Un pont et une forêt

Comment les marques peuvent-elles trouver leur raison d’être ?

© Tim Swaan via Unsplash

La loi PACTE introduit la notion de « raison d’être » et le statut  « d’entreprise à mission ». Alors, réjouissons-nous de l’intérêt porté au « purpose ». Mais méfions-nous aussi car le concept, à force de circuler, s’est vidé de sa substance. Il est grand temps de redéfinir ses contours.

Rendre les cheveux plus brillants, la peau plus douce et le linge plus blanc… Pour le PDG d’Unilever, Alan Jope, ça ne peut suffire pour générer la croissance d’une marque sur le long-terme. Il a d’ailleurs annoncé qu’il n’hésiterait pas à revendre les marques de son portefeuille. Celles n’ayant pas trouvé leur purpose à court terme. Autrement dit, elles doivent se dépêcher de trouver la réponse à : « pourquoi mon entreprise existe-t-elle ? ».

Le purpose donne du sens à l’activité de l’entreprise bien au-delà de la recherche de profit. Il est le moteur de la marque, sa boussole, son cap : une ligne d’horizon stratégique et une raison pour les collaborateurs de se lever chaque matin. Mais voilà, le purpose est menacé. Aujourd’hui, il se limite bien souvent à quelques combats stéréotypés que l’on pourrait appliquer à des centaines d’entreprises. Dès lors, il n’est plus un outil de différenciation, mais un outil à cloner les marques. Rendons hommage à sa diversité car, après tout, il y a autant de raisons d’être qu’il y a de marques.

Un purpose ne s’invente pas, il se révèle

On ne décrète pas un purpose. La raison d’être ne doit surtout pas être le reflet d’une vision fantasmée de la marque. Au contraire, le purpose doit être ancré dans la réalité de la marque, à son origine même. Révéler le purpose d’une marque relève d’ailleurs bien plus de la maïeutique que de la création : il s’agit de trouver dans les visions de chaque dirigeant, de chaque collaborateur, le dénominateur commun, l’étendard capable de fédérer et de résonner au quotidien pour l’ensemble des salariés.

Cette approche collaborative et ascendante n’est pas réservée aux start-up, loin de là. Veolia en est la preuve. Plutôt que d’imposer une décision prise par le top management, la multinationale a interrogé les représentants du personnel, une grande partie des salariés et les membres du conseil d’administration lorsqu’elle entreprit de redéfinir son purpose. Ce n’est qu’à la suite de cette consultation en ligne que le groupe a annoncé sa raison d’être : « ressourcer le monde ».

Ne pas confondre combat RSE et purpose

« 62 % des clients attendent que les entreprises s’engagent sur les grandes problématiques contemporaines et globales comme le développement durable, la transparence ou les politiques de non-discrimination à l’embauche » (source : Accenture).  Et l’inclusivité, les stéréotypes de genre, la cause LGBTQIA sont autant de sujets que les marques doivent aussi aborder dans leurs communications, produits et services. Mais trouver son purpose, ce n’est pas trouver le combat contemporain sur lequel surfer.

Faire cet amalgame est très risqué et peut entacher l’image de marque sur le long terme. Pepsi en a récemment fait les frais. Les internautes américains ont, en effet, dénoncé l’appropriation du mouvement de lutte sociale Black Lives Matter dans la campagne Live for Now avec Kendall Jenner. Rien dans l’ADN de la marque ne prédisposait le géant du cola à prendre à bras-le-corps un tel sujet.

Un purpose crédible ne se déclare pas, il se vit.

Un purpose, pour propulser la marque, doit donc être crédible, mais aussi lisible dans l’expérience délivrée. Il doit inspirer l’innovation, guider les initiatives et encourager la création de produits et services : c’est un filtre stratégique puissant. La preuve en est : si Barbie a aussi bien réussi à prendre son tournant, c’est parce qu’elle a dépassé le registre déclaratif en transformant en profondeur ses produits et services.

Dès 2016, l’entreprise a lancé de nouvelles poupées avec sept couleurs de peau différentes, mais aussi 24 styles de coiffure, 22 couleurs d’yeux et de nouvelles morphologies et métiers. Lorsque la marque déclare vouloir aider les petites filles à révéler leur potentiel, elle peut s’appuyer sur une multitude de marqueurs d’expérience. À l’inverse, Gillette a beau réagir au mouvement #metoo avec le spot « The best a man can get », tant qu’elle ne s’engagera pas contre la « taxe rose » et qu’elle ne reconnaîtra pas le rôle qu’elle a joué dans la circulation de stéréotypes de la masculinité, elle ne pourra pas être légitime dans son combat contre la masculinité toxique.

Le purpose a le pouvoir d’accélérer la croissance de la marque comme de l’anéantir, de lui donner du sens, de la rendre unique, comme de la faire passer pour une opportuniste et un clone, d’embarquer ses consommateurs en leur permettant d’agir à travers leur consommation, ou de les faire fuir s’ils n’y croient pas. Il faut du courage pour ne pas suivre la tendance et faire le choix de révéler son identité profonde #freethepurpose. Mais ce n’est que comme ça que l’on fait résister la marque à l’épreuve du temps. Saurez-vous choisir le combat qui vous ressemble ?


POUR ALLER PLUS LOIN :

Une étude d'Accenture révèle que 62 % des clients attendent que les entreprises s’engagent sur les grandes problématiques comme le développement durable, la transparence ou les politiques de non discrimination à l’embauche.


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