliquer, c’est une autre paire de manches… Pour le moment, tout se fait sur la base du volontariat. »
Étape par étape
Alors on procède petit à petit. Depuis un an, FoodChéri réfléchit à la façon de réduire son empreinte carbone. « Nous avons recruté quelqu’un dont c’est le job à plein temps », confie Julia Vernin. Ici, on ne parle pas de réduction des coûts : l’idée n’est pas de « faire joli » pour moins cher, mais de prendre le sujet à bras le corps. En un an, les actions sont multiples. En plus d'une carte à 50% végétarienne et de repas végétaliens gratuits le mardi, FoodChéri propose désormais des couverts beaucoup plus solides, qui sont en option sur le site. « Avant, c’était systématiquement mis dans les sacs de livraison, maintenant il faut faire la démarche de les demander. » Résultat : les couverts ne sont plus présents que dans 60% des commandes. La mécanique est la même chez Deliveroo, et sera poussée un cran plus loin chez Frichti. Sophie Valentin annonce qu’en plus des couverts en amidon de maïs réutilisables, la plateforme proposera aux consommateurs d’acheter de vrais couverts en inox pour les conserver au bureau, « où ils se font régulièrement livrer » , par exemple. À terme, FoodChéri aimerait se poser la question de récompenser les utilisateurs qui choisissent de ne pas prendre de couverts – plutôt que de taxer les mauvais élèves. « Dans un marché hyper concurrentiel drivé par les réductions, ça peut faire la différence. »
Côté packaging aussi on se bouge. FoodChéri vient de sortir des barquettes recyclables – en carton et RPET, c’est-à-dire que le plastique est recyclable et recyclé à hauteur de 50% minimum. Frichti sortira son nouveau packaging en juillet, fabriqué à base de déchets végétaux et sans hydrocarbures. Depuis que la plateforme livre aussi des restaurants, elle recommande aux partenaires d’utiliser des emballages les plus écologiques possible. Ce n’est toutefois pas un critère de choix dans la collaboration, admet Sophie Valentin. Pour Deliveroo, qui ne livre que des produits de restaurateurs, la bonne action prend la forme d’un partenariat avec l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH), contracté en 2018. Dans ce cadre, les restaurateurs concernés ont reçu le guide UMIH des bonnes pratiques pour réduire leur empreinte environnementale et bénéficient d’une nouvelle ligne d’emballages composée d’une cinquantaine de produits éco-responsables.
Au niveau du transport, Frichti comme FoodChéri utilisent des sacs en kraft. Et les entreprises partenaires de FoodChéri bénéficient d’un sac particulier, réutilisable et en matière lavable. « Chaque jour, ils gardent les sacs et nous rendent ceux de la veille. C’est un déchet que nous avons réussi à éliminer en bonne partie », se réjouit Julia Vernin.
Quant à savoir si les ressources sur le sujet sont mutualisées… et bien, ça dépend. « On connaît certains de nos concurrents, poursuit-elle. Il y en a qui sont même des amis. On échange pas mal de trucs. On réfléchit aux bonnes pratiques. D’autres comme Frichti préfèrent ne pas avoir de contact avec l’écosystème. » Quant à savoir si ce sont ces nouveaux acteurs qui pourront réinventer l’emballage, ne nous emballons pas, justement. « Nous n’avons aucune capacité à inventer de nouveaux matériaux. Ce sont des révolutions qui se jouent au niveau des Veolia, Suez ou Total. Pas les start-up : elles peuvent inventer mais pas industrialiser. On tape souvent sur les grands groupes, mais avec une bonne conscience écologique, ce sont eux qui pourront initier des changements. »
Question d’éducation
Les bonnes idées et la bonne volonté sont donc au rendez-vous. Et pour que les efforts ne soient pas vains, il faut encore éduquer les consommateurs. C’est le gros enjeu de comm’ de ces acteurs ! Julia Vernin rappelle que même avec le meilleur matériau du monde, si en bout de chaîne, on se trompe de poubelle, ça ne sert à rien. C’est pour ça que chez FoodChéri, les équipes ont développé des vidéos tutorielles pour savoir quoi faire, et une newsletter pour accompagner les consommateurs. Du côté de chez Frichti, les plateaux repas pour les entreprises sont dotés d’explications pour savoir comment plier l’emballage et dans quelle poubelle le mettre.
Bon. C’est déjà pas mal. Mais pour aller au-delà, Laura Chatel estime que les pouvoirs publics devront s’en mêler. Le cadre ne facilite pas toujours les démarches… et les actions viennent pour le moment plutôt des ONG que des ministères. « Le chemin est encore long, conclut Sophie Valentin. Mais on pourra faire mieux, c’est sûr. »
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